Par Rémi Hugues.
Jean Heffer, dans Les États-Unis et le Pacifique, fait remarquer que « les Californiens ont tendance aujourd’hui à se considérer comme le nombril du monde. »[1] Depuis le déclenchement de la crise du Covid-19 les experts de lʼéconomie et de la finance sʼaccordent à dire que les grands gagnants de la mise en confinement du monde occidental et de la fermeture des frontières nationales sont les GAFAM.
Lʼétat dʼurgence sanitaire, qui a généralisé lʼobligation pour pratiquement tous de rester chez soi, a conduit à augmenter lʼusage dʼinternet – pour le télétravail, les loisirs –, et donc des réseaux sociaux et des plate-formes de visioconférence (Zoom a littéralement percé). Également, nécessité de distanciation sociale oblige, la livraison à domicile a explosé, en particulier pour ce qui concerne les marchandises vendues dans les enseignes qui ont dû fermer, mais surtout, puisque lʼon trouve pratiquement tout dans les supermarchés, parce que cela évite de côtoyer dʼautres personnes.
Pour Amazon et consorts, on pense aussi à Netflix – qui, en diffusant la saison 1 de la série Messiah a su habilement jouer sur les croyances dʼordre eschatologique que ne manque pas dʼinstiller dans la psychê collective de notre humanité hyper-connectée et globalisée, la pandémie ; pour beaucoup, pris par un sentiment dʼespérance rien de moins que messianique, cʼest béni soit le coronavirus !
Ce constat, le journaliste Philippe Lalloux lʼa souligné dans un article du média belge Le Soir, dont le titre est « Gafam : le casse du siècle »[2]. Cʼest un braquage à la Spaggiari, clairement !
Plus largement, la Californie a vu son leadership se consolider, la plupart des GAFAM y ayant leur siège social. Cʼest incontestablement à lʼheure dʼaujourdʼhui le nombril du monde, la Jérusalem des temps coronaviraux, le cœur de la toile, de la rete, globale…
Gageons que cet état fédéré des USA, au climat très doux, très agréable, très méditerranéen en somme, serve de modèle à un maximum dʼentrepreneurs français qui pourraient faire de la Provence une « petite sœur » californienne, ce qui représenterait une metanoïa, – dans le sens dʼun retour à soi – géographique, dans la mesure où la Californie, pour le reste du monde, avant dʼêtre la Silicon Valley, ce fut dʼabord Hollywood[3], qui, rappelons-le, trouve son origine dans La Ciotat et sa gare immortalisée par les frères Lumières.
Justement, cette lumière, ce ciel provençal presque toujours radieux, est un atout considérable, pour le cinéma, mais pas seulement. Le soleil est une source dʼénergie, cela va sans le dire, et donc une ressource importante, qui permettrait dʼêtre lʼassise dʼune politique de réindustrialisation dʼun bassin qui a subi des délocalisations par vagues entières à partir des années 1980, mais où il reste des sites hautement stratégiques, notamment à proximité de lʼétang de Berre.
Les Chinois ne se sont pas trompés en choisissant Marseille comme lieu de transit de leurs biens manufacturés, le textile en particulier, le MIF 68, situé dans les quartiers nord[4]. Dʼailleurs, si vous allez à la messe de la magnifique chapelle du Tapis Vert, vous vous trouverez dans le China Town marseillais, qui est, chacun en conviendra, minuscule. À Fos-sur-Mer, le géant chinois Qechen Silicon Chemical vient de sʼimplanter[5].
Nous invitons nos lecteurs intéressés par ce sujet à regarder cette conférence du sulfureux – plus à cause de son eugénisme darwiniste que son « maréchalisme » – Laurent Alexandre, qui le 14 septembre 2017, avait été lʼinvité dʼune conférence au titre accrocheur, un brin provocʼ même : « L’intelligence artificielle mettra-t-elle à mal Aix-Marseille ou au contraire sera-t-elle un fabuleux booster pour ce territoire que l’on décrit comme la Californie de l’Europe ? » * ■
* https://www.youtube.com/watch?v=d2n57YEK2XE
[1]Jean Heffer, Les États-Unis et le Pacifique. Histoire dʼune frontière, Paris, Albin Michel, 1995, p. 14.
[2] https://plus.lesoir.be/299710/article/2020-05-09/gafam-le-casse-du-siecle
[3] Edgar Morin, dans Le monde moderne et la question juive, note quʼ « Hollywood est une création de petits juifs immigrés de lʼEst européen, vivant de petits métiers. », Paris, Seuil, 2006, p. 133. La Paramount a été fondée par Adolphe Zukor, Universal par Carl Laemmle, Warner Bros par les frères Warner, Goldwin-Mayer par Louis Mayer et Samuel Goldwin, 20th Century Fox par William Fox et Columbia par Henry Cohn. Morin conseille la lecture dʼun essai de Neal Gabler intitulé Le Royaume de leurs rêves.
[4] http://m.lamarseillaise.fr/bouches-du-rhone/economie/72868-un-geant-chinois-s-installe-sur-le-port-de-fos-sur-mer
[5 ]https://madeinmarseille.net/22039-international-fashion-center-68/
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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