Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’arrivée en France de la girafe Zarafa, un animal royal, populaire et diplomatique. Une suite en 10 épisodes. Parution à partir du 19 novembre et les jours suivants. JSF
Etienne Geoffroy Saint-Hilaire est né à Etampes en 1772 d’un père magistrat.
Il fait son droit comme papa, obtient son diplôme en 1790 puis commence des études de médecine, mais bifurque rapidement vers les sciences naturelles et la cristallographie.
Le fondateur de cette science toute nouvelle est l’abbé Haüy, avec lequel il se lie d’amitié.En août 1792, ce prêtre est arrêté comme réfractaire, il est voué comme tant d’autres aux massacres de septembre mais Geoffroy Saint-Hilaire parvient à le faire évader.
Reconnaissant, l’abbé Haüy le recommande à Dauberton qui le fait entrer comme démonstrateur au Jardin des Plantes (ex-Jardin du Roi).
Trois mois plus tard, il remplace Lacépède (le continuateur de Buffon) dans les fonctions de professeur de zoologie au museum d’histoire naturelle que vient de créer la Convention. En 1794, il organise la ménagerie du museum.
En 1798, Bonaparte le désigne pour faire partie de l’expédition d’Egypte en tant que zoologue. Il y accumule une masse extraordinaire de specimens : oiseaux, singes, crocodiles, serpents, poissons du Nil et surtout animaux momifiés, ce qui lui permet d’effectuer des comparaisons jusque là impossibles qui nourriront ses réflexions « pre-darwiniennes » sur l’évolution..
Après la capitulation française d’août 1801, il doit disputer sa collection aux Anglais qui voulaient s’en emparer. Avec succès.
Zoologue, directeur du museum et ancien de l’expédition d’Egypte, il est incontestablement l’homme idoine pour prendre en charge Zarafa.
Il arrive à Marseille le 4 mai 1827. Sa décision est rapidement prise : on ira à Paris par la route. Alors, les préparatifs s’accélèrent. Geoffroy Saint-Hilaire établit un itinéraire et un plan de marche : Aix, Avignon, Orange, La Palud, Montelimar, Loriol, Valence, Vienne, Lyon, soit 87 lieues, en 23 jours, dont 10 de repos. Pour la fin du trajet, il prévoit 29 jours, soit un total de 52 jours.
Quant aux besoins matériels, Geoffroy Saint-Hilaire réclame une charrette et son cheval, un habillement imperméable en deux pièces pour Zarafa et une provision de vivres jusqu’à Lyon.
S’agissant des moyens en personnel, c’est le préfet qui les définit :
• les deux égyptiens,
• 3 hommes de journée à demander dans les principales étapes pour conduire la charrette et tenir les laisses de la Girafe
• deux gendarmes pour la tenue de l’ordre.
Il écrit en outre à tous les maires de son département et à ses collègues préfets des départements que traversera le convoi pour leur donner instructions et conseils utiles.
Soudain, se pose une dernière question : qui va servir d’interprète pour communiquer efficacement avec les égyptiens ? Comme d’habitude, le préfet a une idée lumineuse. En périphérie de Marseille se trouve un camp de réfugiés égyptiens chrétiens : on les appelle les mamelouks, ce sont les harkis de Napoléon, Louis XVIII, alerté sur leur sort, les a personnellement pris en charge en finançant la construction d’une église, Saint-Nicolas de Myrre, où, aujourd’hui encore est pratiqué le culte des chrétiens d’orient. (Photo). Bien que rendus à la vie civile, ces hommes dépendent de l’administration militaire. Le préfet recrute parmi eux un Joseph ou Youssef Ebed, parfaitement bilingue.
Tout est désormais en ordre pour le départ. (À suivre, demain) ■