Il fut un temps pas si lointain – le rédacteur de ces lignes l’a vécu – où il était assez mal vu à l’Action française – parfois interdit – de citer Georges Bernanos. C’était la survivance de querelles anciennes que l’on n’avait pas su surmonter. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Bernanos est très présent, très commenté, très louangé aujourd’hui à l’A.F. et, bien-sûr, au-delà. Mais en parle-t-on toujours en connaissance de cause ?
Je Suis Français a choisi de remonter aux sources de la relation entre Georges Bernanos, Charles Maurras et l’Action française dans son ensemble, en publiant de larges extraits de l’évocation qu’en donne Henri Massis* dans son Maurras et notre temps. Massis a vécu les événements qu’il relate de très près, il en a été l’un des acteurs, très proche des protagonistes. C’est, à notre sens, une source incontournable pour qui veut savoir et comprendre.
* Henri Massis – Wikipédia
« Mourir toute sa mort ! »
Ce n’était pas l’au-delà qui inquiétait ce moribond, c’était la terre, la terre où il avait tant peiné, où il laissait sa femme et ses enfants, la terrible terre, le « doux royaume de la terre qu’il aimait plus qu’il n’avait jamais osé le dire »…
Ah! que le pauvre Bernanos avait donc du mal à s’en dégager, à se dégager de son temps ! Le prêtre qui l’assistait en fut témoin (1). « Bien qu’il n’y eût aucune commune mesure entre les heures que nous étions en train de vivre devant Dieu et les affaires politiques, nous dit l’abbé Pezeril, Bernanos eût tout de même souhaité en parler ! » Les médecins l’avaient déconseillé, ayant pu voir dans quel état les « propos d’actualité » mettaient leur malade ! Peu après son opération, il avait suffi pour le « foutre en colère » que tombât sous ses yeux un malheureux journal, où Bernanos crut entrevoir que certains espéraient restaurer la grandeur de la France… par l’importation de tracteurs américains : « Et l’âme du pays, s’écria-t-il, et l’âme du pays ? Ils n’ont donc rien compris ? »
Entre une Vie de Jésus qu’il avait commencé d’écrire et une oeuvre de polémique, cette Encyclique aux Français dont il avait rédigé le début, Bernanos se demandait encore laquelle il publierait la première, si Dieu voulait qu’il guérît « Encyclique ? disait-il... Voilà que je me mets à faire -le Pape. Mais, après tout pourquoi le Pape ne parle-t-il pas ? On n’a qu’à mettre les hommes debout et ils marchent, ils n’aspirent qu’à une seule chose : être commandés. D’ailleurs on l’a bien vu à la guerre… » Et Bernanos d’ajouter : « Moi-même je n’aspire qu’à obéir. Que le Pape parle et je serai le premier à marcher. ». « Pourtant, dit l’abbé Pézeril, Bernanos n’était pas prêt à vivre; il était dans un rôle de partant. » (À suivre) ■
(1) Voir in Georges Bernanos, les pages bouleversantes et belles de l’abbé Pezeril : Bernanos à sa mort (pp. 341 – 358)