Ces rubriques de JSF (Dans la presse et Sur la toile) sont destinées à ne pas nous satisfaire de l’entre-soi. A être familiers des analyses et de la pensée de ceux qui nous entourent, parfois très proches, parfois adversaires. Et qui exercent une influence forte sur l’opinion et l’intelligence françaises. A condition d’exercer notre réflexion propre, nous nous y enrichissons et souvent nous créons par là des contacts qui portent leurs fruits. Car nos idées, nos articles, aussi séduisent, bien au-delà de nos cercles. Ainsi, d’ailleurs de Zemmour lui-même, à l’évidence. Parfois plus – ou mieux – Action Française que nous ! (Mais pas tout à fait tout de même). Nous ne reprenons pas ces analyses venues d’ailleurs en les multipliant pour faire nombre. Nous les choisissons pour leur intérêt politique et leur utilité pour l’expansion de nos idées. Nous les discutons…
La France d’aujourd’hui est menacée. Vouée à la guerre civile au pire, à la partition au mieux, selon l’ancien directeur-général de la DGSE Pierre Brochand. Zemmour ne cesse d’alerter l’opinion et d’interpeller les élites sur le danger majeur de l’immigration. Majeur parce qu’irréversible à partir d’un certain seuil. Par là, il est plus qu’un journaliste, un serviteur du Pays. [Figaro, 28 février].
On le confond souvent avec son frère, le publicitaire et ancien maire de Cannes Bernard. Mais à son âge vénérable, on fait fi de ce genre de vanités. Pierre Brochand est ce qu’on appelait naguère avec admiration un grand serviteur de l’État. Ambassadeur de France, ayant fait l’essentiel de sa carrière à l’étranger, il revint dans notre pays diriger la DGSE (le contre-espionnage français) sous les mandats de Chirac et Sarkozy. Il en a tiré une expérience incomparable des dangers qui menacent la France. Il y a quelques mois, il avait présenté devant la Res Publica, fondation dirigée par Jean-Pierre Chevènement, une fresque historique et sociologique d’une haute tenue. Le texte long, fouillé, brillant,parfois ardu, déroulant une pensée impeccablement rangée en tiroirs, avait eu l’heur d’être repéré par Marcel Gauchet lui-même. Mais la consécration intellectuelle n’a pas créé d’écho médiatique. Seul Le Figaro, la semaine dernière, lui a donné la parole.
Que dit-il ? D’abord, il distingue entre ce qu’il appelle « l’histoire-évolution » et « l’histoire-événement ». Les Occidentaux ont renié celle-ci pour celle-là, mais ils sont les seuls dans ce cas. Seuls à croire que le monde entier va rassembler des individus libres et pacifiques. Brochand note que l’Occident a bouleversé deux fois le reste du monde : d’abord par la colonisation, il a imposé des États-nations à des sociétés traditionnelles ; ensuite, à la fin du XXe siècle, quand il invente, sur les ruines de l’État-nation, ce que Brochand appelle une « société des individus », uniquement régie par le droit et le commerce.
Mais, voilà, le reste du monde fait de la résistance. Chacun à sa manière, le monde chinois et le monde islamique sont rebelles à l’injonction occidentale. On est dans Huntington revisité par le cartésianisme français.
« Société des individus »
Que s’est-il passé en France ? D’abord une immigration venue d’Europe et qui s’est parfaitement assimilée au peuple français, car elle s’est soumise de bonne grâce aux exigences d’un État-nation alors en parfait état de marche. Et puis, une deuxième immigration, arabo-musulmane pour l’essentiel, qui débarque en France alors que l’État-nation est contesté et bientôt affaibli par l’émergence (dans la foulée de Mai 68) de la « société des individus ». La troisième immigration, la plus récente, celle des années 2000, vient s’agréger à la seconde, au sein d’un État-nation moribond, qui doit se soumettre à « l’État de droit » sans tenir compte des intérêts de la nation.
Le résultat est terrifiant : dans des enclaves devenues étrangères, les immigrés venus d’Afrique et du Maghreb reconstituent les sociétés qu’ils ont quittées, fondées sur la religion, la famille, la tradition. Dans les grandes métropoles, la « société des individus » prend son envol, et ne tolère pas que l’État-nation impose quoi que ce soit aux derniers arrivants. Cette alliance entre la société des individus postmoderne et les sociétés traditionnelles archaïques, forgée sur le sol français, est en train de tuer le « cher et vieux pays » du général de Gaulle.
