par Elisabeth Lévy.
Nous avons aimé une fois encore cet article d’Elisabeth Lévy – sagesse paradoxale, bon-sens et humour mêlés – paru sur l’excellent site Causeur le 22 avril. Il en ressort que devenus homo festivus, réduits au statut de consommateurs infantilisés, nous avons en quelque sorte perdu cet instinct vital, qui bravait jadis le risque, la mort, et courrait l’aventure. Cela nous rappelle cette histoire d’une châtelaine des temps médiévaux que contait Maulnier : elle était assiégée dans son château- fort et l’ennemi avait capturé ses enfants…Les assiégeants s’en virent lui dire qu’ils les tueraient si elle ne se rendait pas : elle souleva son vêtement et leur répondit superbement : « Qu’importe, j’ai le moule ! » Nous sommes loin de ce courage qui n’était au fond qu’instinct vital supérieur au risque. Le retrouverons-nous ? Ce n’est pas impossible. Nécessité fait loi…
Big Mother is watching you
Un pays dont le gouvernement affirme que préserver la santé des citoyens « est la première préoccupation » devrait davantage nous inquiéter.
Imagine-t-on le général de Gaulle dire aux Français « prenez soin de vous » ? Que le Premier ministre ait conclu sa conférence de presse par ces mots autrefois réservés à la vie intime, en dit long sur l’évolution de notre rapport à l’État, une évolution à l’œuvre depuis longtemps, mais que l’épidémie pousse dans ses retranchements.
Nous l’acceptons et en redemandons, l’État est aux manettes, de notre vie collective et de nos existences individuelles : pas l’État autoritaire, oppresseur, pour tout dire patriarcal, mais l’État nourricier et consolant, un État maternant, que le psychanalyste et écrivain Michel Schneider a baptisé Big Mother dès 2002. Cet État qui se manifeste moins par l’autorité que par la bonté répugne à montrer ses muscles quand cela serait nécessaire. En revanche, toute mère angoissée étant à ses heures abusive, il a la sollicitude étouffante et volontiers sermonneuse, comme le montre le zèle avec lequel policiers et gendarmes se sont mis à surveiller et punir des criminels en baskets et autres indisciplinés du confinement.
SOS Français en détresse, j’écoute !
Puisque, comme nous l’a appris Agnès Buzyn, il n’y a plus de différence entre père et mère, disons qu’Édouard Philippe s’est montré très parental, donc un peu professoral sur les bords. Comme tous les parents, il répète pour que ça rentre – « lavez-vous les mains », « le 11 mai ne sera pas le 16 mars ». Et tel un prof soucieux de ne pas perdre le dernier de la classe, il souligne, en les redoublant, les phrases importantes : « la rentrée des classes sera progressive… La rentrée ne se fera pas en un jour ». Comme tout bon parent, nos gouvernants s’inquiètent pour nous. Olivier Véran nous a conseillé d’aller chez le psy si on se sentait mal. Le gouvernement va-t-il ouvrir une ligne « SOS Français en détresse » ? On pense à L’arrache-cœur, ce roman de Boris Vian dans lequel une mère, folle d’angoisse à force d’imaginer les dangers qui guettent ses bambins, finit par les mettre en cage. Allons-nous demander à l’État de nous mettre en cage pour nous protéger ?
Et puis, il y a eu cet aveu : « Préserver la santé des Français est notre première préoccupation ». En conséquence, assurer la continuité de la vie de la nation est seulement la deuxième. Bien entendu, il n’y a rien de choquant à ce qu’on s’inquiète de la santé des Français. Ce qui interroge, c’est que cette préoccupation jouisse d’une primauté de principe : n’est-ce pas la marque de peuples soucieux de sortir de l’Histoire ? Si de Gaulle avait pensé que la santé est plus importante que la continuité de la vie de la nation, il n’y aurait pas eu d’appel du 18 juin. La santé n’est pas une fin en soi, mais une condition du développement individuel et collectif (même si on peut être génial et malade).
Le risque porté disparu
Cependant, il serait injuste de reprocher au gouvernement sa sollicitude. Elle répond en effet à une demande sociale irrésistible et folle de sécurité illimitée. Selon une étude CEVIPOF/Le Monde, 44 % des Français préfèreraient moins de démocratie mais plus d’efficacité.
