Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’arrivée en France de la girafe Zarafa, un animal royal, populaire et diplomatique. Une suite en 10 épisodes. Parution à partir du 19 novembre et les jours suivants. JSF
Il est temps de faire la connaissance de notre deuxième homme, Mehemet Ali, Pacha d’Egypte.
Albanais d’origine, il est né vers 1770 dans une famille aisée. Lui aussi devra indirectement sa fortune à l’aventure napoléonienne. D’abord collecteur d’impôts, il part en 1801, avec un cousin, à la tête de volontaires pour « conquérir » l’Egypte après le retrait de Bonaparte.
Il y épouse la fille d’un riche sultan mamelouk et ambitionne à ce titre le pouvoir Mais il doit pour cela s’imposer aux authentiques mamelouks alors qu’il ne l’est pas personnellement.
Les mamelouks détiennent le pouvoir en Egypte depuis 1250, soit depuis près de 600 ans, et n’ont aucunement l’intention de l’abandonner. Pour asseoir son pouvoir face, Mehemet Ali cultive d’abord le soutien populaire, ce qui lui permet d’accéder au titre de pacha en 1805. Mais il ne détient pas encore la réalité du pouvoir. Il va l’acquérir en 1811 par un stratagème très oriental. Il invite tous les dirigeants mamelouks à un festin donné à la citadelle du Caire en l’honneur de son fils. Lors du repas, les mamelouks sont empoisonnés. Il régnera désormais sans partage.
Il a un grand projet ; faire de l’Egypte une puissance régionale et, pour celà, s’émanciper de la tutelle ottomane puisqu’il est le vassal du sultan Mahmoud de Constantinople. Dans ses conversations avec Drovetti, il lui aurait confié : « Je suis bien conscient que l’Empire ottoman va chaque jour vers sa destruction. Sur ses ruines, je vais fonder un vaste royaume jusqu’à l’Euphrate et au Tigre ».
Mais le contexte géopolitique est extrêmement difficile et incertain. Les relations entre l’Europe chrétienne (Russie comprise) et l’empire ottoman ne cessent de se dégrader en raison de la lutte des Grecs pour leur indépendance. Les deux camps rivalisent de cruautés qui enflamment les artistes romantiques européens : Byron, Chateaubriand, Delacroix (Illustration : Les massacres de Scio), Rossini, Berlioz, Hugo (Les Orientales).
La guerre menace. Mehemet Ali la redoute, il la croit perdue et ne veut pas se retrouver au premier rang des vaincus. Certes, il est tenu de fournir à son suzerain des troupes ainsi que sa marine, et il le fait. Mais il souhaiterait en même temps donner des gages à l’Occident. Pas à l’Angleterre, dont l’influence lui est pesante. Alors, la France ? La France a toujours eu une politique pro-arabe, contre l’empire austro-hongrois, C’est ce que va lui vendre Drovetti. ( À suivre, demain) ■
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Je dois dire que j’aime bien ces articles… Enfin, ces deux premiers. L’auteur y mêle habilement la petite histoire (ce n’est pas péjoratif) et la grande politique. Disons : je me suis instruite agréablement. On y voit que la politique arabe de la France ne date pas d’hier. Que va-t-il arriver à cette jeune captive, Zarafa ? Je suis curieuse de le savoir…