Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Il suffit donc d’une épidémie, devenue pandémie, pour que la planète renoue avec des peurs ancestrales et des comportements bien peu rationnels.
C’est que l’idéologie dominante fondée sur les valeurs du « progrès » et du « bonheur » a du mal à se confronter à la réalité des choses. Eh oui, il existe des virus, des krachs boursiers, des guerres, des problèmes climatiques… Il faut faire au mieux mais d’abord en accepter le principe même car il est fort probable que cela continue ainsi encore longtemps.
Concernant le coronavirus, on finira bien par en sortir mais quand et comment, cela nul ne le sait avec certitude. Surtout pas les scientifiques, plus humbles en cela que la majorité des bavards, journaleux et politiciens une fois de plus confondus, qui se produisent à longueur de journée sur les ondes, participant ainsi à une sorte de psychose collective.
Il serait beaucoup plus sage et efficace d’admettre une fois pour toutes la nécessité d’un pouvoir politique fort et soucieux d’assumer son rôle. C’est, reconnaissons-le quand même, la voie choisie par M. Macron. Les mesures annoncées sont-elles bonnes ? Malgré, peut-être, quelques inconséquences ou contradictions ou insuffisances, elles ne sont certainement pas mauvaises, puisqu’elles s’inscrivent dans une démarche assumée de freinage de l’épidémie en France.
Ce choix stratégique a dû être discuté mais le politique a tranché (c’est son rôle) et maintenant il faut s’y tenir jusqu’à une prochaine étape qui pourra consister en un renforcement ou une inflexion des mesures prises, de façon à éviter une saturation du système de santé.
Mais le chef de l’Etat a aussi fait un discours très politique, et parfois plus discutable, sur le fond. On savait déjà que, pour cause de dégringolade boursière, le gouvernement avait fort heureusement renoncé à la privatisation du Groupe ADP (Aéroports de Paris). On croit avoir compris que M. Macron est en train d’opérer un virage plutôt salutaire puisque fondé sur une remise en cause du libéralisme économique. On verra bien dans un avenir sans doute proche ce qu’il en est réellement.
Cependant, il lui est toujours impossible de sortir par le haut de l’opposition idéologique société fermée – société ouverte. En témoigne le débat truqué sur la notion de frontière. Oublions les propos caricaturaux de certains, partisans et adversaires réunis ici dans le même sac de l’outrance verbale. Aussi vrai qu’une route existe d’abord par ses deux limites, de droite et de gauche, c’est la frontière qui délimite, encore et toujours, la réalité géographique d’un pays. Un pays – mais aussi un simple EHPAD dont la porte d’accès est en ce moment fermée à des visiteurs jugés désormais indésirables, ce qui ne choque personne.
Une frontière, comme une porte, peut donc être ouverte ou fermée. Selon les nécessités. Y voir un mur infranchissable que l’on voudrait défendre à tout prix contre l’ennemi étranger ou abattre au nom de l’idéologie méli-mélo n’est qu’une supercherie intellectuelle.
D’ailleurs, d’autres pays, et non des moindres, en Europe et dans le monde ont décidé de fermer la porte (Etats-Unis) ou de l’entrebâiller seulement : l’Allemagne elle-même, si accueillante aux envahisseurs proche-orientaux dans un passé récent, a rétabli des contrôles sanitaires systématiques à sa frontière avec la France. Voilà qui devrait faire réfléchir M. Macron. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source