Arrivé au terme de sa démonstration, notre grand serviteur de l’État avoue son effroi : la France est vouée à la guerre civile au pire, à la partition au mieux. Il a peur pour ses petits-enfants. ■
Profonde lucidité de cet article. Nous assistons à un lent suicide de l’Europe et de la France comme civilisation, suicide euphorique loué à la fois par les gauchistes voyant dans l’immigration l’occasion de » régénérer » nos pays forcément coupables de tous les crimes de l’histoire (l’on ne peut que rappeler les paroles de l’idiot utile de l’islamisme Mélenchon qui disait ne pas pouvoir vivre dans un pays où il n’y aurait que des blonds) et par les libéraux de tous bords pour lesquels un pays n’est rien d’autre qu’un territoire géographique peuplé d’individus indifférenciés définis en terme de travail, production et consommation, et qui se définit par un PIB. L’invasion migratoire arabo-musulmane ne manquera pas de provoquer, outre une partition territoriale, et l’installation sur notre sol de petites républiques islamiques, une véritable régression civilisationnelle en matière de moeurs, en particulier à propos des rapports hommes femmes, déjà fort dégradés sous l’effet de la théorie du genre et de la persécution du » mâle blanc » par des féministes légèrement hystériques. Nous avions inventé une civilisation de la galanterie, si bien décrite par le bel ouvrage de l’écrivain Claude Habib, et cette civilisation se lézarde avec la disparition de la femme de l’espace public dans les zones d’occupation musulmane, euphémiquement baptisés » quartiers difficiles » par la novlangue politiquement correcte. Il y a eu la France de la galanterie, on voit émerger une nouvelle France où prolifèrent les femmes encagés par le voile quand ce n’est pas par la burqa. Finis Franciae ? J’espère de tout coeur que non, mais parfois la confiance en l’avenir vacille.
J’ai la conviction comme le dit un article d’aujourd’hui, que les sociétés multiculturelles sont inévitablement des sociétés multi-conflictuelles. Tout simplement parce que je pense que la France n’est pas un simple territoire géographique mais une histoire, une culture et une civilisation, qui possède une identité que l’on tente de détruire, comme le font les libéraux et les gauchistes, et une identité incompatible avec d’autres, à la nature si lointaine de la nôtre qu’elle ne peuvent sans doute pas cohabiter pacifiquement. Autrement dit je suis, horresco referens, un identitaire,qui pense que l’identité de notre pays est ethnique et civilisationnelle et que je suis convaincu qu’elle doit être défendue, tout simplement parce que c’est la nôtre, et non parce que je voudrais la voir adopter par l’humanité entière. Autrement dit, ce qui me choque, ce n’est pas que des musulmans veuillent défendre leur identité, religieuse ou culturelle, mais qu’ils le fassent chez nous. Je ne souhaite pas que les sociétés musulmanes ou chinoises ou iraniennes deviennent des clones des sociétés occidentales, et trouve louable qu’elles affirment leur propre nature, d’autant plus que celle-ci est malmenée par une modernisation qui lamine les cultures et les civilisations. La richesse du monde humain, comme n’a cessé de le rappeler Lévi-Strauss est dans la diversité des manières d’être et des cultures. Samuel Huntington, dans son grand livre sur le choc des civilisations, ouvrage souvent dénoncé sans avoir été lu, montre par exemple que le retour du religieux à travers le monde est » une réaction à la laïcisation, au relativisme moral et à l’individualisme et une réaffirmation des valeurs d’ordre, de discipline, de travail et d’entraide et de solidarité humaine » , autrement dit, une réaction au nihilisme impliqué par une certaine tendance des sociétés occidentales. Ce retour des identités, Huntington le montre partout à travers le monde, en Russie, avec le renouveau de l’orthodoxie, en Chine et dans d’autres pays asiatiques et bien entendu à travers le monde musulman. Il s’agit très souvent d’un refus de l’occidentalisation plus que de la modernisation. Un commentateur des évolutions des pays d’Europe centrale, comme la Pologne et la Hongrie, rappelait les paroles d’un homme politique polonais disant » Nous ne voulons pas devenir comme en France un pays de cyclistes végétariens « . Et si nous assistions à un retour du goût des différences contre un cosmopolitisme et un universalisme qui n’est peut-être que le masque d’une arrogance occidentale ? Et si l’avenir résidait en la renaissance de l’affirmation de notre identité européenne, fondée sur une histoire, une religion, des mœurs qui sont nôtres, contre l’idéologie du vivre-ensemble, de la tolérance généralisée et de l’ouverture perpétuelle à l’autre ? Il est fort louable que des africains se pensent comme africains, des musulmans comme membres de l’oumma, contre la tendance au grand métissage et à l’indistinction prônée par l’idéologie libérale et mondialiste, mais qu’ils le fassent chez eux, et non chez nous, de la même façon que nous européens devons abandonner l’idée de vouloir exporter nos valeurs, comme ces américains pensant sans doute que la démocratie libérale ( et pourquoi pas le mariage pour tous et la parité ?) pouvaient s’exporter en Afghanistan comme on exporter des boîtes de conserve et des bouteilles de Coca-Cola. IL y a un adage populaire anglais qui dit que les bonnes clôtures font les bons voisins. Et si nous commencions à l’appliquer ? Ce qui ‘a jamais empêché de dialoguer, d’échanger et de se respecter.