Par Antoine de Lacoste.
Depuis 2015 et l’intervention russe, l’armée syrienne a reconquis plus des deux-tiers de son territoire.
Il ne reste plus que trois enclaves aux mains de forces hostiles : le nord du pays partiellement occupé par l’armée turque, les puits de pétrole à l’est confisqués par les Américains (plus un camp dans le sud) et la province d’Idleb aux mains des islamistes.
Deux forces concurrentes principales sont présentes à Idleb : le Front al-Nosra (rebaptisé Hayat Tahrir al-Cham) et les milices sous tutelle turque. Ces dernières ont été chassées par al-Nosra des principaux points stratégiques de la province mais les Turcs disposent de nombreux postes d’observation disséminés sur l’ensemble de ce territoire.
Courant 2018, plusieurs discussions s’étaient déroulées entre Turcs, Russes et Iraniens afin de parvenir à un accord sur l’avenir de la province. Les Turcs s’étaient résolument opposés à une grande offensive militaire, craignant qu’elle n’entraîne un nouvel exode de civils vers leur pays. Il y a en effet déjà 3 millions de réfugiés syriens en Turquie, et la province d’Idleb comptant également 3 millions d’habitants, Ankara refuse catégoriquement d’en accueillir encore.
Poutine n’a pas voulu prendre de front Erdogan et, en échange d’un cessez-le-feu, l’armée turque avait pour mission de neutraliser al-Nosra pas ses milices (islamistes aussi d’ailleurs). L’échec fut total et c’est donc le contraire qui s’est produit. Les Russes ont patienté un certain temps, alors que le gouvernement syrien piaffait d’impatience.
En avril 2019, une première offensive terrestre, appuyée par l’aviation russe, permit la reconquête de nombreux villages au sud de la province. Fin août, une pause eu lieu après la prise de la ville de Khan Cheikhoun, premier objectif important dans le sud. Reniant leur parole, les Turcs ont tenté d’aider les islamistes mais leur convoi de ravitaillement a été pris pour cible par l’aviation syrienne. Les Syriens ne faisant rien sans l’aval russe, les Turcs ont compris le message et n’ont pas insisté.
Depuis deux semaines, l’offensive a repris, par le sud-est cette fois. Les combats sont violents et les pertes importantes de part et d’autre. Il est vrai que les islamistes sont extrêmement aguerris après huit ans de guerre et ils n’ont plus le choix : après Idleb, il n’y a plus rien. Alors chaque ferme, chaque village fait l’objet d’âpres combats. Et, cette fois, pas d’aide iranienne ni du Hezbollah pour l’armée syrienne. Pour eux, Idleb n’est pas stratégique et le Hezbollah préfère économiser ses hommes.
Malgré ces défections, l’armée syrienne progresse petit à petit, grâce bien sûr à l’aviation et son objectif semble être la ville de Maarat al-Numan située à 25 kilomètres au nord de Khan Cheikhoun.
Sa prise serait une avancée importante dans cette région d’autant plus stratégique que la route Damas-Alep passe par elle et qu’elle est donc coupée depuis des années. La reconstruction d’Alep nécessite la reconquête de cette voie essentielle. Mais il faudra éliminer le Front al-Nosra. ■
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