Dimanche, pendant de longues minutes, ce titre s’est affiché sur BFM : « Écoles : peut-on rouvrir sans risque ? ». Eh bien non, on ne peut pas. Mais, sauf à vivre sous protection intégrale, donc sous perfusion, il faudra bien les ouvrir. Accessoirement, la comparaison avec les soldats qui sortaient des tranchées est un brin indécente. Du reste, il faut se demander pourquoi, à l’inverse des professeurs, les plus âgés refusent, eux, d’avoir la vie sauve au prix de l’assignation à résidence. « Laissez-nous vivre », clament-ils. Ce qui signifie aussi « laissez-nous risquer de mourir ».
Il ne s’agit évidemment pas de laisser agir l’épidémie sans rien faire. Que nous ayons sacrifié l’économie à la santé des plus fragiles témoigne en effet de notre humanité. Que nous refusions aujourd’hui de prendre le moindre risque témoignerait de notre lâcheté : avons-nous demandé aux caissières si elles voulaient risquer leur santé ?
Le gouvernement, pour le coup, ne nous a pas raconté de craques. Il nous a bien expliqué que nous pouvions ralentir l’épidémie, pas l’arrêter. Entre-temps, nous avons dimensionné notre système hospitalier de sorte qu’il puisse accueillir tous les malades. Désormais, comme l’a rappelé Edouard Philippe, nous devons vivre avec le virus. Autrement dit, tous ceux qui ne présentent pas de facteur aggravant vont devoir courir un risque – raisonnable, pas nul.
La peur est légitime. Mais l’histoire humaine est faite de peurs surmontées, de risques affrontés et déjoués. Qu’on soit infirmier, professeur, vendeur ou banquier, on ne peut pas aller travailler sans risque. Et on ne peut pas non plus tomber amoureux, acheter une voiture d’occasion, découvrir l’Amérique ou un vaccin contre la rage sans risque.
Vivre tue. Ce n’est pas une raison pour arrêter. ■
Elisabeth Lévy
fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.
« La vie mourrait si elle n’était pas soutenue, stimulée et alimentée par la mort » Mistral Frédéric
Se confiner, avec ou sans les conseils non avisés de nos gouvernants , c’est simplement l’image de la tranchée du soldat lamda, c’est un temps intemporel qui permet de réfléchir sur ce que l’on fait, et ce que l’on est, sur cette terre, d’apprécier par exemple: que l’on vit mieux à la campagne qu’à la ville.
Malheureusement, la masse populaire a laissé passer l’occasion de cette pose exceptionnelle pour changer notre mode de vie; est ce un manque d’intelligence? Car nous allons comme des brebis sans cervelle repartir dans la folle course à la vitesse et à l’argent. C’est dommage pour la planète qui avait en un mois perdu quarante sept pour cent de la pollution.
Nous n’aurons pas pris le temps de repenser profondément notre mode de vie, et si comme les informations le prétendent , la source du virus semble connu, au moins pour les Américains, le remède est un espoir presque assuré. Nous Français sommes restés figé parce que la classe dominante a peur de perdre tout ce qu’elle a amassé. Alors pour répondre à l’économie mondiale libre, imposée par notre actuel système, la mère poule envoie les enfants au front pour prouver que son idéologie libérale mondiale est indestructible..Clémenceau, Pétain,Daladier, Gamelin et les autres ont fait de même en leur temps. L’histoire s’écrit après…et les Français n’aiment pas l’histoire dommage.
Evidemment
J’ose prolonger…car j’aime bien moi aussi Elisabeth Lévy
Depuis l’antiquité bien des épidémies ont dissous des empires et des cultures, de l’Asie jusqu’au Nord de l’Europe, en passant par les Bretons sur leur île; aucun dirigeant ne les a stoppées.
Par notre actuelle idéologie de l’homme moderne supérieur à la nature , nous sommes prêt à penser que le virus Covid 19 est en voie de s’éteindre, puisque nous sommes les plus forts. Or les épidémies ont montré qu’elles sont souvent résurgentes au moment ou on les a oublié. Il faut plaindre ces cadres parisiens qui passaient des weekend aux antipodes pour retrouver le gris de leurs bureaux le lundi, favorisant la pollution mondiale.
Le confinement n’est autre que l’application du précepte d »Hippocrate, CITO-LONGE-TARDE autrement dit: aussitôt-loin- longtemps. Donc Hippocrate et les médecins disent devant l’épidémie: allez aussi loin que vous pouvez et restez y longtemps. Ce n’est pas dans l’intention de nos illustres dirigeants, qui poussés par le monde du fric,se servent des enfants pour démonter la supériorité des hommes sur le fléau. Coup de Poker sur le risque, pour les enfants et pour les adultes.
Quant le Prince préconise de retrouver la constitution du Général, il nous indique la démarche à suivre.
J’observe que le confinement fait taire les commentaires??? Sont ils partis en Espagne…