PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro papier du 1.11. Lisez cet article intégralement excellent ! Simple rappel des évidences éternelles. Devenu aujourd’hui subversif… JSF
L’idéologie trans représente la pointe la plus avancée de ce qu’on pourrait appeler le fondamentalisme de la modernité.
C’est une histoire qui se passe en Colombie-Britannique, au Canada. Elle aurait pourtant pu se passer n’importe où dans le monde anglo-saxon, et peut-être même ailleurs. Jessica Yaniv, une femme trans activiste portant encore ses organes génitaux masculins, voulait à tout prix se les faire épiler par des esthéticiennes et se présentait régulièrement dans des salons de beauté pour cela. Quand elles s’y refusaient, Yaniv les poursuivait. Elle se sentait victime de discrimination. Question essentielle : avait-elle un droit fondamental à l’épilation? Le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique vient de trancher : non. Il y a presque de quoi être surpris. Le Canada nous a habitués à consentir aux revendications les plus ubuesques pour peu qu’elles soient formulées dans le langage de la diversité. On peut craindre, toutefois, qu’il ne s’agisse que du dernier spasme du bon sens.
Car il faut en convenir, cette histoire, comme tant d’autres, témoigne de l’émergence de l’idéologie trans en Occident. Selon le grand récit diversitaire, les trans représentent la nouvelle catégorie sociale discriminée à réclamer l’égalité des droits pour qu’advienne une société vraiment « inclusive ». Il serait pour cela nécessaire de déconstruire le soi-disant mythe de la division de l’humanité entre hommes et femmes – le jargon à la mode appelle cela « lutter contre la représentation binaire de l’humanité ». La théorie du genre avait déjà cru nous apprendre que le masculin et le féminin étaient des constructions sociales arbitraires. Il faudrait donc les faire tomber. La fluidité identitaire deviendra la nouvelle norme. Qui rappelle qu’un homme n’est pas une femme sera accusé de transphobie. Tout le génie du progressisme consiste à faire passer pour des bêtises réactionnaires le simple rappel des évidences éternelles.
Dans la perspective de l’idéologie trans, un médecin, au moment de la naissance d’un enfant, ne reconnaît pas son sexe mais lui en assigne un. C’est un geste autoritaire qu’il faudra tôt ou tard proscrire, pour permettre à l’enfant de découvrir lui-même sa propre identité, au fil de son éducation. Certains parents, souvent des Scandinaves, poussent l’idéologie jusqu’à ses ultimes conséquences et refusent de dévoiler le sexe de leur enfant aux gens qui les entourent et à la société en général, pour éviter que cette dernière ne le happe dans ses catégories identitaires traditionnelles. On se souviendra aussi du scandale à l’université Princeton qui avait présenté la pièce Les Monologues du vagin en précisant sur l’affiche promotionnelle que des personnes de tous les genres ont un vagin – ce ne serait plus une exclusivité féminine. Inversement, on trouvera des femmes avec un pénis.
On aurait tort de voir dans ce discours une excentricité idéologique cantonnée à quelques départements universitaires produisant à la chaîne les théories loufoques. Les grandes administrations, publiques comme privées, sont invitées à se convertir à la logique de la diversité sexuelle. C’est ce qui a amené Air Canada, il y a quelques semaines, à annoncer que ses employés n’utiliseraient plus les termes monsieur et madame pour s’adresser aux passagers, pour éviter de les « mégenrer ». Le métro de Londres a fait de même en 2017, en congédiant la formule « ladies and gentlemen ». Au Canada, on peut aussi indiquer le sexe neutre sur son passeport. Au Québec, il n’est plus nécessaire d’avoir une opération de changement de sexe pour changer son identité sexuelle à l’état civil. Il va de soi que cette idéologie est promue par l’école, qui entend moins instruire les enfants que rééduquer la société.
Troubles de l’identité sexuelle
L’idéologie trans instrumentalise les cas de troubles de l’identité sexuelle, qu’il faut évidemment aborder avec humanité et générosité, pour justifier une déconstruction intégrale des appartenances humaines. La dénaturalisation de l’identité sexuelle consacre l’artificialisation de la société, qui devient pure construction sociale. L’idéologie trans représente la pointe la plus avancée de ce qu’on pourrait appeler le fondamentalisme de la modernité, qui confond la dissolution du monde avec l’émancipation de l’homme. Et pourtant, il ne suffit pas de congédier théoriquement le réel pour l’abolir concrètement. Par exemple, Jessica Yaniv a beau être persuadée d’être une femme, les choses ne sont pas aussi simples. Il ne suffit pas de se croire quelque chose pour l’être immédiatement. À tout le moins, il ne suffit pas de cela pour obliger les autres à nous voir ainsi, comme a osé le rappeler le tribunal canadien. Il y a quelque chose de tyrannique à vouloir soumettre la société à ses fantasmes et à faire semblant que 2+2 = 5.
L’identité sexuelle n’est pas une pure construction sociale. Être un homme ou une femme n’est pas une question de ressenti personnel. C’est d’abord un fait naturel que la civilisation se donnera ensuite pour tâche de traduire dans l’univers symbolique. Il est étrange qu’un tel rappel soit aujourd’hui subversif. ■
Je suis partisan d’une émancipation absolue de l’individu et c’est pourquoi je me sens si bien dans mon époque. Il faut s’émanciper de ce que la nature a fait de nous, homme ou femme, afin de pouvoir choisir à la fois son sexe et son genre et en changer plusieurs fois par jour si c’est son vœu. Pourquoi accepter cette forme de servitude qui nous aliène aux aléas de la biologie ? Non, Sigmund Freud, la biologie n’est pas notre destin ! Et pourquoi devrais-je un humain plutôt qu’un animal puisque je ne l’ai pas choisi ? Et si c’est mon désir d’être une tique ou un ornithorynque ? Mais il faut aller encore plus loin et s’émanciper de ce carcan qu’est la langue, que l’on cherche à nous imposer dès les premières années de notre vie. Pourquoi devrai-je parler français alors que je ne l’ai pas librement choisi plutôt que le tchouvache ou la iakoute ? . C’est à chacun d’inventer sa propre langue sans avoir à subir les contraintes des normes sociales. J’ai toujours vécu le fait d’avoir une date de naissance qui m’a été imposée comme une effrayante servitude et je revendique le droit de choisir celle qui m’agrée. La prochaine émancipation, je la vois dans la libération à l’égard de la pesanteur que nous subissons depuis trop longtemps et à l’égard du temps, qui nous impose un ordre de succession que je n’ai pas choisi. Pourquoi en effet me soumettrais-je au fait que le futur vient après le passé si je désire que le présent vienne avant le passé et le passé après le futur ? Je veux être un individu libéré de tout et enfin capable d’être à la fois tout et n’importe quoi, flottant enfin dans un espace vide et se réinventant à chaque instant. De nouvelles luttes nous attendent et de nouvelles conquêtes afin d’être vraiment libres !
Bonjour M. Bock-Côté, j’essaie de vous contacter via Facebook, mais je n’y arrive pas. Pourquoi sexualisez-vous les transgenres ? J’aimerais simplement une réponse.