Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Vendredi 29 novembre, le général Lecointre, chef d’Etat-Major des armées, dément toute implication directe des jihadistes dans la collision meurtrière des deux hélicoptères militaires français survenue quatre jours plus tôt.
On se doutait bien que la revendication de l’Etat islamique constituait une récupération grossière. Cependant, les treize soldats français sont bien « morts au combat » suivant les propos du même général (France Inter, 27 novembre), puisque l’accident s’est produit pendant une opération. On peut donc bien imputer leur disparition, même indirectement, aux combattants du jihad. Et se poser à bon droit quelques questions.
Dès le 26, les cadres de La France insoumise demandent au gouvernement d’« envisager les voies de sortie d’une guerre dont le sens échappe désormais à nombre de nos compatriotes et de Maliens eux-mêmes ». L’habileté de la formulation ne saurait occulter l’essentiel, à savoir que tout retrait sec, comme toute forme de renoncement, constituerait une victoire pour l’islamo-terrorisme international dont l’objectif est de reconstituer un califat dans le Sahel. Mais rien d’étonnant de la part d’une faction (L.F.I.) dont les partisans défilent dans les rues de Paris avec les principaux soutiens de la mouvance islamiste.
Il convient en fait de prendre la mesure géopolitique de l’engagement militaire français au Mali. L’opération « Serval » de janvier 2013 n’avait posé aucun problème aux soldats français qui avaient rapidement mis fin à l’avancée des colonnes djihadistes vers la capitale Bamako.
Mais Paris a fait preuve par la suite, avec « Barkhane », d’inconséquence et d’aveuglement tant sur le plan politique (ne pas intégrer le paramètre des populations « blanches » et minoritaires du Mali du nord) que militaire (4500 hommes, avec un matériel et des équipements sans doute insuffisants et surutilisés, pour maîtriser un territoire immense). Facteurs aggravants (par ordre croissant) : la Minusma est aussi ridicule que l’illustre son intitulé complet (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali) ; la participation européenne est très faible (quelques Tchèques, Estoniens, Allemands et des hélicoptères britanniques) ; le « G5 Sahel » (force militaire conjointe des pays de la région – Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) reste inconsistant.
Mission très difficile donc. Toujours sur France Inter, le général Lecointre affirme même que « nous n’atteindrons jamais une victoire définitive […] jamais les armées françaises ne défileront en vainqueur sous l’arc de Triomphe ». Voici l’armée française guettée par le syndrome « afghan » à savoir la double impossibilité de gagner la guerre et de quitter un/des pays nullement sécurisés. Il faut donc trouver autre chose et sortir du statu quo, sinon c’est l’échec assuré.
La troisième voie est celle dont se gorgent les médias depuis une semaine : la solution passerait par l’Europe. Mais quelle Europe ? Celle d’une Union dont la Commission vient de fixer les priorités (climat, numérique, résilience macro-économique, justice et égalité, etc.) sans que soit fait mention de la possibilité d’envisager d’avoir à se défendre (Se défendre ? Contre qui ? )… Devant l’indifférence hostile des Allemands pour tout ce qui touche à la force armée et la probable sortie prochaine de l’Union de la Grande-Bretagne, il faut avant tout être réaliste. M. Macron le sera-t-il, lui qui vient de déclarer que la France doit réorienter sa stratégie au Mali ?
Une quatrième option s’offre en effet mais, contrairement aux trois autres, elle demande du courage politique. Sur le plan militaire, il faudrait donner à notre armée le budget nécessaire qu’elle mérite, quitte à pratiquer quelques coupes claires dans les diverses mannes prodiguées à droite et à gauche, et ré-intégrer ce que le colonel Hogard appelle « les principes stratégiques et tactiques de la guerre contre-insurrectionnelle » (Boulevard Voltaire, 28 novembre). Cela permettrait de se montrer beaucoup plus exigeants sur le plan politique avec nos partenaires africains et – pourquoi pas ? – de prendre l’initiative de former une coalition euro-africaine digne de ce nom : avec les cinq pays du Sahel concernés bien entendu, avec la Grande-Bretagne qui reste par la force des choses notre partenaire privilégié, mais aussi avec d’autres comme le Maroc.
