Il y a décidément beaucoup d’excellents et courageux articles dans Causeur. Dont celui-ci et nous en conseillons sans hésitation la lecture [Causeur, 5 mars].
Par Didier Desrimais*.
Convergence des luttes et confusion des idées
Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel.
Lors de son dernier discours à Madrid, puis dans une tribune de Project Syndicate (29 novembre 2019) Greta Thunberg a déclaré : « La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Des systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. »
Adèle Haenel en pointe
La rapidité avec laquelle certaines idées circulent puis s’intègrent dans un discours anti-Occident est stupéfiante. Ainsi, en sus de son combat pour l’écologie, dans un mouvement « intersectionnel » perpétuel, Greta Thunberg est-elle parvenue à désigner les fautifs : les anciens pays colonisateurs (uniquement les pays occidentaux), les racistes (uniquement les Blancs) et les systèmes patriarcaux (hormis ceux de la tradition coranique).
De la même manière, dans un entretien donné au New York Times, Adèle Haenel a pu expliquer que la « vraie censure dans le cinéma français, c’est l’invisibilisation » ; puis questionner : « Où sont les gens racisés dans le cinéma ? » ; et conclure : « Pour l’instant, on a majoritairement des récits classiques, fondés sur une vision androcentrée, blanche, hétérosexuelle ». (sic)
Si l’on suit la pensée dominante et « intersectionnelle » qui inonde le décolonialisme, le féminisme radical et l’antiracisme dévoyé, on peut esquisser le portrait-robot du coupable : c’est un homme, blanc, raciste, hétérosexuel. Et il cumule ces tares sur une seule aire géographique : l’Occident. Selon ce mythe, lui seul a colonisé des terres. Lui seul a conquis des territoires. Lui seul a fait de la traite des noirs africains un commerce monstrueux et lucratif. Lui seul a condamné les femmes aux pires tourments et à « l’invisibilisation ». Et lui seul a des comptes à rendre.
Stratégie de pouvoir
L’excellent livre d’Anne-Sophie Nogaret et Sami Biasoni, Français malgré eux, montre comment fonctionne, jusqu’à la bêtise, ce mouvement qui aimerait bien passer pour révolutionnaire, mais qui n’est en réalité qu’une façon de prendre le pouvoir (ou de garder un poste) en différents points stratégiques, l’université en tête ; ou de faire briller la coquille vide du « moi », ce « moi » qui ne regarde que lui et a trouvé dans le discours victimaire et « intersectionnel » le moyen de faire croire qu’il regardait aussi, de temps en temps, ailleurs, c’est-à-dire hors de lui, voire loin de lui. Ce qui n’est pas le cas.
Cette double ambition, pouvoir pragmatique et valorisation du « moi », n’est pas antinomique, et la « pensée » intersectionnelle est une arme efficace qui sert aussi bien l’une que l’autre. À l’intersection des potentielles et supposées discriminations auxquelles m’exposent ma couleur de peau, mon orientation sexuelle, mon obésité, mon handicap, mon accent, mon âge, mon « genre »…, je peux exhiber mon « moi » unique et égoïste, étaler une fausse compassion, cacher un véritable ressentiment, et bousculer ce que j’appelle l’ordre établi et dominant, lequel est idéalement représenté par l’homme blanc hétérosexuel occidental de plus de cinquante ans que je peux chasser pour prendre sa place.
Macron contre les « mâles blancs »
Ainsi voyons-nous aujourd’hui, en France, de plus en plus souvent, des ateliers non-mixtes ou des camps décoloniaux refuser leur accès aux Blancs, ou aux hommes, ou aux hétérosexuels, sous prétexte de « se défaire du joug de “l’influence du dominateur” ».
Ainsi avons-nous entendu le président de la République évoquer à deux reprises les « mâles blancs » quadras ou quinquagénaires (lors de son discours au Collège de France sur l’Intelligence artificielle et lors de la présentation du plan « banlieues »).
