Par Gérard POL
Ce texte a été rédigé en 2015 en réponse à une question, comme on le verra.
Toute réponse à cette question demande toujours à être explicitée et n’a jamais fini de l’être en raison de l’évolution des choses. Elle demanderait surtout une ample étude qui excèderait le format d’un blog. Il s’agit donc ici d’un essai de définition du Système en quelques grandes lignes seulement. Il a été repris ailleurs récemment surchargé de quelques assez méchantes illustrations et chapeauté d’une inévitable citation du grand Léon Daudet servie à toutes les sauces. Ce qui compte ici de la pensée de Daudet est dans le texte. Peu importe. Nous avons pensé qu’avec les restrictions ci-dessus posées, ce texte pourrait avoir son intérêt, surtout pour les nombreux nouveaux lecteurs. Surtout aussi dans un contexte où le Système présente à la fois tous les signes d’un renforcement autoritaire et d’une décomposition assez patente. JSF
La question – évidemment importante et légitime – nous a été posée dans les commentaires : « Le « Système » et sa contestation sont à l’ordre du jour. S’agit-il là d’une tendance lourde ? (…) Il est temps d’éclairer les uns et les autres sur ce que nous nommons » le système « . (…) Pour lutter contre le Système, (…) encore faut-il le définir avec plus de précisions et en dessiner finement le contour.» [Philippe Lallement]
Mais la réponse ne va pas de soi. Même si, « aujourd’hui, la contestation du Système se généralise massivement et si on ne peut donc pas nier que le terme soit « ressenti ».»
Par définition, un « système », bien qu’il constitue une unité active, est chose complexe, composite. Il n’est donc pas si simple de le définir. Hasardons néanmoins quelques réflexions qui, si elles n’épuisent pas le sujet, contribueront à y mettre un début d’ordre et de clarté.
Qu’est-ce qu’un système ? Classiquement, les dictionnaires en donnent une définition de ce type : « Un système est un ensemble d’éléments interagissant entre eux et se définit par : ses éléments constitutifs ; les interactions entre ces derniers ; sa limite ». Voilà qui correspond bien à notre sujet.
Notons que (sans-doute dans les années 1920) Léon Daudet dit son opposition au Régime, celle de l’Action française, alors qu’aujourd’hui nous avons plutôt tendance – par delà Droite et Gauche – à pointer le Système, le second incluant et subordonnant de plus en plus le premier. Tendance lourde ? Sans doute.
Lorsque Daudet dit son opposition au Régime, il s’agit évidemment de la République, en l’occurrence de la IIIe. Aujourd’hui comme hier, la Constitution définit les Institutions de la République : la Présidence de la République ; le Gouvernement ; le Parlement, Assemblée Nationale et Sénat ; les Partis politiques qui, de fait, les composent et dont la Constitution consacre le rôle ; le Conseil Constitutionnel ; le Conseil d’Etat, la Cour des Comptes … Etc. Tel est notre Régime politique. Mais l’on « ressent » bien que le Système avec lequel, selon la définition des dictionnaires, le Régime interagit – dont il est l’un des éléments, théoriquement le premier – est un ensemble qui s’étend bien au-delà des frontières des Institutions politiques proprement dites et se compose d’autres éléments, devenus, somme toute, souvent tout aussi déterminants. Dans l’écart entre ces deux termes (Régime et Système) se trouve sans doute la réponse à la question que nous nous posons. En son temps, l’Action française avait déjà élargi sa critique du régime proprement dit à ce qu’elle nommait le Pays légal. Réalité assez voisine sans-doute de ce qu’aujourd’hui l’on appelle – en un sens communément péjoratif – le Système.
Par delà les Institutions de la République proprement dites et leurs différents moyens d’action, les autres éléments constitutifs du Système – en interaction permanente avec les Institutions aussi bien qu’entre eux – sont assez aisément discernables. Pour être brefs, nous nous bornerons, sans les analyser en détails, à les désigner :
• Une pensée dominante (le Politiquement correct, la Bien-pensance, les sempiternelles et indéfinies valeurs de la République …) qui, malgré un nombre croissant d’oppositions et de réactions, est très généralement partagée par l’ensemble des composantes du Système ; elle a valeur politique, sociétale, morale, voire religieuse. Rien à voir avec l’une de ces grandes pensées politiques, dont Edgar Morin déplore la disparition. Il s’agit d’un ensemble d’opinions. Au mieux d’une idéologie.
