Par Michel MICHEL.
Le site de l’Action française publie sur quatre semaines une série d’articles de Michel Yves Michel, militant de toujours. Il nous paraît important et utile que les lecteurs de JSF en aient connaissance. JSF
ROYALISME ONTOLOGIQUE OU IDEOLOGIE ROYALISTE ?
Au début des années 60 (il s’est bien amendé depuis), Alain de Benoist, était alors leader maximo d’une Fédération des Etudiants Nationalistes qui professait une idéologie panblanchiste (« du Cap à Atlanta »). Sous le pseudonyme de Fabrice Laroche, il avait publié un Dictionnaire du nationalisme dans lequel il définissait le nationalisme comme « l’éthique de l’homme occidental ».Dès lors que l‘idée de nationalisme était coupée de la réalité de la communauté française, elle devenait le réceptacle de tous les fantasmes et la source des pires dérives.
Je crains qu’à trop se centrer sur une conception ontologique, sans rapport avec la France réelle, ignorant des obstacles concrets qui résistent à notre action, notre royalisme ne devienne au mieux que l’adhésion à un archétype (qui comme tout archétype se suffit à lui-même) et au pire à une idéologie.
Ce n’est pas la Vie, ni l’Enfance que sauve une mère, c’est son enfant.
Vladimir Volkoff écrivait : mieux que des Principes, nous avons des Princes. C’est cette fidélité à une communauté – la France -, à une histoire particulière, à une famille et à un Prince en chair et en os (et non un support de projections), qui permet aux royalistes d’échapper à la folle raison des idéologies. (Photo : Vladimir Volkoff au rassemblement royaliste des Baux de Provence).
J’apprécie bien l’oeuvre de Maurras pour fonder le royalisme en raison. Mais le raisonnement doit précisément mener à cette fidélité incarnée, sinon, la pure passion idéologique risque de finir dans les néants de la Légion Charlemagne.
En mettant l’accent sur l’être du royaliste, ne risque-t-on pas d’essentialiser le royalisme ? Je suis royaliste parce que je suis Français et que la monarchie capétienne est constitutive de notre nation. Mais la part helvétique que je tiens de mon grand père se rebifferait si on voulait imposer une monarchie dans une Suisse qui s’est constituée contre la domination des Habsbourg et se porte relativement bien d’une démocratie tempérée par la décentralisation et des mœurs traditionnelles. Et si j’étais Italien, je ne crois pas que je serais partisan de cette Maison de Savoie qui fut porteuse de ce projet subversif que fut le Risorgimento.
Une ontologie de la Royauté passe encore, les idées platoniciennes et le Roi du Ciel pourraient le faire accepter… Mais essentialiser le royalisme ?
Maurras pouvait écrire je suis de Martigues, je suis de Provence, je suis Français, je suis Romain, je suis humain. « Etre royaliste » n’est pas du même ordre ; ce n’est pas une identité essentielle mais une conséquence de l’être Français, le moyen de défendre le bien commun de cette communauté de destins qu’est la France.
DE LA DÉRIVE ETHIQUE AU PRINCE A LA CARTE
Comme ces fidèles des petites églises parallèles qui se félicitent d’assister à des messes aux rites les plus raffinés où les volutes des encens capiteux baignent les dentelles et les ors, sans se poser la question de l’Eglise à laquelle se rattache le desservant ni même si le prêtre a été ordonné par un Évêque ayant reçu la tradition apostolique, des royalistes se vouent parfois à un Prince lointain, qui, parce que lointain, ressemble tant à leur idéal de chevalier blanc de conte de fées. « Je ne prétends à rien, je suis » aurait dit Luis Alfonso de Borbon, la formule est belle, mais suffirait-elle à légitimer un prince non-dynaste ?
D’autant plus que cette formule pourrait servir de devise à tous les innombrables descendants secrets de Louis XVII, les Grands Monarques et autres élus sur le mode davidiques qui depuis la Révolution, surgissent dans tous les cantons de France et de Navarre.
