Par Hilaire de Crémiers.
Peut-être est-il possible de trouver un bon sens au mot démocratie ? L’usage en est tel que les peuples finissent par se révolter. Il y a mécompte.
La démocratie n’est-elle jamais qu’un instrument de pouvoir ? Un moyen de prise de possession et de mainmise dont la maîtrise du pouvoir reste le seul et véritable enjeu ? Un mot qui couvre des mécanismes politiques dont le contrôle échappe aux peuples qui, cependant, sont censés théoriquement – et selon l’étymologie même du mot – être l’origine et la finalité de ce pouvoir tant convoité et de la prérogative souveraine dont il dispose et qu’il représente ? Un piège, en quelque sorte, un procédé astucieux, un truc politique qui ne sert qu’à satisfaire des ambitions personnelles, quelquefois les plus sordides, les plus malsaines, les plus dictatoriales, les plus sournoisement arbitraires et totalitaires, même dissimulées sous des allures libérales ?
Une hypermorale parfaitement indécente
Ou, encore et dit différemment, la démocratie n’est-elle qu’une prétendue morale, déclarée supérieure, qui se révèle dans les faits d’une nature profondément immorale, surtout quand elle s’enveloppe – comme dernièrement en France – du mot « éthique » pour légaliser l’abomination des mœurs, le meurtre en série des plus faibles, le trafic et la manipulation du vivant, la marchandisation des corps, que l’État, au nom du peuple, impose à coups de propagande éhontée par laquelle il fabrique et façonne une opinion dite majoritaire et donc souveraine ? Un axiome qui n’a pas besoin d’être démontré, un impératif catégorique qui suffit à l’exigence de la conscience, l’adhésion de foi à la formule du salut démocratique couvrant de son manteau sanctificateur le paquet peccamineux des iniquités ?
Ou, enfin, pour parler plus simplement et plus politiquement, une « gouvernance » qui justifie, par sa norme même, au nom de la légalité démocratique toutes les usurpations de légitimité ? Un droit affiché qui ne sert qu’à permettre les transgressions ? Une justice, en principe absolue, mais qui ne favorise en pratique que des injustices ? Bref, un peuple légal qui n’est pas le peuple réel, mais « un élément de langage » selon le jargon à la mode
Et les peuples, qu’est-ce qu’ils en pensent ?
Nous y sommes : « un élément de langage » ! Là, nos gouvernants actuels et leur service de communication sont à leur affaire. Il suffirait de servir aux citoyens des « éléments de langage » à la sauce démocratique. Et le tour serait joué : ce serait le fin du fin de l’art politique… Mais aujourd’hui cet art atteint ses limites. Ce qui pouvait se penser dans les sphères politiques, il y a encore un an, n’a plus guère d’efficacité. La légitimité de ce genre de pouvoir, en tant que telle, est remise en cause. Voilà, un peu partout sur la planète, des autorités installées qui revendiquent leur légitimité démocratique et qui sont contestées par des mouvements populaires de plus en plus fréquents et de plus en plus violents. Toutes les interrogations alignées ci-dessus sont dorénavant l’expression d’une actualité qui ne peut qu’exciter les esprits les plus réfléchis. L’ensemble des questions se ramènent en effet à une seule : la démocratie n’est-elle rien d’autre qu’une idéologie de façade qui, comme les autres, politiques, religieuses, pseudo-religieuses, islamistes en particulier, sert à couvrir des intérêts financiers et économiques, des dominations sociales et politiques, des abus de pouvoir, des folies d’orgueil et de passion ? Argent, puissance, ambition, toujours la même mixture : l’homme ne se renouvelle pas. Hypocrisie en plus ! La démocratie n’est plus que le masque d’un totalitarisme corrompu et corrupteur sous les traits d’un libéralisme qui n’a plus rien de libéral.
La révolte des peuples peut-elle y changer quelque chose ? C’est toute la vraie question et qui reste, elle, en suspens, alors qu’il n’y a plus guère de doute sur les institutions démocratiques mondiales. L’autre question en corollaire qui vient à l’esprit porte sur le point de savoir si les peuples continueront à être dupes de « la chose » ou, du moins, si les esprits vraiment politiques qui ont le souci du bien commun, ne se libéreront pas de cette aliénation intellectuelle et morale qui se qualifie de démocratique ? Question de langage, dira-t-on. Soit, tous les peuples ont été drogués avec de tels discours. Est-il une cure possible ? Qui osera un langage de vérité ? Ces révoltes, voire ces révolutions déboucheront-elles encore sur des marchés de dupes au nom de la démocratie ?
