Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’arrivée en France de la girafe Zarafa, un animal royal, populaire et diplomatique. Une suite en 10 épisodes. Parution à partir du 19 novembre et les jours suivants. JSF
Voici qu’en 1825, le gouverneur du Soudan, subordonné de Méhemet Ali, lui offre deux girafeaux. Aussitôt, Drovetti a une illumination : ne serait-ce pas un cadeau diplomatique de grand prix pour le royaume de France ?
Il prend des renseignements auprès de son ministre, reçoit des encouragements et présente le projet à Mehemet Ali, qui, vite convaincu de ses avantages, le fait sien. (Image : les trois parrains de Zarafa).
Il apporte toutefois une correction qui n’enchante ni Drovetti ni son ministre. Puisqu’il y a 2 girafeaux, le Pacha, fin politique, décide que l’un sera pour le roi de France, l’autre pour le roi d’Angleterre. (Salt, consul de Grande-Bretagne).
Drovetti se mêle habilement du choix et peut écrire, triomphant, à son ministre : « Notre girafe est solide et vigoureuse, celle qui est échue au roi d’Angleterre est maladive et ne vivra pas longtemps ».
De fait, la girafe anglaise mourra deux ans après son arrivée à Windsor, tandis que la nôtre passera 18 ans en France.
La présentation des protagonistes et du contexte géopolitique étant achevée, venons-en maintenant à l’héroïne de la pièce.
C’est une girafe femelle, on l’a nommée Zarafa, ce qui en arabe signifie simplement girafe, mais aussi douceur, tendresse.
Elle a été capturée en pays Massaï toute jeune, non sevrée. Les chasseurs du désert savaient que c’était là une condition impérieuse de survie en captivité, l’alimentation du girafeau étant confiée à de bonnes nourrices, chamelles ou vaches. Quant au transport, il s’est effectué à dos de chameau, puis sur le Nil en felouque. Le convoi a parcouru près de 3 000 kilomètres en 16 mois avant d’arriver à Alexandrie. Zarafa et sa compagne étaient alors âgées de 22 lunes, soit un peu moins de 2 ans.
L’embarquement a lieu le 30 septembre 1826 à bord d’un brigantin sarde, le « Due fratelli », petit navire à un seul pont et à deux mâts. Zarafa monte à bord en compagnie de 3 vaches, qui fourniront les 25 litres de lait qui constituent sa nourriture quotidienne. Elle est également accompagnée par deux antilopes, mâle et femelle (cadeau personnel de Drovetti au Roi) et au moins 6 hommes : le neveu de Drovetti, quatre palefreniers arabes et Hassan, un domestique de Drovetti responsable de ses écuries. (Ci-dessus : représentation fantaisiste du navire).
C’est un peu l’arche de Noë car il y a aussi 4 moutons, 2 agneaux et 2 ânes, mais une arche de Noë un peu burlesque puisque si Zarafa, comme les autres animaux, est à fond de cale, son cou émerge sur le pont du navire d’un panneau ouvert, dont les bords ont été calfeutrés de tissu pour la protéger des mouvements du bateau. Elle est en outre à l’abri d’une toile huilée tendue entre 4 piquets pour la protéger du soleil et de la pluie.
La traversée, marquée par une seule tempête, dura quand même un peu plus de trois semaines durant lesquelles la pauvre bête ne put prendre aucun exercice. Mais elle fut fort bien traitée puisqu’on a même affirmé que le capitaine du bateau lui chantait des chansons italiennes pour l’apaiser durant les tempêtes. (À suivre, demain) ■
Retrouvez les articles précédents …
© JSF Peut être repris à condition de citer la source