Notre titre est emprunté à Libération qui a publié hier lundi un article fort bien pensé et point trop idéologique sur le scientifique marseillais malheureusement soumis au régime d’opinion médiatique et parfois à la méfiance, aux habitudes administratives, voire à une forme d’instinctive jalousie professionnelle de certains de ses collègues. Depuis Pasteur, l’on sait qu’il en est souvent ainsi. Sur le cas Raoult, qui, en plus, porte sur notre Système politique et social un regard acéré, critique et lucide, pas très, voire pas du tout politiquement correct, Libération, toujours, formule et résume assez bien ce que l’on peut dire et penser : « Sous des allures provocatrices et malgré une personnalité iconoclaste, le responsable de l’IHU de Marseille, qui défend un traitement à l’hydroxychloroquine contre le coronavirus, est à la pointe en matière de recherche et fait autorité.»
Tout le monde en France et même dans sa région ne lit pas La Provence. Ce qui est dommage en la circonstance. Didier Raoult s’y est largement exprimé hier et ses analyses sur notre société, sur notre démocratie si formelle que plus personne ne sait ce que le mot veut dire, ses jugements sont sans indulgence. On s’y intéressera ici à plus d’un titre : en tant que citoyens menacés comme tous par le virus tueur chinois et en tant que politiques occupés depuis bien longtemps à réfléchir sur les causes profondes de notre déclin national et sur les moyens d’en briser la courbe funeste apparemment inexorable. Voici donc, pour les lecteurs de JSF, ce que Didier Raoult a pensé et dit sur ces graves sujets, hier dans La Provence. On comprendra que Didier Raoult n’est pas n’importe qui – y compris sous l’angle de la réflexion politique. Et c’est la pleine actualité.
Fake news
Le risque que le coronavirus chinois change les statistiques de mortalité française ou mondiale est nul. Il y a dans cette disproportion entre réalité et bruits plusieurs éléments : la peur des maladies nouvelles, l’intérêt des laboratoires qui vendent des antiviraux (Gilead a fait une progression boursière spectaculaire), l’intérêt de ceux qui produisent des vaccins par précaution (bien que l’on ne sache pas si la maladie sera encore là dans un an), de ceux qui sont heureux d’être sur un plateau de télévision comme experts virtuels, de ceux qui font de l’audimat sur la peur, et de ceux qui se voient en sauveurs providentiels. Cet événement aura confirmé pour moi qu’il y a plus de vérités dans les réseaux sociaux et que la labellisation « fake news » est parfois l’arme désespérée de certains médias pour continuer à exister. Une de mes vidéos a temporairement été étiquetée « fake news » par le détecteur du journal »Le Monde » ainsi que par le ministère de la Santé. J’avais diffusé l’information des autorités chinoises sur l’usage d’un médicament dont j’ai déjà parlé et que je connais bien (la chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine), sur son efficacité dans les études préliminaires sur 100 cas, confirmée par une courte communication et par une conférence de presse du Pr Zhong, une autorité chinoise reconnue dans le monde entier. Cela a déclenché des réactions violentes, qui exigeaient que je retire ma communication, et j’ai même reçu des menaces anonymes pour lesquelles j’ai porté plainte. Il est de plus en plus difficile de savoir de quoi on parle et nous avons créé un site d’information hebdomadaire sur Youtube intitulé « On a le droit d’être intelligent » (…). Il y a 20 virus associés aux infections respiratoires qui circulent dans le monde. Peut-être que le coronavirus de Chine deviendra le vingt-et-unième, ni plus ni moins grave, peut-être disparaîtra-t-il momentanément ou définitivement, peut-être restera-t-il limité à un écosystème spécifique, comme le Coronavirus d’Arabie Saoudite (MERS corona). L’avenir nous le dira (…)
Peur de la mort
La situation des épidémies et pseudo-épidémies actuelles reflète des comportements très profonds chez l’Homme. L’histoire est pleine de peurs de catastrophes naturelles et d’épidémies, et la Bible en donne de nombreux exemples. Devant l’inexplicable, devant la brutalité des phénomènes, les hypothèses étaient à l’époque plutôt religieuses ou basées sur le comportement coupable des Hommes. Plus récemment, Baudrillard, en 1970, nous a très utilement permis de comprendre qu’une part de l’oisiveté se nourrit de la peur de la mort et des catastrophes, tandis que la météorologie (comme renouvellement du culte du Soleil) occupe l’autre partie de notre information passive reçue des médias. La pérennité des comportements religieux et des peurs religieuses, ainsi que de la magie, a été bien rapportée par Mircea Eliade dans son Traité d’histoire des religions qui montre que, sous des formes différentes, les grands thèmes des peurs et des comportements religieux n’ont pas changé.
