PAR PÉRONCEL-HUGOZ.
Henryane de Chaponay (1924 – 2019)
Le 9 octobre 2019 la Fondation marocaine Mémoires pour l’Avenir a annoncé le décès, à Paris, de sa présidente d’honneur, Henryane de Chaponay, fille du marquis lyonnais de ce nom (+ 1956) et de la princesse Geneviève de Bourbon-Orléans (1901 – 1983), descendante directe du duc de Nemours, l’un des cinq fils du roi Louis-Philippe 1er (1830 – 1848) et donc d’Hugues Capet, Saint Louis, Henri IV, etc. Bref une Capétienne.
« Altermondialiste royale »
Née à Cannes en 1924, Henryane ne s’était jamais mariée et avec elle s’est éteinte la famille noble de Chaponay.
Surnommée par les uns « la Comtesse rouge », par les autres « l’altermondialiste royale », la défunte s’était fait connaître dans le Maroc troublé des années 1950 où, contre la politique de Paris, elle soutint activement le sultan-roi Mohamed V ben Youssef, alors exilé à Madagascar par la République française.
La Famille de France au Maroc
Les Chaponay étaient venus se réfugier au Maroc durant la Seconde Guerre mondiale, pays où ils avaient retrouvé le Chef de la Maison de France et les siens, Henri, comte de Paris, répartis entre les zones du protectorat espagnol (nord) et du protectorat français (centre). Les princes capétiens et les émirs chérifiens étaient proches, arguant même parfois d’un sang royal partagé, la reine de France, Blanche de Castille, mère de Saint Louis, ayant eu une princesse arabe parmi ses ancêtres … Sur ce fond familier, les Chaponay acquirent une ferme un peu au nord de Rabat. Après l’indépendance (1956), ils devaient en faire don au Makhzen, l’Etat royal marocain, sans attendre la récupération autoritaire des terres de colonisation par le nouveau pouvoir marocain. Entre-temps Henryane avait passé un brevet d’arabe classique.
Que ce soit dans les quartiers indigènes de Rabat ou à l’éphémère monastère bénédictin « progressiste » de Toumliline (1952 – 1968), dans le Moyen-Atlas*, (Photo) la jeune Henryane devait impressionner marocains, français, espagnols et autres par son zèle en faveur de l’émancipation des peuples colonisés (Algérie) ou protégés (Maroc, Tunisie).
A la cour des chérifs alaouites, Henryane inventa même, au retour de Mohamed V, la révérence et baisemain simultanés, au monarque, bref une figure nouvelle de l’étiquette palatiale.
Légitimes
Certains observateurs avisés osèrent alors, sous le burnous, se demander si Melle de Chaponay se souvenait que son proche ascendant, le roi Louis-Philippe avait été, durant son règne, aussi illégitime que le sultan Mohamed ben Arafa (Photo) qu’elle combattait au Maroc… Le premier avait de lui-même pris la place de son cousin le jeune duc de Bordeaux (ou comte de Chambord), Henri V pour les légitimistes français (Lyautey pour n’en citer qu’un), tandis que Ben Arafa avait été mis arbitrairement sur le trône alaouite par le protectorat français, à la place de Mohamed V. La mort sans postérité, en 1883, de l’infortuné Henri V, en exil, rendit légitimes de par les lois immuables du Royaume capétien, les descendants de Louis-Philippe, lesquels, depuis lors, assurent naturellement la prétendance au trône de France. En revanche, l’usurpation provisoire de Mohamed ben Arafa, cousin de Mohamed V, reste à ce jour au Maroc l’objet de l’exécration officielle et populaire.
L’appel du Brésil
N’ayant plus de cause à défendre au Maroc redevenu indépendant en 1956, Henryane de Chaponay partit en 1964 pour l’Amérique latine, en particulier au Brésil où la famille capétienne était loin d’être inconnue, y ayant régné sous l’Empire brésilien des Bragance (1822 – 1889). La lointaine origine française des empereurs Pedro 1er et Pedro II (ami entre autres de Gobineau et de Victor Hugo), avait été ravivée par le mariage d’Isabelle, dernière héritière du trône impérial, avec le comte d’Eu, proche descendant de Louis-Philippe.
Chez le pape François
Henryane trouva donc au Brésil de nombreuses sympathies, notamment dans les mouvements tiers-mondistes, militant pour la cause des paysans sans terre. Elle avait déjà rencontré au Maroc le fameux géographe lusophone Josué de Castro (1908 – 1973) qu’elle retrouva au Brésil. En 1970, Henryane se vit confier une mission du Conseil œcuménique des églises (siégeant à Genève), en Amérique du Sud. Née catholique, elle se déclara plus tard, publiquement, « agnostique », ce qui ne l’empêcha pas, le 6 avril 2018, d’être, sur sa demande, reçue en audience privée par le pape François.
Le Saint-Père accueillit avec beaucoup de chaleur, en sa bibliothèque du Vatican, la vieille demoiselle, dans son fauteuil roulant, portant la longue robe noire protocolaire et coiffée d’une mantille assortie. Lors de cette rencontre avec le successeur de saint Pierre, la dernière des Chaponay, quoique « agnostique » proclamée, fit le plus traditionnellement du monde, don à l’Eglise d’une relique de l’empereur germanique saint Henri II (couronné par le pape en 1014, canonisé en 1146).
François félicita Henryane pour sa lutte « contre les inégalités et pour la décolonisation ». Cette audience peu ordinaire fut suivie, notons-le, par une réception pour la visiteuse donnée par l’ambassadeur de la République française près le Saint-Siège, en sa résidence de la Villa Bonaparte. En raccourci, toute l’Histoire de France était présente.
« Toile filante »
A la Fondation Mémoire pour l’Avenir, la défunte avait légué en 2013 un consistant lot d’archives sur les Chaponay au Maroc, ce qui permit, dès 2014, à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, à Rabat, d’organiser une captivante exposition (Photo) sur l’action de cette famille quasi-royale en Chérifie.
Le docteur Jamal Hossaini-Hilali, professeur de l’Institut Hassan-II de Rabat et connu pour ses recherches sur le rôle scientifique du protectorat, a lancé l’idée, dès l’annonce du décès d’Henryane, d’une réédition du livre autobiographique, « Toile filante », co-écrit par la défunte avec l’anthropologue brésilienne Lygia Segula.
Le « purgatoire » d’Henryane, personnalité tout à fait dans l’air du temps (féminisme, anti-machisme, tiers-mondisme, co-indignation avec le chef des indignés internationaux, feu Stéphane Hessel, etc.), pourrait ne pas durer très longtemps… ■
A noter que – come indiqué dans l’article paru hier sur JSF – les cendres de la défunte seront inhumées dans le tombeau de ses grands-parents le duc et la duchesse de Vendôme en la chapelle Royale Saint-Louis de Dreux.
* François Martinet, LES RENCONTRES INTERNATIONALES DE TOUMLILINE. Edition du Sirocco, Rabat, 300 pages avec 40 photos noir et blanc, 2019.
Bien du tintouin pour une vieille folle gauchisante (mais ne renonçant ni à sa fortune ni à son mépris de classe).
Je crois me souvenir qu’un des fils du Comte de Paris (Henri VI) a pris des baffes de la part de nos camarades à Assas et qu’un Choiseul-Praslin membre de la Gauche prolétarienne fut rossé par nos amis sur le marché de Buci.
Ces raclures qui ne représentent qu’elles-mêmes doivent elles vraiment figurer dans nos pages ?