Par Antoine de Lacoste.
Entre recherche d’une hypothétique géopolitique française en Libye et connaissance experte des événements et du terrain, l’article qui précède et celui qui suit sont sur une même ligne. JSF
Depuis que la France, l’Angleterre et les Etats-Unis ont décidé, en 2011, de renverser le régime de Kadhafi (et d’assassiner ou de laisser assassiner ce dernier au passage), la Libye vit un enfer.
Anarchie, guerre civile, affrontements tribaux et implantation de l’islamisme rythment la vie de ce pays qui n’en est plus un. Il sert logiquement de plate-forme à une immigration massive vers l’Europe et s’enfonce dans la pauvreté.
Deux hommes ont émergé de ce chaos : Fayez al-Sarraj, un civil, et Khalifa Haftar, maréchal de son état.
Sarraj règne à Tripoli, la capitale, et est soutenu par l’ONU, les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Italie mais aussi par les Frères musulmans, c’est-à-dire la Turquie et le Qatar. Comme d’habitude, entre deux camps, les Américains ont choisi le plus islamiste.
Côté Haftar, on trouve officiellement l’Egypte, les Emirats Arabes Unis et, en sous-main, la Russie et même la France. Des armes françaises ont d’ailleurs été retrouvées entre les mains des hommes d’Haftar.
Le maréchal a conquis la Cyrénaïque (Tobrouk), à l’est du pays. En avril dernier il a lancé une offensive générale vers Tripoli. Après quelques succès initiaux, il a été bloqué à quelques kilomètres de la capitale libyenne.
La position de Sarraj est fragile et, à long terme, les forces d’Haftar semblent en mesure de l’emporter. Conscient de ce risque, Sarraj s’est rapproché encore un peu plus d’Erdogan et a signé un accord de coopération militaire avec la Turquie le 27 novembre dernier. Haftar devient pressé par le temps et, le 12 décembre, déclenche « la bataille décisive » pour Tripoli.
Sarraj lance alors un appel à cinq pays amis : les Etats-Unis, l’Algérie, le Royaume-Uni, l’Italie et la Turquie. Les quatre premiers ne bougeront pas, mais la Turquie en rêve : « Nous savons que ces pays ne feront rien, mais ils ne pourront pas nous reprocher une intervention d’Ankara. » a déclaré à RFI un proche de Sarraj.
L’accord du 27 novembre est en effet très clair et prévoit l’intervention d’une force rapide turque en Libye si son gouvernement, c’est-à-dire le camp de Sarraj en fait la demande. Le temps semble d’ailleurs s’accélérer pour tout le monde puisque, selon le New-York Times, plus de 200 mercenaires russes de la fameuse organisation Wagner (présente également en Syrie et dans plusieurs pays d’Afrique) se seraient déployés en Libye courant novembre afin d’aider Haftar.
Au-delà de cette assistance militaire, Sarraj et Erdogan ont également conclu un accord de partage de la Méditerranée qui viole le droit international maritime aux dépens notamment des îles grecques, à commencer par la Crète. La Grèce a vigoureusement protesté auprès de l’ONU et expulsé l’ambassadeur libyen.
Depuis plusieurs mois, la marine turque est de plus en plus présente en Méditerranée, notamment autour de Chypre, empêchant les navires français et italiens d’exploiter le gaz chypriote. Il est vrai que la Turquie occupe militairement le nord de l’île depuis 1974 dans l’indifférence générale.
Cet accord maritime illégal peut marquer le grand retour de la Turquie en Méditerranée, sans parler de l’Afrique du nord. Une grande première depuis la glorieuse bataille de Lépante.
Erdogan peut être en tout cas sûr d’une chose : son impunité. ■
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L’échec de cette initiative est probable comme au temps des printemps arabes. La Turquie n’étant un pays arabe fût un pays colonisateur du Machrek et Maghreb ce qui a laissé des traces et souvenirs.