Par Jean Sévillia
Double centenaire : en 1920, l’Église canonisait la pucelle d’Orléans
et l’État instituait en France une fête nationale de Jeanne d’Arc.
Confinement oblige, les Fêtes Johanniques d’Orléans, qui, chaque printemps, drainent une foule immense et associent autorités civiles, militaires et religieuses, ont été reportées après l’été. En 2020, ces festivités devaient marquer un double centenaire : d’une part celui de la canonisation de Jeanne d’Arc, à Rome, le 16 mai 1920, par le pape Benoît XV, la fête liturgique de la sainte ayant été inscrite au 30 mai dans le calendrier de l’Église catholique ; d’autre part, le centenaire de la promulgation de la loi du 10 juillet 1920, votée à l’unanimité du Parlement, instituant une « fête nationale de Jeanne d’Arc, fête du patriotisme », qui serait célébrée chaque année le deuxième dimanche de mai — soit, en 2020, le dimanche 10 mai.
Modèle de sainteté pour les catholiques, héroïne française pour les patriotes, emblème politique pour une tradition nationaliste courant de Maurras à Le Pen, symbole du peuple pour Michelet et une lignée qui ira jusqu’aux communistes et au trotskiste Daniel Bensaïd, Jeanne d’Arc est une figure si riche qu’elle peut être abordée à travers les multiples facettes de ce qu’elle fut réellement.
Des spécialistes de Jeanne d’Arc, nous n’en manquons pas : Colette Beaune, Philippe Contamine, Olivier Bouzy, Xavier Hélary, Gerd Krumeich ou Jacques Trémolet de Villers. Tous doivent beaucoup, et le reconnaissent, même si cet hommage s’accompagne chez certains d’une prise de distance, au travail accompli naguère par Régine Pernoud (1909-1998).
Chartiste, archiviste-paléographe et docteur en histoire, cette médiéviste fut l’auteur de très nombreux ouvrages dans lesquels, à l’intention du grand public, elle réhabilitait la civilisation du Moyen Âge contre les préjugés. Elle fut aussi, de 1974 à 1985, la directrice du Centre Jeanne d’Arc, à Orléans. À l’héroïne, l’historienne avait consacré pas moins de neuf livres, tous fondés sur des sources de première main. « S’il n’est pas de cause qui ne l’ait revendiquée, écrivait-elle, n’est-ce pas parce que chacun se découvre une façon de l’aimer ?» Tel fut l’immense mérite de Régine Pernoud : ouvrir la voie aux chercheurs sans décourager ceux pour qui la bergère de Domrémy brûlée à Rouen est seulement un personnage dont l’aventure fait rêver, et parfois pleurer. ■
Jeanne d’Arc, de Régine Pernoud, 1981. Disponible chez Artège Poche.