Je n’ai aucun mépris pour ces prétendants cachés, j’en connais personnellement trois (dont l’un a été un grand esprit) ; ils relèvent au moins autant d’une pathologie historique et sociale que d’une maladie mentale individuelle. Quand une société subit un traumatisme majeur, -et l’interruption d’une dynastie vieille de mille ans qui a constitué la France est un traumatisme majeur-, la conscience collective cherche à cautériser cette béance par le déni. Cela se traduit par le sébastianisme au Portugal, les tsarévitchs retrouvés en Russie ou les retours prophétisés de Frédéric Barberousse. Cette conscience malheureuse se cristallise sur celui se croit investi pour « re-présenter » le Roi absent.
Je serais plus sévère pour la petite cour de ceux qui, par démagogie et par goût du rêve, flattent ces crypto-prétendants, comme les adultes feignent de croire au Père Noël devant les petits enfants.
Eh bien ! Chacun de ces élus secrets peut s’écrier : « je ne prétends pas, je suis ». Cette formule reflète peut-être une conviction intérieure mais n’atteste en rien d’une légitimité dynastique.
Quoiqu’il en soit je suis assez ancien militant pour me souvenir qu’avant les années 1960, la question dynastique ne se posait pas. La distinction entre orléanistes et légitimistes était obsolète depuis la mort du Comte de Chambort (« Les Princes d’Orléans sont mes fils »). La branche espagnole des Bourbons , n’était pas dynaste ; non pas tant à cause du traité d’Utrecht qu’en raison des lois fondamentales du Royaume (le principe de pérégrination est fixé depuis le XVIe siècle), de la jurisprudence (la Cour et les Parlements tenaient en permanence le tableau de l’ordre de succession où les Bourbons d’Espagne ne figuraient pas), et l’esprit des lois (c’est pour ne pas dépendre d’un Carolingien vassal de l’Empereur que les Barons et Evêques francs élisent Hugues Capet et pour ne pas subir un roi anglais que l’on déterre la vieille loi salique).
Dans les années 60, le Comte de Paris qui s’était éloigné de l’Action Française et fréquentait (horresco referens !) des élus radicaux-socialistes et des syndicalistes, avait soutenu De Gaulle lors d’un référendum et une tentative de Restauration appuyée sur le Général s’était amorcée. Or, la plus grande partie des royalistes s’était engagée dans le combat pour l’Algérie Française et vouait une haine viscérale à De Gaulle qui se reporta sur le Prince.
C’est dans ce contexte que le malheureux Duc de Ségovie se mit à prétendre à la couronne de France, avec, dit-on, quelques fonds secrets espagnols, Franco ayant fait le choix de Juan Carlos pour lui succéder, il s’agissait d’écarter une des branches concurrente des Bourbons d’Espagne.
L’Action Française, gardienne de l’orthodoxie royaliste, affaiblie dans la défaite de l’Algérie française, certains royalistes par dépit ou par méconnaissance soutinrent la cause du Duc de Ségovie comme les ultra de la Ligue avaient soutenu les Guise par défiance envers une Maison soupçonnée de pactiser avec les Huguenots ou comme la passion anticommuniste avaient amené certains à combattre aux côtés des Allemands sur le front de l’Est.
Les partisans du Duc de Ségovie et de ses successeurs relevèrent l’appellation de « légitimistes » et qualifièrent ceux qui continuaient à reconnaître Henri Comte de Paris pour leur Prince légitime, « d’orléanistes » ; ce qui était particulièrement injuste car d’une part ces derniers sont évidemment partisans du Roi légitime et d’autre part ils se réclameront certainement plus des « légitimistes » du XIXe siècle que des « orléanistes » de cette époque.
Curieux « légitimisme » qui se présente comme un purisme mais dont les motivations consistent à choisir son Roi en fonctions de critères idéologiques, et qui aboutit enfin à la multiplication des prétendants de fantaisie…
Car le flottement sur la légitimité dynastique va entraîner chez beaucoup une position d’abstention plus ou moins (mal) justifiée par un pseudo-providentialisme (« Dieu désignera son élu »), ou encore un assez vulgaire pragmatisme (« Je reconnaîtrai le premier qui parviendra à se faire sacrer à Reims ») ; toutes les spéculations deviennent permises : s’il faut ne tenir compte que de la loi de primogéniture, alors ce sont les Bourbons-Busset qui sont les rois légitimes. Pourquoi pas un roi anglais ? Un Carolingien pour faire l’Europe ? Un Mérovingien qui prétendrait être issu du Christ et de Marie-Madeleine pour profiter de la vogue de Da Vinci code ? (Tiens je n’ai pas encore entendu parler d’un prétendant qui descendrait de Vercingétorix, la place est à prendre). Et puis finalement pourquoi pas cet illuminé qui se prétend descendant secret de petit Louis XVII ? Pourquoi pas moi ? Et si l’humour m’empêche de suivre cette pente paranoïaque, je me résignerai à proclamer : « vive le Roi de Patagonie ! ».