Voilà que l’islamisme se mêle lui-même d’être démocratique ? Il emprunte lui aussi la voie du succès électoral pour la prise du pouvoir. Qui pourrait le lui reprocher ? Les pauvres peuples souffriront deux fois ! On sait comment finissent les printemps arabes. Nos propres banlieues commencent à en faire l’expérience. La démocratie islamiste ou l’islamisme démocratique, est-ce de la démocratie ou est-ce de l’islamisme ? Quelle est l’autorité politique qui va trancher ? C’est très joli de dénoncer le communautarisme ; ce n’est qu’un discours : ô démocratie ! ô laïcité ! Blanquer n’en pourra mais ; Macron encore moins ! Nos juges ont déjà tout lâché. Et, là, demain, soyons-en sûrs, quand l’islam sera synonyme de démocratie… et ça vient, il sera interdit de se révolter !
Sortir de l’impasse
Partout, les peuples s’essayent à sortir de l’impasse, mais ils n’ont aucune solution et eux-mêmes n’en sont pas une, en dépit qu’ils en aient. Alors, violence vaine ? Et, d’abord, où est la violence ? De quel côté s’exerce-t-elle ? Du côté des pouvoirs publics acculés qui s’appuient sur l’ordre démocratique pour réprimer les manifestations de la colère populaire ? Ou du côté des foules exacerbées où il est toujours des meneurs et des aventuriers qui cherchent à récupérer le mouvement à leur profit ? La France a connu l’épisode des Gilets jaunes ; ce n’est pas fini. Le désordre est partout, mais d’abord dans l’État et dans les idées de l’État pour peu qu’il en ait, le seul objectif de Macron n’étant plus que d’être réélu face à Marine Le Pen. Ce n’est pas pour rien que les départements et territoires d’Outre-Mer votent majoritairement pour le Rassemblement national. Les déplacements de Macron ne changent rien à rien, faute de direction nationale claire et nette, sous prétexte d’on ne sait quelle démocratie. Toujours le même problème !
Les Libanais par millions ne veulent plus d’un seul homme politique du système actuel, toutes tendances et toutes confessions confondues, même sous la pression du Hezbollah. Le Liban est ruiné pour cause de démocratie. En Irak de même : il n’y a plus aucune légitimité nulle part. Merci aux Américains ! La traque et la mort d’al-Baghdadi sont une manière tactique de restaurer leur prestige, non de résoudre le problème stratégique. Au Moyen-Orient, il suffirait de peu pour que tout explosât. Poutine qui est le seul à mener une politique sensée, est devenu l’ennemi n°1 de nos démocraties.
Nul ne sait l’avenir de l’Algérie, mais la jeunesse y devrait apprendre que la voie de la prétendue libération démocratique ne fut pour leur pays que la voie de l’esclavage ; il est des écrivains de talent pour le dire. Les Tunisiens comprendront-ils comment démocratie rime avec islamisme ? Et l’Afrique du Sahel ? Et la Guinée et, pour ainsi dire, tous les pays d’Afrique, malades d’idées politiques folles et inappropriées, calquées sur nos sottises occidentales, doivent-ils subir dans leur chair de perpétuelles guerres civiles et des tyrannies sanguinaires que crée et recrée constamment chez eux l’idée pandémocratique ? La France porte une lourde responsabilité, d’abord et fondamentalement politique.
En Amérique du sud, le Vénézuéla n’a-t-il pas assez souffert ? Et Cuba ? Faut-il que les Boliviens supportent encore Evo Morales ? Les Chiliens sont par millions dans la rue : comme en France, le coût du transport et les taxes de l’État ont suffi à déclencher la crise ! L’Argentine passe aux péronistes de gauche et il est à parier qu’elle ne s’en portera pas mieux. La Chine ne tient que par la dictature nationaliste du Parti communiste ; mais les citoyens de Hong Kong ne veulent pas se trouver sous sa coupe ; et on les comprend.