• Les moyens de communication et d’information, notamment audiovisuels, et la grande presse, largement peuplés de journalistes et de managers en grande majorité pénétrés de la doxa que nous avons évoquée précédemment et spontanément appliqués à la diffuser, l’imposer à tous, la ressasser incessamment comme croyances et morale obligées. A noter que cette profession n’est pas loin de constituer, ne serait-ce que du simple point de vue des rémunérations, une communauté de privilégiés. A noter, aussi, les nombreux couplages existant entre le monde politique et celui des médias.
• Le monde clos des financiers, propriétaires, soutiens et utilisateurs des moyens de communication en question (chaînes de télévision, grands titres de la presse écrite, etc.). Ils les achètent ou ils les vendent. Ils payent leurs factures et assurent leurs fins de mois.
• Ce que l’on nomme de plus en plus, comme s’agissant d’un tout homogène et mono-orienté, les Associations, à peu près comme l’on dit les Institutions (!). N’ont d’influence et d’interaction avec les autres éléments du Système que les associations conformes à la doxa commune, quelle que soit leur importance réelle. (Aucune chance pour la Manif pour tous d’exercer une influence sur le Régime ou sur le Système).
• L’Etat, en France, s’en étant attribué la responsabilité et le contrôle, l’Education Nationale est, à l’évidence, une autre composante essentielle du Système. Monopolisée par une caste de faiseurs de programmes et de pédagogistes – qui se renouvellent, d’ailleurs par cooptation – elle a de moins en moins pour mission la transmission des savoirs, comme l’atteste la dégringolade des niveaux scolaires. Il s’agit bien davantage de former la jeunesse de notre pays aux dogmes et comportements qu’implique la doxa commune, cette Religion républicaine qui, selon Vincent Peillon, doit remplacer les anciennes religions et façonner le citoyen nouveau. L’introduction de la théorie du Genre à l’école, qui implique la négation des sexes, montre que cette Religion nouvelle admet les lubies les plus extrêmes. Terra nova, le nom que s’est donné le principal think tank socialiste, dit tout de l’ambition que poursuit le Système.
Si l’on ajoute aux composantes du système, les appareils syndicaux et, malgré leur faible représentativité, leurs cohortes d’apparatchiks, largement intégrés à la classe des bureaucrates de l’Administration ou, même, des grandes entreprises, un certain monde de la culture et des arts ou prétendus tels, l’on comprend que cette imposante conjonction de moyens, d’hommes, de structures et d’argent, dont les frontières se sont démesurément élargies, puisse exercer sur l’ensemble du peuple français une sorte de totalitarisme mou et qu’il soit, bel et bien, largement ressenti comme tel.
Chacune des composantes du Système énumérées ci-dessus mériterait une étude spécifique qui, ici, nous mènerait trop loin. Toutes nous semblent concourir à un même résultat : celui de la destruction ou – d’un terme suggérant méthode et volonté systématique – déconstruction.
Il n’est pas forcément mauvais qu’un peuple, une nation, un Etat soient régis par un Système quasi unanimement reconnu et respecté, sous réserve qu’il n’étouffe ni les libertés, ni les différences légitimes. L’erreur du nôtre, sa spécificité, est qu’il vise la déconstruction : déconstruction nationale, déconstruction sociétale, déconstruction culturelle, déconstruction anthropologique.
Nous n’avons pas épuisé ce (trop) vaste sujet. Les réalités multiformes du quotidien nous y ramèneront immanquablement. ■
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Je ne suis pas convaincu par votre conclusion.
Il n’y a pas de bon Système. Un « Système » quel qu’il soit est par essence exclusif de tout autre et par définition étranger à toute notion d’espace de liberté qu’il ne controlerait pas.