Par Rémi Hugues.
Réflexions, variations, autour du livre de Pierre de Meuse « Idées et doctrines de la Contre-Révolution ». Suite de 21 articles à paraître les jours prochains, sauf le weekend.
Parmi ces ouvrages qui constituent une totalité*, lʼon peut désormais mentionner un essai publié par DMM (Dominique Martin Morin), lequel essai est intitulé Idées et doctrines de la Contre-révolution.
Sa thèse peut se résumer ainsi : de la Révolution a accouché la modernité, et face à ce rouleau compresseur se dresse un parti qui sʼattache à préserver la Tradition : cette « habitude […], selon les mots mêmes de Maurras, est un lien solide autant quʼil nʼest point aperçu » (p. 33), si ce nʼest la restaurer.
Cette noble coterie, cʼest le parti de la Contre-révolution, qui va de Burke à Molnar [Photo], dont le dessein consiste à substituer la solidarité organique à la solidarité mécanique – pour reprendre les catégories « durkheimiennes », ou, dit autrement, de réaliser lʼ « accomplissement dʼun cycle (apocastacase) » (p. 24), mais au sens contraire bien compris, ce qui signifie revenir à la « communauté » (Gemeinschaft) en lieu et place de la « société » (Gesellschaft), qui est le lieu de la recherche par chacun de lʼutile qui est le sien [1], lʼordre naturel de la vie sociale, lʼharmonie primordiale qui graduellement, au gré de la circulation de la roue du temps, sʼest étiolée.
Sur ce point, Pierre de Meuse se distingue de Marcel Gauchet, qui, dans La démocratie contre elle-même, pose que la modernité produit une opposition qui est divisée contre elle-même, ce qui donne un schéma ternaire (libéralisme / socialisme / nationalisme) qui diffère de la configuration binaire – le combat entre révolution et contre-révolution – adoptée par Pierre de Meuse.
Ce dernier écarte ainsi lʼidée selon laquelle lʼopposition au processus universel de modernisation est duale, partagée entre lʼopposition révolutionnaire à la Révolution, le communisme, et lʼopposition contre-révolutionnaire à cette même Révolution, qui adresse à celle-ci ses griefs en ces termes :
« Toi, la Révolution, tu es contre-nature, tu as anéanti les principes dynastiques, hiérarchiques et religieux, tu es la manifestation dʼun complot contre lʼhomme initié par le princeps hujus mundi. »[2]
Un autre éminent contre-révolutionnaire, Joseph de Maistre, a justement souligné la dimension satanique de la Révolution, confondant dans le même opprobre membres de la « secte philosophiste » et partisans de lʼ « illuminisme munichois ». [À suivre demain jeudi] ■
[1] Lire à ce propos le livre fondamental de Dominique Colas, Le glaive et le fléau. Généalogie du fanatisme et de la société civile, Paris, Grasset & Fasquelle, 1992, pp. 11-13.
[2] Thèse évoquée par exemple par Tocqueville dans LʼAncien régime et la révolution (1856).
* Un viatique pour les années 2020 [1]
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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