Par Jean-Christophe Buisson*
Dans les semaines qui viennent, n’oublions pas de revoir les nombreux petits bijoux d’inventivité de la télévision des années 60-70.
CHERS LECTEURS CONFINÉS, la tentation est grande de profiter de la situation pour dévorer les dizaines de séries contemporaines proposées par les plates-formes de streaming. Historiques, policières, sentimentales, futuristes, uchroniques, comiques : il yen a pour tous les goûts. Mais rien n’empêche non plus de se replonger (via DVD ou VOD) dans les pionnières des années 50-60-70.
La plus pop : Chapeau melon et bottes de cuir. L’élégance de John Steed, la grâce d’Emma Peel, des décors, des chorégraphies de bagarres et des costumes tous aussi inventifs les uns que les autres, et des histoires à dormir debout avec nurses-espionnes, savants fous, cy-bernautes-tueurs, machines à remonter le temps… Un must éternel.
La plus politique : Le Prisonnier. Il y a un peu plus de cinquante ans, sous la forme d’une série mettant en scène des hommes-numéros confinés (!) dans un village, Patrick McGoohan décrivait ce que deviendraient nos démocraties : des sociétés de surveillance et de contrôle gérées par des oligarchies prétendant faire notre bonheur, organisant des élections dont on peine à être persuadé de l’importance…
La plus cool : Amicalement vôtre. Vingt-quatre épisodes menés à tambour battant avec Tony Curtis et Roger Moore rivalisant de sex-appeal et de tonicité pour conquérir les cœurs des femmes et emprisonner truands, escrocs et voleurs. Le mariage forcé d’un aristocrate britannique décadent et d’un ex-petit voyou de Brooklyn pour la victoire du Bien, de la veuve (si elle est jolie) et de l’orphelin
La plus baroque : Les Mystères de l’Ouest. Un générique mémorable, un train-maison que tout le monde voudrait habiter (en enlevant les rideaux froufmutans), un splendide décor de Far West finissant, deux espions du général Grant aussi rusés que bagarreurs, un acteur inoubliable (Robert Conrad, récemment disparu) : et soudain Bonanza, Rawhide, Le Virginien et Au nom de la loi devinrent ringardes…
La plus philosophique : Cosmos 1999. Décors, costumes et musique de ce space opera britannique ont bien vieilli, mais toute sa dimension métaphysique et philosophique, elle, est immuable et éternelle. Et ses interrogations aussi actuelles au temps du coronavirus qu’il y a quarante ans ou quatre siècles, à l’époque de Shakespeare : d’où venons-nous, où (en) sommes-nous, où allons-nous ?. ■
Post-apostrophum : « Bonjour chez vous ! », comme dit Le Prisonnier…
* Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Son dernier livre, 1917, l’année qui a changé le monde, est paru aux éditions Perrin.