Ainsi, nous rappellent les auteurs de Français malgré eux, lors d’un colloque à l’université Paris 1 intitulé « Approches phénoménologiques du genre et de la race », la « philosophe » Manon Garcia a-t-elle pu asséner : « Je ne suis pas sûre que la femme dans son harem ait tellement moins de liberté que la catholique versaillaise mère au foyer, en fait ».
Ainsi, la « philosophe » Marion Bernard, lors du même colloque durant lequel l’alcool a dû couler à flots, narrant une expérience de rencontre avec une « nounou » noire dans un jardin public, a-t-elle pu tituber à voix haute : « Je deviens moi-même un personnage en deux dimensions […] en couleur, ou plutôt en non-couleur. Non-couleur qui décolore mon fils du même coup, le blanchit et le sépare de moi […] Nous avons ce lien nouveau entre nous, désagréable et honteux, qui me fait peur, la blancheur en partage, visible et gênante. Tout à coup, il est moins là que les autres enfants. » (sic, sic, sic !).
SOS universalisme
Sous l’influence de « concepts » anhistoriques, anachroniques et « intersectionnellement » victimaires, Greta Thunberg, Adèle Haenel, Delphine Ernotte, Eric Fassin, Rokhaya Diallo, Manon Garcia et mille autres, participent au même mouvement de dénonciation du même coupable et jubilent de voir leur moiversalisme bavard et flou remplacer cet encombrant, historique et philosophique universalisme. La quête de vérité, la saine curiosité, l’envie de lire autre chose que des tracts, les notions de bien et de mal, se voient évincées par des valeurs progressistes portées en étendard et variant au gré des modes ou des ambitions personnelles. Le « moi » décomplexé et ignorant a des combats dont il est fier et qui finissent en parades. Cela suffit à le satisfaire.
Mais ces luttes « intersectionnelles » et factices ne tromperont leur monde que le temps nécessaire à l’étalage total de leur bêtise. Déjà, Etienne Balibar, qui n’est pas réputé pour son conservatisme ou son esprit réactionnaire, a réagi très vivement lors d’un débat entre étudiants et universitaires plus ou moins « racisés » mais totalement « décoloniaux » lorsqu’un intervenant a réclamé « le meurtre du philosophe blanc hétérosexuel » (?!) : « Le livre de Norman (Norman Ajari, auteur du livre débattu ce soir-là), a tenu alors à préciser vertement Etienne Balibar, ne contient pas un seul bloc d’argumentation qui ne vienne pas de la raison classique. Il n’y a pas un seul raisonnement, il n’y a pas une seule construction de pensée, pas une seule critique dont vous pourrez dire “Ah oui, là, ça vient du fond de l’Afrique !” Pas du tout ! tout ça provient de Hegel, à travers Fanon ». À force de pousser pépère dans les orties, même le plus conciliant des pépères se rebiffe ! ■
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* Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde.
franchement, défendre un Occident maçonnique, judéoservile, démocratiste, féministe, ploutocratiste, universaliste, athée, homosexuel, et j’en passe, quel intérêt?
Quel intérêt ? Expliquez alors où est « l’intérêt » selon vous. Sinon c’est trop nul.
Je crois que ça a été dit pour dire et sans tenir compte de l’article qui est justement écrit à charge contre l’Occident décadent.
