PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro du 6 mars. Mathieu Bock-Côté y constate avec tout son talent et toute sa conviction : L’humanitarisme a fait faillite et devient un facteur d’impuissance politique. Par là, il remonte à la source de notre déclin – ou, en effet, de notre décadence, et il montre les voies et moyens de la réaction salvatrice à mener.
« La multiplication des enclaves ethniques dans les pays occidentaux témoigne d’un phénomène de partition territoriale qui pourrait bien devenir irréversible ».
Le Vieux Continent s’apprête à connaître à nouveau ce qu’il nomme pudiquement une «crise des migrants». Et dans cette histoire, la Turquie ne se cache plus. Longtemps, elle faisait chanter l’Europe. Maintenant, elle veut la frapper. Non seulement elle ouvre les vannes pour qu’y déferlent potentiellement des dizaines de milliers de migrants, mais elle masse à sa frontière des gendarmes pour empêcher la Grèce de les refouler. Le geste relève à la fois de la provocation et de l’agression. Elle transforme malgré eux les migrants en troupe de choc et maquille en crise humanitaire une invasion en bonne et due forme. Erdogan, aujourd’hui, se joue de l’effondrement psychologique des Européens. La crise humanitaire – bien réelle – est instrumentalisée pour déstabiliser une civilisation et la soumettre.
Le lyrisme sur les « damnés de la Terre » ne résiste pas aux images qui parviennent à traverser le filtre médiatique du politiquement correct. Il est difficile ne pas sentir l’agressivité d’une partie de ceux qui violent la frontière en se permettant de crier « Allah akbar ». Combien sont-ils parmi les migrants à être animés par un esprit de conquête? Nul ne doute de la misère de bien des malheureux qui cherchent ainsi à s’installer de force en Europe. Mais devant une telle vague, les conditions élémentaires rendant possibles le droit d’asile se sont anéanties, quoi qu’en pense une gauche immigrationniste qui s’imagine résister au fascisme alors qu’elle collabore objectivement avec le nouvel impérialisme ottoman. L’humanitarisme a fait faillite et devient un facteur d’impuissance politique.
La multiplication des enclaves ethniques dans les pays occidentaux témoigne d’un phénomène de partition territoriale qui pourrait bien devenir irréversible. Des féodalités inédites se constituent, où la souveraineté nationale s’exerce de moins en moins. L’immigration de peuplement a fait naître dans les banlieues un nouveau peuple que l’intelligentsia fait tout pour ne pas nommer, en se contentant de multiplier les références à la «diversité». Les tensions identitaires se radicalisent. La Grèce fait figure d’avant-poste: on peut craindre que les violences s’accentuent chez les natifs – on vient de le voir sur les îles voisines de la Turquie, la liquéfaction de l’État poussant les masses à l’émeute – comme chez les migrants, dans une société entraînée dans la spirale régressive de la tribalisation. Car l’immigration massive s’accompagne d’une ethnicisation, et même d’une racialisation des identités, et plus encore dans un contexte où le multiculturalisme dénationalise le lien social.
La poussée du sud vers le nord concrétise de la manière la plus brutale qui soit l’idée d’un «choc des civilisations», pour emprunter une formule autrefois moquée mais pourtant prophétique. À l’échelle de l’histoire, la transformation radicale du substrat démographique de la civilisation européenne est une révolution. Mais c’est le propre d’une révolution: il n’est pas permis de la nommer lorsqu’elle se déploie, et il est interdit de la remettre en question une fois qu’elle s’est installée. À moins qu’on ne s’en réjouisse au point d’en parler avec des propos laudateurs. On aura droit alors à la complaisance médiatique, comme si la mystique du métissage global portait la promesse d’un avenir radieux à ceux qui s’y rallient, bien que la réalité des choses ne cesse de la démentir.
Instinct de survie
On écrira un jour l’histoire de la démission – ou de la complicité – des élites devant l’immigration massive, qui a probablement culminé en 2015 avec l’acceptation par Angela Merkel d’un million de migrants, l’Allemagne espérant ainsi trouver une rédemption historique pour ses crimes lors de la Seconde Guerre mondiale. Mais il faudrait aussi écrire l’histoire des lanceurs d’alerte qui, depuis quarante ans, ont cherché à mettre en garde leurs peuples contre l’immigration massive et qui ont été diabolisés pour cela, ce qui a contribué à les inhiber politiquement devant un mouvement dont ils devinaient à la fois l’ampleur et la virulence. À moins qu’on ne parle de la disqualification morale de leur instinct de survie en tant que peuple souverain.
Les colonnes de migrants résolus à s’installer dans des pays saturés révèlent par effet de contraste la volonté anémique des élites européennes, qui s’imaginent incapables de renverser la tendance. Si la situation n’était pas aussi tragique, il y aurait quelque chose d’amusant à les voir bavarder dans leurs universités sur les mille nuances de l’identité de genre et autres spéculations idéologiques biscornues qui passionneront les prochaines soirées des César au moment où ses frontières semblent s’effondrer sous la poussée militante du « Grand Turc ». Comment ne pas penser au mythique épisode du sexe des anges dans Constantinople assiégée et l’Empire byzantin finissant? En d’autres temps, on aurait parlé de décadence. ■
À lire dans JSF …
De Louis-Joseph Delanglade
L’allié toxique [7.12.2015]
Dangereuse Turquie [2.03.2020]
Avantage Poutine [9.03.2020]
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).
Rien n’est irréversible sauf la mort, quoique Notre Seigneur nous ait prouvé le contraire, et même si on répète à l’envi que les civilisations sont mortelles(merci Paul Valery) les exemples historiques montrent que dans le cas de peuples solides elles peuvent revivre.
La France a été envahie plusieurs fois, par des barbares, des Asiatiques et naturellement par les musulmans qui ont ravagé nos côtes et pris nos femmes et nos enfants en esclavage; la France a survécu et a trouvé en elle, parfois (toujours?) avec le secours de la Providence, les ressources pour chasser les périls et retrouver sa liberté. Que la situation soit sérieuse, nul ne saurait le nier, que comme par le passé une partie des « élites », des clercs, des dirigeant se fassent les complices, les collaborateurs des envahisseurs, cela parait de plus en plus évident à nos compatriotes et à ceux qui à ‘extérieur veulent croire à la vocation de la France, qui est autre chose qu’un espace de résidence.
En politique, a dit notre maître, tout désespoir est une sottise absolue, ne désespérons pas de notre peuple
triste cela. Allons nous nous réveiller et botter le cul définitivement au grand Turc Erdogan.
ce serait ,déjà une bonne chose et ensuite achever le travail. Il es temps.
Ne désespérons pas de notre peuple, mais désespérons tout de même de nos élites politiques et médiatiques actuelles qui nous mènent au désastre. Et l’ont voit difficilement se lever de nouvelles élites capables de faire front, de taper du poing sur la table des négociations internationales et de renvoyer le dictateur Erdogan dans ses cordes avec les hordes d’envahisseurs qu’il manipule. Le roi, c’est bien, mais ses soutiens sont encore trop peu nombreux pour renverser la marche du temps. Il nous faut maintenant et à nouveau un soit un militaire prestigieux, à la fois réaliste et fort ou un homme (ou une femme ?) politique ayant les mêmes qualités pour prendre sans peur la tête de la résistance. Et si prétendant au trôle il y a, il lui faut maintenant parler plus fort pour secouer le peuple.