Par Aristide Renou.
Pour Macron, au rebours de l’intelligence, de l’expérience et de la science, le père n’a pas besoin d’être un mâle. Une vision aussi constructiviste de la famille révèle une conception viciée de la société et donc de la politique.
S’il faut en croire Valeurs Actuelles, l’homme étrange qui nous tient lieu de président aurait asséné à Pascale Morinière, la présidente des AFC, qui lui faisait part de ses préoccupations concernant la légalisation de la PMA sans père :
Je comprends. Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle. Tous les psychanalystes vous diront le contraire.
À dire vrai, rien n’est surprenant dans cette phrase présidentielle, qui est donc entièrement crédible.
On y reconnaîtra sans peine la forme condescendante pour laquelle Emmanuel Macron a manifestement un don tout spécial. Au lieu de prendre simplement acte d’un désaccord compréhensible entre gens sérieux et raisonnables sur des sujets complexes, notre (hélas) président assène à son interlocutrice qu’elle a un « problème », qu’elle est la proie d’une « croyance » – autrement dit un sentiment irréfléchi – et que cette « croyance » est contredite par « tous » les gens censés être compétents – autrement dit : elle est évidemment fausse, et son interlocutrice est donc soit profondément ignorante soit de mauvaise foi.
Une vision constructiviste de la famille
On passera sur l’argument d’autorité tiré de la psychanalyse, dont le seul usage devrait suffire à discréditer intellectuellement toute personne qui l’emploie. Très franchement, Emmanuel Macron aurait été moins ridicule s’il avait expliqué à Pascale Morinière que cette réforme législative lui avait été inspirée par la consultation d’un astrologue chinois ou d’une bohémienne tireuse de cartes. Mais on peut douter que quelqu’un qui a épousé une femme qui pourrait être sa mère soit réellement très sensible aux arguments de la psychanalyse. On reconnaîtra plutôt dans cet appel à la psychanalyse l’équivalent du « Je traverse la rue et je vous en trouve, du travail » : une manière d’humilier publiquement son contradicteur et d’essayer de le faire taire.
Sur le fond, personne d’un peu attentif ne peut être surpris par la position d’Emmanuel Macron. Dans son discours de campagne prononcé porte de la Villette, le 1e mai 2017, l’alors candidat Macron s’en était pris au patriarche Le Pen, au motif que ce dernier avait dit de lui qu’il ne pouvait pas se soucier de l’avenir parce qu’il n’avait pas d’enfants.
À quoi l’homme du Changement En Marche avait répondu avec force : « J’ai des enfants et des petits-enfants de cœur. C’est une filiation qui se construit. Et que vous n’aurez pas ! » Et il avait ajouté : « Deux hommes qui s’aiment et ont des enfants, c’est aussi une famille. »
Pouvait-on rêver profession de foi plus ouvertement constructiviste ? Pouvait-on imaginer négation plus directe de l’importance des fondements biologiques de la famille et de la différence des sexes ? Franchement, à part arborer une pancarte clignotante proclamant : « Je suis un partisan acharné de l’idéologie du genre (et j’emmerde toutes les vieilles bigotes à chaufferettes qui prétendent qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère) », je ne vois pas ce qu’Emmanuel Macron aurait pu faire de plus.
Donc oui, bien sûr, notre président est absolument persuadé qu’un père ce n’est pas forcément « un mâle ». De la même manière qu’il est absolument persuadé que tous ceux qui ne partagent pas cette conviction sont, au mieux, de doux imbéciles destinés à finir dans les poubelles de l’histoire. Ne soyons donc pas surpris : avec Emmanuel Macron il n’y a pas de surprise, nous n’avons pas acheté chat en poche il y a deux ans et demi.
L’homme et la femme ne sont pas interchangeables
Soyons-lui au contraire reconnaissants de sa franchise, et même de son arrogance qui lui a déjà aliéné une très grosse partie de la population française. Et répondons-lui, non pas, bien entendu, pour le convaincre, lui et ses affidés, mais pour une simple question d’honneur et parce que, si nous gardons le silence, certains en déduiront que nous y sommes réduits et que nous n’avons pas d’arguments. Voici donc à peu près ce que j’aurais eu envie de répondre à notre président (puisqu’il l’est, hélas) :
« En effet, monsieur le président, nous pensons qu’un père est « un mâle », pour reprendre votre mauvais français inspiré de l’anglais, de la même manière qu’une mère est « une femelle », c’est-à-dire que nous pensons qu’il existe un rapport entre la constitution biologique des individus et certaines caractéristiques psychologiques, certains traits de caractère, certaines capacités.