La France le pourrait : parce qu’elle est une puissance militaire crédible, forte de sa dissuasion et capable de projeter des troupes hors du continent ; parce qu’elle est l’ancienne puissance coloniale des cinq pays concernés du Sahel et que cette Histoire lui confère une grande expertise. La France le devrait : pour défendre ses propres intérêts économiques et géostratégiques dans cette région du monde ; pour se prémunir contre un islamo-terrorisme qui a fait d’elle, depuis 1995 (huit morts et deux cents blessés) la cible européenne explicitement privilégiée.
Comme le chantent nos soldats : « Loin de chez nous, en Afrique, combattait le bataillon… » ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF Peut être repris à condition de citer la source
La création d’une force euro-africaine et la réintégration des pratiques de la contre-guérilla sont sans doute importants , mais insuffisants .
Comme le souligne bien Bernard Lugan il manque un projet politico-stratégique basé sur la prise en compte de la rivalité multi-séculaire entre nomades touaregs et populations sédentaires des oasis sahéliens . Il faudrait parvenir à détacher les touaregs du djihadisme en les intégrants mieux dans la vie politique de ces états et en leur faisant rejouer, de manière aménagée leur ancien rôle stabilisateur ( en fait dominateur des populations réservoir d’esclaves). Ce sont eux les vrais seigneurs et connaisseurs du désert , on aurait tout intérêt à les rallier d’autant plus que leur influence s’étend très au-delà du seul Mali.
Bien analysé. La troisième solution ne viendra pas de celui qui commande , il n’est capable que de se revêtir des tenues militaires, à l’abris et à la télé . Nous avons mis au pouvoir un roitelet qui n’est qu’un enfant, qui s’amuse et répond aux ordres de la mafia des nantis de la planète. Oubliée, la France?.
Cette troisième solution militaire d’envergure ne viendra pas non plus de tous ces libéraux qui vendent les moyens techniques et intellectuels de la France. L’évêque de Toulon a raison , contre une religion il faut s’opposer, je n’ai pas dit combattre, avec sa religion. Le jour ou tous les Français auront repris le chemin de l’église chrétienne, en refusant les petits différents entre chaque chapelle, nous serons en phase pour arrêter les fous de dieu. Mais voilà, nous sommes devenu par l’argent tous des nantis individualistes, j’ai du mal à imaginer revoir les pardons de mon enfance, c’est dommage car cette fois ils seraient sincères, et donc intelligent.
Augmenter le budget des Armées n’est pas si simple tant les sommes sont considérables. Bien sûr on devrait pouvoir pratiquer des coupes claires dans celui des associations de tout poil (SOS Racisme, Médecins sans frontière et tout le bataclan) mais ça ne suffira pas, loin de là et susciterait des pages indignées dans tout le pays. Augmenter le déficit budgétaire n’a rien pour me choquer, mais ferait pousser des cris d’orfraies itou.
Alors ? Où prendre les sous ? Ce n’est pas en supprimant quelques avantages aux parlementaires qu’on trouvera les milliards nécessaires…
Les vraies économies reposent sur des décisions courageuses mais qui ont, dans notre mouvance politique, une très mauvaise réputation, justifiée en partie au demeurant : suppression de milliers de communes, fermeture de centaines d’écoles et de dizaines d’hôpitaux (où personne ne se fait soigner, sauf nécessité absolue) mais qui sont conservés parce que « premier employeur local »).
Il serait bien AUSSI que les pays concernés s’investissent davantage. J’ai entendu lundi sur France 5 un spécialiste parlant de l’armée malienne: une armée de parade, de pillards. Et les jeunes hommes Maliens au lieu de venir courtiser l’aide sociale, feraient mieux de se battre pour l’avenir de leur pays.
Quant à l’Europe, on ne tire pas sur une ambulance. Les pays qui ont les moyens humains et matériel pour intervenir: Allemagne, Italie, Espagne, ne réagissent pas, laissant la France prendre tous les coups , dont la mort de nos jeunes militaires, sans savoir quand cela se terminera.