Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’arrivée en France de la girafe Zarafa, un animal royal, populaire et diplomatique. Une suite en 10 épisodes. Parution à partir du 19 novembre et les jours suivants. JSF
Geoffroy Saint-Hilaire ne recevra aucune réponse à sa lettre et le convoi ne montera donc pas sur une péniche.
Le 6 juin, il arrive à Lyon pour une étape de 4 jours. (Illustration : Lyon, place Bellecour).
Le même enthousiasme accompagne Zarafa, qui séjourne à l’hôtel de Provence, devant lequel, jour et nuit, se pressent des curieux.
Le 15 juin ; la girafe est à Chalon, les 17 et 18 juin, le cortège traverse la Côte d’Or.
La famille de Geoffroy Saint-Hilaire, sans doute alertée par ses courriers, s’inquiète beaucoup pour lui. Son fils Isidore (Imge), âgé de 21 ans, le rejoint le 23 juin à Auxerre. Il rend compte à sa mère : « Il est pâle… Il va me quitter demain matin, encore souffrant, et me laisser dans l’inquiétude… ».
Le 26 juin, un nouvel événement important affecte la vie internationale : effrayées par la chute d’Athènes, la France, l’Angleterre et la Russie adressent un ultimatum au sultan de Constantinople. C’est le début d’un affrontement diplomatique qui tournera dans quelques mois en affrontement militaire.
Le 30 juin, à 7 heures du soir, la Girafe du Roi entre au Jardin des Plantes où un enclos spécial a été préparé pour la recevoir. Elle vient de faire à pattes 880 kilomètres en 42 jours, au lieu des 52 jours prévus par Geoffroy Saint-Hilaire. Au même instant, le grand professeur doit se précipiter chez un chirurgien pour être libéré d’une crise de rétention urinaire.
Le lendemain, plus de 10 000 personnes lui rendent visite. En six mois, elles seront 600 000.
Le Roi, à qui elle est offerte, devra attendre le 9 juillet pour la recevoir à Saint-Cloud. C’est, d’après le témoignage de Geoffroy Saint-Hilaire, la belle-fille de Charles X, la Dauphine, duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI, (Illustration, en 1792) qui a mis son veto au désir du roi d’aller à la rencontre de Zarafa.
« Elle crut qu’il y aurait plus de dignité à ce que le roi ne se déplaçât pas » écrit-il. On peut supposer que ce motif dissimulait une préoccupation d’une autre nature, et fort justifiée : celle d’éviter au Roi les manifestations hostiles que l’attroupement populaire aurait facilitées, sans même parler des risques d’attentats. (llustration: la duchesse d’Angoulême en 1829).
C’est donc Zarafa qui est allée au Roi. Après trois heures supplémentaires de marche, elle fut reçue par la famille royale au complet. (Illustration : Château de Saint-Cloud).
Les sentiments de GSH sur cet événement sont mélangés. Dans une lettre à Villeneuve-Bargemon, il note : « encore malade d’une rétention d’urine et d’inflammation du canal de l’urètre, je m’étais traîné à Saint-Cloud. J’ai fortement pris sur moi et j’ai pu satisfaire à tout le fardeau de l’audience… ». Mais il conclut avec bienveillance : « La séance, pendant laquelle la girafe se prêta à produire toutes les gentillesses dont elle était susceptible, fut terminée par la plus douce des récompenses pour moi. S.M. voulut bien me dire qu’elle avait beaucoup goûté toutes mes réponses et qu’elle m’en témoignait son entière satisfaction ». (Ci-dessus : Saint-Cloud après la Commune).
Au cours de cette réception, le roi a cueilli quelques pétales de roses pour les offrir à Zarafa ; La presse a rapporté ce détail en ajoutant que la girafe s’en était régalée. Dès le lendemain, des marchandes de roses faisaient fortune à la porte du Jardin. Le directeur de la ménagerie dut insérer un avis dans la presse pour prier les visiteuses « d’épargner des indigestions de fleurs à la girafe ». (À suivre, demain) ■
Zarafa à Lyon