Simulacres
Dans nos sociétés, il existe des rôles différents : rôle de ceux qui font de la recherche ou découvrent les choses, rôle de ceux qui gèrent, et rôle de ceux qui transportent l’information. Avec l’accélération du temps que nous constatons aussi bien dans l’information que dans la gestion, les gestionnaires sont en place pour de courts laps de temps soumis à des élections récurrentes, comme je l’ai déjà dit. Il y a de plus en plus de confusion entre le pouvoir de décision, le pouvoir exécutif et le quatrième pouvoir, celui de la presse. Or, s’il est naturel que la presse lance l’alerte, il n’est pas naturel que les gens qui dirigent, les politiques, soient de même nature et aient le même genre de réactivité. La gestion demande de prendre son temps et de la distance, mais cela devient aujourd’hui inutile puisque les conséquences des actes des gestionnaires ne leurs seront pas directement imputées, elles viendront plus tard et seront noyées dans une nouvelle information. Cette fusion entre médias et décisionnaires s’observe, pratiquement par mariage ou par transfert, d’un métier à l’autre, un ministre devenant animateur, un animateur devenant ministre. Cela pose un véritable problème, qui nuit à l’équilibre des forces. Par ailleurs, l’autre livre de Jean Baudrillard, Simulacres et Simulation, prédisait, lui, la création d’un nouveau monde digital (…) Dans ce monde que Baudrillard appelle l’hyperréalité, et qui a servi d’inspiration pour le film Matrix, en fait, la réalité digitale n’a plus aucun lien avec la réalité physico-chimique, tout comme dans le livre Simulacres de Philip K. Dick, où les hommes politiques sont des simulacres, des hologrammes ou des robots. Ainsi, la déconnexion totale de la réalité observable avec la réalité rapportée est un problème qui devient majeur. Il s’agit de moins en moins d’une amplification, mais d’une distorsion de la réalité. Quand l’informateur multiplie par 20 un risque de mortalité et divise par 100 un autre risque, nous ne sommes plus dans une exagération, nous sommes dans un autre monde. Et c’est actuellement ce qui se passe (…) Les chiffres eux-mêmes deviennent indécents quand ils ne confirment pas la théorie dominante. En pratique, il n’y a pas réellement de solution, sauf que les nouvelles technologies permettent d’avoir un nouveau pouvoir, qui est suivi d’une communication non filtrée (pour l’instant). Nous pouvons le constater dans le domaine scientifique. Il existe une censure de fait sur les articles qui ne se situent pas dans le flux général de la pensée technique, mais de très nombreux journaux se créent, et l’envoi d’articles directement sur des sites sans filtres avant leur publication commence à se développer. ■
Cette publication sera sans doute reprise dans les minutes qui suivront sa mise en ligne sur JSF par des médias sur la toile, faiblement capables d’une réflexion autonome et rationnelle. Et seulement avides de remplissage. Tant pis pour eux. Tant mieux pour le texte qui mérite diffusion !
Ma petite expérience personnelle dans l’industrie pharmaceutique:
lorsque j’ai commencé ma carrière en 1971 au sein des laboratoires Delagrange, les nouveaux médicaments pour être approuvés étaient soumis, après expérimentation animale naturellement, à certains grands cliniciens, les experts approuvés par les autorités. Ces experts véritables, dans la tradition des grands diagnosticiens de l’école française, faisaient un rapport sur les malades chez lesquels ils avaient administré le nouveau médicament et déterminaient alors l’utilité dans l’une ou l’autre des indications. Sous l’influence et la pression des Etats-Unis l’industrie européenne, pour pouvoir obtenir l’enregistrement aux Etats-Unis, s’est convertie à la méthode américaine de prouver « statistiquement » l’efficacité du produit, indication par indication, en le comparant à un produit de référence ou un placebo dans des études en « double aveugle ». Le corps médical français a longtemps résisté à ces méthodes car ils pensaient, avec leur meilleur jugement, que les malades qui ne répondaient pas au « traitement A » devaient être sortis de l’étude (ce qui la rendait nulle) pour être soumis au « traitement B ». Leur serment d’Hippocrate les empêchant de ne pas mettre en oeuvre le meilleur traitement pour chaque malade; mais les arguments économiques, la taille du marché américain et la conversion progressive des pays anglo-saxons, ont eu gain de cause.Les autorités sanitaires étaient ravies car celà leur permettaient de dérembourser des médicaments anciens , ayant fait preuve de leur efficacité, pour « insuffisance de preuve( statistique) d’efficacité, et de diminuer la note du remboursement,avec l’effet paradoxal de remplacer des produits anciens peu chers déremboursés par de produits nouveaux chers et remboursés.
Les médecins français ignoraient tout des statistiques, qui n’ont figuré qu’après 1980 je pense au programme de leurs études, et j’en ai entendu de croquignolesques y compris des autorités sanitaires encore en 1984, moi qui en avait fait à HEC. Chacun sait que les nouveaux convertis deviennent des zélotes, et la « preuve statistique » est devenue parole d’Évangile pour nos autorités, en particulier l’INSERM; et je me demande si les jeunes médecins français sont toujours formés à l’observation des malades, plutôt qu’à celles des résultats de tests de laboratoire et d’images d’examen divers et variés, qui ne peuvent être utilisés que pour confirmer ou infirmer un diagnostic(voir la série Dr House) et non pas le définir! La grande expertise et tradition française dans l’observation et le diagnostic, celle du Pr Raoult par exemple, risque d’être éliminée par les technocrates, type Buzin, mais elle fait partie de médecins chez qui le serment d’Hippocrate devait être facultatif
Votre commentaire est tout à fait intéressant, notamment du fait de votre expérience professionnelle. Un grand merci.
Évidement.
Evidemment!!