Je ne crois pas que cette dérive réalise « l’Universelle Monarchie » à laquelle faisait allusion Henry Montaigu ; elle en est la caricature.
Mon intention ici n’est pas de traiter de la légitimité dynastique, mais il me semble que le détour sur ce thème illustre les aberrations auxquelles peut aboutir une mentalité qui met trop exclusivement l’accent sur l’éthique et l’esthétique en oubliant tout principe de réalité. ■
Michel MICHEL, sociologue, militant, évoque bien entendu la légitimité en tant qu’elle est incarnée par Mgr. le Comte de Paris, chef de cette Maison de France que l’Histoire a depuis Hugues Capet, maintenue vivante, donnant ainsi un objet à notre Espérance et à notre combat.
Le prince Jean, comte de Paris et son fils Gaston, Dauphin de France
Article qui rabâche le même discours que je connais depui les années 1980 rien de nouveau
Vous croyez que ce genre d article intéresse et répond aux questions que se posent les gilets jaunes par exemple
Ce n est en rien un article militant
Proposez donc un article que vous considériez comme « militant ». Nous verrons bien. Michel MICHEL est un militant de toujours. Et de tout premier rang. Si vous connaissiez vraiment l’Action française, si vous y aviez réellement milité, vous le sauriez. Le parti du dénigrement, c’est un peu simple. Nous n’avons reçu ici que des éloges sur les articles de Michel MICHHEL. Peut-être pouvez-vous accepter l’idée que vous pouvez vous tromper … C’est preuve d’intelligence.
Au lieu d’une Algérie Française nous avons une France algérienne.
de Gaulle n’a pas joué un beau rôle avec le comte de Paris qui pensait sérieusement à l’époque à un retour sinon une restauration. S’il est vrai que le général a répondu à la question d’une succession « pourquoi pas la reine des
gitans ? » on a une idée de la situation.
Pourtant jamais la France n’a été aussi près sinon d’un retour à la monarchie ou du moins la participation de la maison de France à un gouvernement. Les chances une fois passées ont été à la hauteur de l’amertume éprouvée par le prince.
l’histoire de la reine des gitans n’est pas de De Gaulle mais de Pompidou répondant à Peyrefitte.
Imaginer de contester à Michel Michel une importance intellectuelle qui a su former des générations de militants et les maintenir dans la voie droite est une vaste rigolade.
Michel est un des rares à avoir vraiment, complétement, précisément réfléchi à une stratégie de prise de pouvoir. Qu’on en puisse discuter telle ou telle modalité lui ferait assurément plaisir puisque, ouvrir un débat, c’est prendre au sérieux une stratégie…
Toute ma fidèle amitié et reconnaissance à lui.
Parmi les prétendants cachés que cite Michel MICHEL, alias Yves CARRÉ, à l’appui de sa démonstration, certes bien construite mais un peu trop sans nuance, celui qu’il cite comme ayant été un « grand esprit » n’a jamais été taxé de « prétendant » que par une caricature grossière de certaines de ses prises de positions strictement privées, déformées à plaisir par des gens sans aveu et très mal informés. Mais approximations et délations suffisent semble-t-il à quelques uns pour discréditer quelqu’un qui n’a jamais contesté ni les lois fondamentales du royaume ni les règles de la dévolution dynastique de la Maison de France. Triste aveuglement de la part d’un esprit par ailleurs brillant que cet amalgame hâtif, scandaleusement repris par des « bons amis » du droit et de la justice.
J’ajoute que les chroniques de Michel MICHEL sont, comme à l’accoutumee, intéressantes et bien
écrites,et je souscris à ce qu’en dit Pierre Builly, autre belle plume de ce site.