Pour le dire autrement, nous ne pensons pas, contrairement à vous, que les êtres humains soient de purs esprits et que le « moi véritable » soit une sorte de fantôme, qui flotte quelque part, peut-être un mètre au-dessus de votre tête et cinquante centimètres sur la droite, et qui utilise le corps comme un simple instrument pour satisfaire ses désirs. Nous pensons que le corps et l’âme sont intimement liés, d’une manière mystérieuse mais indéniable.
Par conséquent, nous pensons qu’hommes et femmes ne sont pas interchangeables et que, dans l’éducation des enfants, un homme et une femme tendront à apporter des qualités et des capacités différentes qui sont en rapport avec leur sexe. Bien entendu, il s’agit là d’une vérité générale qui admet bien des exceptions, mais même quelqu’un d’aussi dogmatique que vous doit bien comprendre ce que c’est qu’une vérité générale. De la même manière, nous pensons qu’il n’est absolument pas indifférent qu’un enfant soit élevé ou non par ses parents – au sens de « géniteurs » – et que, toutes choses égales par ailleurs, il est bien préférable pour un enfant d’être élevé par ceux qui l’ont engendré.
Cette opinion n’est pas une « croyance », mais le produit de l’expérience millénaire et universelle des êtres humains aussi bien que des découvertes scientifiques les plus récentes puisque, contrairement à ce que vous affectez de croire, la science, la vraie, confirme pour l’essentiel le sens commun en ce qui concerne les différences hommes/femmes.
La nature existe
Plus généralement, nous pensons que la nature humaine est quelque chose de bien réel, et que toute bonne politique se fonde sur une prise en compte de ce qu’est cette nature ou, a minima, sur la prise en compte du fait que la nature humaine existe. C’est-à-dire que toute bonne politique est essentiellement modeste car les traits fondamentaux de l’être humain ne changeront jamais. L’homme restera toujours une créature imparfaite, la société par conséquent, toute société, sera toujours essentiellement imparfaite et la tâche première d’un véritable homme d’État sera de s’accommoder de cette imperfection du mieux qu’il est possible et non de se lancer dans d’improbables plans « d’ingénierie sociale » qui toujours échouent à produire les résultats escomptés.
Là encore, cette opinion n’est pas une « croyance » mais le produit aussi bien du raisonnement que de l’observation, et nous avons pour nous l’expérience millénaire du genre humain.
Bref, monsieur le président, contrairement à vous nous ne sommes pas des progressistes et nous sommes absolument certains que les réformes législatives que vous conduisez ne pourront que produire d’immenses dégâts. Voilà pourquoi nous nous opposons à vous.
Et parce que nous sommes convaincus que la nature humaine existe, nous sommes aussi convaincus que l’arrogance et l’ignorance, qui découlent de l’idéologie comme le pus suppure de la plaie infectée, forment une très mauvaise base pour gouverner un peuple. Nous sommes donc obligés de conclure que vous êtes un mauvais président, et nous attendons avec impatience le moment où vous serez enfin rendu à une épouse dont l’âge exigera sans doute bientôt toute votre attention, ainsi qu’à vos « enfants de cœur ». Nous ne savons pas si cela sera un bien pour eux, mais nous sommes sûrs que cela sera un grand bien pour la France toute entière. » ■
Honni soit qui mâle y pense !
Portrait de Macron ? :
» L’une des marottes de notre temps est de confier des scènes importantes à des acteurs insignifiants. L’irritant, dans ce spectacle, est la conjonction d’un relief si médiocre avec un pouvoir fonctionnel tellement énorme. Voilà les hommes dont les décisions tiennent sous leur dépendance des millions d’êtres. Et pourtant, ce sont les mêmes, il faut bien l’avouer, que l’esprit de notre époque a désignés d’un doigt infaillible, pour autant que l’on veuille envisager l’un de ses aspects possibles : celui ‘un robuste entrepreneur de démolitions. Toutes ces expropriations, dévaluations, caporalisations, liquidations, rationalisations, socialisations, électrifications, répartitions et pulvérisations ne supposent ni culture ni caractère, car l’une et l’autre portent plutôt préjudice à l’automatisme. Quand donc, dans le paysage des chantiers, le pouvoir est mis à l’encan, on notera que l’acquéreur sera celui dont l’insignifiance prend pour socle une volonté robuste. » Ernst Jünger. Le traité du Rebelle.