Il y a certes un très grand danger dans ces attaques contre notre civilisation par ces allogènes qui très souvent ne dissimulent même plus leur racisme anti-blanc et leur haine de notre culture, mais il ne faut pas oublier que les attaques contre la civilisation européenne sont d’abord venues d’européens. Ce sont des intellectuels européens qui ont entamé le procès de l’Europe, prétendument coupable de tous les crimes et qui devrait expier en disparaissant ou du moins en faisant acte de repentance permanente. C’est nous qui considérons que notre passé doit être aboli ou oublié parce qu’il ne serait qu’un long cortège d’horreurs, d’ignorance, de superstition, et qu’il ne serait supportable ou acceptable qu’à partir de la prétendue table rase de 1789, ou même pour certains qu’à partir du moment, fort récent où démarrent les luttes contre les discriminations. C’est l’homme européen moyen qui s’enferme dans un présentisme ou le seul horizon est dans la consommation et l’attente angoissée et euphorique à la fois du dernier gadget technique. C’est nous qui avons donné naissance à ce monde peuplé de néo-individus narcissiques ( Il y aurait de belles analyses à faire sur cette passion moderne du selfie ) gavé aux réseaux sociaux et attendant avec inquiétude les » like » qui lui montrent qu’il a des » amis ». Ce sont des députés français qui ont choisi l’année passée de décorer l’assemblée nationale aux couleurs de la gay pride. C’est en France que l’école, en ruines, ne transmet presque plus rien et se transforme en » institution molle, à mi-chemin entre maison des jeunes et de la culture, hôpital de jour et asile social, assimilable à une sorte de parc d’attraction scolaire » (Dany-Robert Dufour). C’est l’Europe actuelle qui n’ose même plus revendiquer ses racines chrétiennes et se voit comme un vaste hangar d’accueil de populations vouées au métissage généralisé. Plutôt que de juger avec arrogance le passé depuis notre prétendu merveilleux présent, nous devrions plutôt juger le présent à partir du meilleur du passé pour voir ce que les progrès dont s’enorgueillit si fort l’opinion européenne moyenne nous ont fait perdre. J’ai l’impression d’assister au lent suicide de l’Europe et de ce qu’elle a comporté de grand et de noble, de l’Europe laminée par le marché, l’obsession économique t abandonnant chaque jour un peu plus ses traditions et ses plus hautes réalisations. Simone Weil nous le rappelle avec une profonde lucidité » Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu’à l’avenir. L’avenir ne nous apporte rien , ne nous donne rien : c’est pour nous qui pour le construire devons tout lui donner. Mais pour donner, il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé « . Que voulons-nous défendre contre les attaques haineuses de ces allogènes qui n’ait déjà été détruit par nous-mêmes, à l’instar de cet effarant Macron déclarant qu’il n’y avait ni art français ni culture française ? Qu’allons-nous opposer à ces racisés et autres décoloniaux ? L’écriture inclusive, la trottinette pour tous, les black fridays, la gay pride et l’abrutissement télévisuel ? Je suis un homme du passé, et y trouve la vie qui permet d’échapper à cet enfermement dans un présent hébété et euphorique qui ne sait même pas qu’il n’est rien que la stérilité et la mort. Il nous manque aujourd’hui un Bernanos ou un Léon Bloy pour nous fustiger et nous envoyer au visage notre médiocrité satisfaite et arrogante. Sur ce, je retourne à la lecture des mémoires de Saint Simon.
Les mots semblent difficiles à trouver pour décrire l’ Occident actuel : mais déjà qu’est ce donc cet l’occident ? Puisque l’on ne se réfère pas à l’astronomie , au soleil se levant à l’Est pour finir sa course à l’ Ouest , puisque la division Est – Ouest est révolue depuis 1991 ( il était singulier tout de même que le dit Occident ait compris le Japon , l ‘ Australie etc ) . On pourrait parler de civilisation occidentale ; dans ce cas , il faut admettre l’ existence d’une civilisation orientale ( au temps de Louis XIV , la Chine , était de premier rang )
Sans doute veut on parler de l ‘occident décadent , dégénéré mais il faudrait dater le début de cette décadence : avant les comiques de France – Inter , la belle époque avait le pétomane du Moulin Rouge dans le même genre . Avant 1789 , la pourriture était déjà dans les salons.
Pour ne pas tout ramener à la France , les bolchévistes , furent précédés des Décembristes , du beau linge ! Enfin et pour terminer , seul un petit nombre est concerné par toutes ces aberration évoquées ; c’est ce qui devrait rassurer comme de constater que les époques ayant fait aller la liberté vers la licence furent suivies de mouvements de réparateurs : la réaction à défaut d’avoir anticipé par la résistance .