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Article publié le 11 janvier 2019 – Réactualisé le 8 février 2020
Par Gérard POL
Il doit arriver un moment dans l’existence humaine mais aussi sociale, où rien ne réussit plus, où les petites et les grandes choses de la vie privée ou publique se soldent toutes ou presque par des échecs, des incompréhensions, des déconvenues plus ou moins profondes ou stupides.
Tout se ligue, y compris le hasard, pour que les catastrophes s’accumulent. Chance et malchances jouent aussi sur la vie des hommes et des États comme leurs mérites ou leurs bévues, leur paresse et leurs errements. Quand tout s’en mêle pour enclencher un processus de descente aux enfers, il semble que rien ne l’arrêtera plus, que la loi des séries est imparable, que le retour à bonne fortune est impensable.
Il est bien possible que ce soit ce qui arrive à Emmanuel Macron et, très accessoirement, à l’équipe inconsistante qu’il a mise en place – de concert avec les oligarques, pour sauver le Système mis à bas par ses prédécesseurs. Le Macron actuel est passé sous l’empire de l’anti-kairos.
Les causes de son échec tiennent sans doute d’abord à l’inadéquation de sa politique aux réalités nouvelles de la France et du monde. Il s’est refusé à prendre en compte que le vent avait tourné en Amérique (Nord et Sud), en Europe, en France et ailleurs, entre les mois de pure exaltation européiste, mondialiste, néolibérale, caricaturalement élitiste de sa campagne, et les changements de fond intervenus depuis le Brexit ; la rupture nationaliste et populiste opérée par Donald Trump, les progrès du même populisme partout en Europe, le grand retour des nations, du politique, la reprise en mains de l’économique par ce dernier, sur tous les continents. Macron ne veut pas démordre de ses options originelles désormais obsolètes. Et, de pure évidence, il est en train de le payer fort cher.
Son échec – qui semble consommé – tient sans-doute en second lieu à sa propre personne, laquelle avait plu de prime abord, parce qu’il était un outsider, qu’il incarnait le dégagisme tant souhaité, qu’il rompait, par son intelligence, sa culture, sa prestance, en bref par un certain charisme, au moins d’apparence, avec la trop évidente médiocrité de ses prédécesseurs et qu’il semblait porter la promesse d’un changement de régime. Un changement de régime : cela aussi est désiré des Français. Dans l’opinion publique, la confiance en ces belles qualités d’Emmanuel Macron a fait long feu. La révélation progressive de son arrogance, de son élitisme méprisant pour qui n’est pas de ses amis, ses étrangetés, ses mauvaises fréquentations et finalement les conséquences douloureuses pour nombre de Français de ses choix politiques, a retourné son image de plutôt positive à très négative et mué l’empathie bienveillante et curieuse des débuts en détestation ou même en haine. Cette seconde cause d’échec nous paraît bien plus grave que la première. On peut changer de politique. Pas vraiment de personnalité. Celle-ci chez Macron s’est dévalorisée aux yeux d’une majorité de Français, pour une raison plus subtile, plus profonde, et somme toute irrémédiable, qu’Emmanuel Todd a exposée avec finesse : depuis ses frasques de l’été dernier (affaire Benalla, fête de la musique de l’Elysée, équipées à Lagos et dans les territoires d’Outre-Mer) l’image d’Emmanuel Macron a désormais les traits de l’enfance. Mais d’un enfant volontaire et capricieux, incapable d’autorité, parce que l’autorité en son essence emprunte toujours plus ou moins à l’image du père. Et cette perception dégradée de sa personne est sans-doute la plus irrémissible de toutes. Luc Ferry a traduit cela de la façon suivante : « nous avons envoyé un gamin à l’Élysée, nous allons le payer très cher ». D’autant que ce gamin n’a pas l’innocence de l’enfance : il a subi le formatage de Science Po et de l’ENA, de profs de même acabit et de quelques gourous visionnaires aux idées très fausses et très nuisibles, dont l’archétype est son mentor, le fumeux Jacques Attali. On ne peut guère trouver pis. ■
En deux mots, réflexion sur l’actualité
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
De fait il y aurait presque de quoi être fasciné par le parcours de cet homme, doté de grandes qualités intellectuelles, soupçonnant ici et là le poids des réalités charnelles de notre pays, capable d’insuffler de la majesté (perdue depuis Chirac, Sarkozy, Hollande) à la fonction (sa prise de fonction au Louvre après son élection), capable aussi de mettre des mots sur le péché originel de la France d’avoir tué son Roi…
Et « en même temps » susceptible de se ridiculiser, de s’infantiliser avec des racailles de tout sexe et de toute origine, de profaner sottement l’Histoire de notre pays dans une course culpabilisante pour rejoindre le « Camp du Bien ».
Énigmatique et angoissant.