Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Prêche remarquable ce vendredi 27 de M. Legrand, grand prêtre de la bien-pensance médiatique.
Titre de son « Edito politique » (matinale de France Inter, 7h44) : « Confinement en Seine-Saint-Denis, l’inégalité augmentée ». Le ton est donné, on s’attend au pire.
Thomas Legrand affirme d’abord, au mépris de la vérité la plus évidente (mais l’idéologie n’a que faire du bon sens), que le confinement ne pose aucun problème dans « les quartiers populaires » (en gaulois : zones peuplées, au détriment des autochtones et autres indigènes, d’immigrés plus ou moins récents et plus ou moins francisés). Et de dénoncer « une détestable petite musique [qui] laisse entendre que, par désinvolture ou défi, [on y respecterait] moins les consignes de confinement. » On sait que l’expression « détestable petite musique » vaut accusation de racisme et permet d’éluder les bonnes questions, celles qui dérangeraient. Mme Ndiaye avait eu le « courage » (facile pour elle, il est vrai) d’être plus explicite.
Beaucoup de racistes en France, donc. A commencer par ceux qui sont sur le terrain : conseillers municipaux et membres des diverses forces de l’ordre. La situation dans « les quartiers » a ainsi pesé dans la décision de couvre-feu prise par plusieurs municipalités notamment méridionales. Il suffit de se reporter aux justifications avancées (et suffisamment relayées par toute la presse) pour comprendre qui est prioritairement visé par la mesure : le non-dit ou le « dit à moitié » (prudence verbale oblige, en ces temps où sévit la police de la pensée) sont paradoxalement éloquents.
Et c’est bien cette réalité qui gêne Thomas Legrand, journaliste bobo-gaucho parisien installé dans son confort idéologique : « l’idée du couvre-feu signifie que la première chose à laquelle on pense pour les quartiers populaires c’est au maintien de l’ordre […] » Maintenir l’ordre dans les quartiers ? Thomas Legrand reconnaît seulement que quelques « halls d’immeubles sont parfois occupés par des jeunes qui ne tiennent pas en place ». Ils ne tiennent pas en place : les forces de l’ordre apprécieront l’euphémisme et nous le choix des mots « quelques » et « parfois ». Suit un développement édifiant sur la population de la Seine-Saint-Denis qui, par la grâce du propos éditorial, ne suscite que compassion et empathie.
Faire respecter le confinement, ce serait pourtant maintenir l’ordre – et réciproquement. Inutile d’ailleurs de se risquer jusqu’à quelque lieu mal famé du fin fond de la plus pourrie des « cités ». Une vidéo montre, en plein centre de Marseille (à vingt mètres de la Canebière), ce qu’il en est du confinement tel que certaines personnes (l’image parle) le comprennent et le mettent en pratique – au risque de provoquer un emballement épidémique. Quand cela sera arrivé, Thomas Legrand sera le premier à dénoncer, comme il le fait pour la Seine-Saint-Denis, la propagation injuste et stigmatisante d’une épidémie qui affectera alors ces victimes à venir de la double peine « territoriale » – sociale et sanitaire. « Si je ne vois pas […] je ne croirai pas » aurait dit Saint Thomas. Saint Thomas Legrand fait mieux : « je ne veux pas voir… mais je crois ». ■
À lire, à voir ou revoir dan JSF …
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Excellent et vigoureux, comme toujours.
Cela dit, que faire ? Peut-on chaque jour envoyer les forces de l’ordre dans tous les lieux où le confinement n’est pas respecté ? Faut-il ajouter à la difficulté de la période des affrontements potentiellement très violents ? Pourquoi pas, et ce serait peut-être l’occasion de « faire le ménage ». Mais je crains que la police, usée par deux ans de guérillas urbaines, ne veuille pas se faire mettre sur le dos une tâche aussi ardue.
Et puis, voici un. autre problème, relaté ce matin par « Le Parisien » : http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-les-toxicomanes-affluent-dans-le-quartier-de-la-salle-de-shoot-29-03-2020-8290254.php… Je souhaite bien du plaisir à qui doit s’occuper de ça…