Il nous faut suivre l’évolution du monde. Economique, politique, géopolitique. Et aussi, l’évolution des esprits qui l’observent avec quelque compétence, culture historique, connaissance du terrain, bon sens. Il nous semble que François Lenglet est de ceux-là. Son livre Tout va basculer paru il y a à peine un peu plus d’un an, a fait grand bruit. Sa thèse a été amplement médiatisée, discutée. La crise économique de grande ampleur que nous vivons n’a fait que confirmer et activer les évolutions qui déjà, selon lui, s’annonçaient. A-t-il en tous points raison ? Il serait dérisoire de le penser. Mais plus encore, pour ce qui nous concerne, de nous en désintéresser. Je Suis Français vous propose donc à dater de ce jour une suite d’analyses reprises de son ouvrage. Ce sont des citations limitées, choisies. Elles dessinent néanmoins les contours de sa thèse qui ne sont pas sans rapport avec notre propre ligne politique. Nous recommandons bien-entendu la lecture du livre lui-même.
Alcoolique en manque
Cette montée des périls politiques se double d’une menace économique, le retour de la crise financière. Retour, car c’est toujours la même qui frappe à notre porte. Celle de 2008-2009, qui n’a eu ni terme ni résolution. Elle avait été causée par un excès d’endettement, nous l’avons calmée avec un surcroît d’endettement. Loin d’avoir fait cesser la cause, nous l’avons entretenue. Exactement comme un alcoolique calme une crise de manque avec un bon whisky. Depuis le krach de 2008, la dette mondiale a progressé d’un tiers, lorsqu’on la mesure en pourcentage de la richesse créée chaque année sur la planète. Les records se succèdent, et se résument tous en ces quelques mots : jamais la dette n’a été aussi élevée en temps de paix.
Comme toujours, elle se concentre autour de quelques nœuds de l’enchevêtrement de liens financiers qui maillent la planète avec une trame plus ou moins serrée selon le développement des pays. Ce sont les grandes entreprises qui ont accumulé des dettes considérables, ainsi que les États. Les États-Unis, le Japon et surtout la Chine, dont on ne connaît pas précisément les risques car ils ont été pour partie dissimulés. Avec bien sûr certains États européens, l’Italie et la France.
Il y a dix ans, pour éviter un effondrement de l’économie comparable à celui de l’entre-deux-guerres, les dirigeants mondiaux ont garanti les dettes accumulées et relancé la croissance avec de nouveaux emprunts publics. Une fuite en avant dans laquelle il a fallu mobiliser également les banques centrales, le cœur du système capitaliste. Elles aussi se sont endettées pour soulager l’économie.
Tout l’espoir des initiateurs de cette opération sans précédent dans son ampleur était que l’économie mondiale allait retrouver son cours habituel : la croissance et l’inflation auraient vite fait d’éroder le stock de dettes. Mais il n’en a rien été. NI dans la zone euro ni au Japon. Aux États-Unis, l’activité est bel et bien repartie, mais pas suffisamment, et c’est le budget fédéral qui a pris le relais de la banque centrale, avec les baisses d’impôt décidées par le président Trump. De la dette. Encore et toujours.
En zone euro, malgré les milliers de milliards injectés dans les circuits, il n’y a eu qu’une reprise faiblarde. En France particulièrement : un peu plus de 2 % seulement en 2017, après des années de croissance zéro. En Amérique, la confiance des investisseurs et des ménages est fragile, au début 2019. En Chine, le régime de croissance s’amenuise d’année en année. Un ralentissement synchronisé sur tous les continents se profile pour l’année qui vient. Une perspective d’autant plus inquiétante que nous n’avons plus guère d’armes anti-récession, contrairement à 2008. Les taux d’intérêt sont faibles, quand ils ne sont pas au plus bas comme en Europe et au Japon. Ils ne peuvent donc être réduits. Quant à l’arme budgétaire, elle est usée à force d’avoir servi. Nous nous trouvons dans la situation d’un chasseur qui traverse une forêt la nuit, alors qu’il a tiré toutes ses cartouches — mieux vaut qu’il ne croise pas un ours. (A suivre, demain vendredi). ■
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