Les protestations des peuples européens vont dans le même sens ; ils veulent retrouver leurs libertés et sauvegarder leurs traditions que la caste eurocratique leur a ravies. Il y aura des surprises encore, même au-delà du Brexit, et Macron peut s’inquiéter : les peuples ne se manient pas comme des pions ; des séries de concepts ne constituent pas une réalité politique. Il n’aura pas l’Europe au chantage, comme il prétend le faire avec ses candidats-commissaires ; ni d’ailleurs, en France, il ne gagnera les élections municipales en menaçant de supprimer les tribunaux des villes qui voteront mal ! Ah, la démocratie….
Devant cet ébranlement qui risque de se généraliser, les autorités qui ne puisent pas leur légitimité dans le service rendu à leur peuple peuvent trembler. Antonio Gutteres, le secrétaire général de l’ONU qui se fend de discours pompeux et alarmistes, a signifié son émoi devant pareille situation. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais, met en garde les protestataires du pays du Cèdre. Chacun en haut lieu, dans un petit vent de panique, commence à compter ses abattis.
Maurras, dès 1894, dans son Chemin de Paradis, avait annoncé que les peuples deviendraient esclaves en invoquant une prétendue liberté qui ne leur offrirait jamais que « des faux maîtres ». Remercions aujourd’hui Éric Zemmour pour sa magnifique et courageuse défense de la vraie liberté française, face à tous nos faux maîtres ; sa parole de vérité les affole ! Et regrettons que notre bon roi Louis XVI n’ait pas su mater une stupide révolution. C’était à lui de faire les réformes en vrai et légitime maître qu’il était. C’eût été le vrai salut de la France et lui eût épargné bien des malheurs. Et il y aurait eu un peu plus d’intelligence dans le monde ! ■
UNION ROYALISTE PROVENÇALE
Rappelons qu’Hilaire de Crémiers donnera 2 conférences, l’une à Marseille, demain mercredi 6 novembre, l’autre à Aix-en-Provence, le lendemain jeudi 7 novembre. Voir les annonces plus loin.
Les questions vertigineuses que pose Hilaire de Crémiers relèvent de l’ordre philosophique. Sur ce plan, la légitimité de tout pouvoir politique peut être contestée et aucun pouvoir n’est finalement légitime sauf à ce que chaque citoyen accorde individuellement, solennellement, par écrit et devant témoins le pouvoir politique suprême dans un cadre défini à une personne dénommée pour une durée et dans les limites qu’il décide.
A cette aune, autant dire qu’aucun dirigeant politique dans aucun régime quel qu’il soit dans le monde ne peut se prétendre légitime pour gouverner et prendre des décisions qui s’appliquent à tous les citoyens indistinctement.
Néanmoins la question posée reste légitime et, dans un monde réaliste, on est en droit de s’interroger sur la légitimité de telle ou telle décision prise par nos dirigeants pour satisfaire tel ou tel groupe de citoyens, lorsqu’elle heurte un certain sens commun ancestral ou des valeurs morales ou religieuses profondément ancrées.
Quelle place accorder à l’islam par rapport aux autres religions ou non religions? Quelle est la légitimité de l’islam pour prétendre imposer à tous des règles de vie en société que cette religion prétend imposer à ses croyants et aux non croyants ? Tous les bouleversements comportementaux prônés par les théories du genre peuvent-ils légitimement constituer des normes et s’imposer à tous? Peut-on accepter que les développements de l’ingénierie biologique permettent sans sourciller de donner naissance à des enfants sans père ou avec deux mères ? Etc.
La démocratie est un mot qui reflète des concepts aussi divers qu’antinomiques à l’occasion.
L’avantage de la monarchie d’avant la Révolution est qu’elle s’appuyait ou était censée s’appuyer sur une série de valeurs morales chrétiennes connues et acceptées de tous ou presque et sur la forme d’un pouvoir royal qui s’était imposé comme la norme au fil des siècles, servi par la force et l’habileté de nos rois avec le concours de l’armée encadrée par la noblesse et dont le prestige résultait de conquêtes territoriales et de la protection des frontières contre les incursions extérieures.
La Révolution a tout emporté dans son élan destructeur auquel aucune institution n’a pu opposer une résistance assez forte pour l’arrêter lorsqu’il aurait été opportun de le faire après ses premières conquêtes de liberté et de droits exprimées dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur laquelle tous les citoyens pouvaient s’accorder.
L’abolition de la monarchie était nullement nécessaire.