Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Quelles qu’en soient les conséquences ou les inconséquences, la décision de M. Trump concernant l’O.M.S. – financée à hauteur de 20% par les Etats-Unis – s’inscrivait dans l’exacerbation de la rivalité sino-américaine. C’était en mai.
Le président américain (bien secondé, en l’occurrence, par son secrétaire d’Etat, M. Pompeo) vient de récidiver avec l’injonction faite à la Grande-Bretagne de « choisir son camp », c’est-à-dire de s’aligner ou pas sur les Etats-Unis dans leur différend avec la Chine. Surprenant lorsqu’on connaît la proximité fusionnelle des deux pays en matière militaire et géopolitique.
Et voici M. Johnson mis en demeure d’exclure ou pas de son marché l’équipementier en télécommunication Huawei. Ce qui signifie, la Chine ayant immédiatement réagi, de choisir entre deux maux : être privé par les Américains de l’accès au réseau « Five Eyes » de renseignement des cinq principaux pays anglophones ou renoncer à la participation chinoise aux projets de construction de centrales nucléaires et d’une ligne TGV en Grande-Bretagne. Cornélien pour Londres mais sans doute inquiétant car annonciateur d’une attitude qui pourrait bientôt concerner d’autres pays d’Europe. Et peut-être même la France qui, sauf à se renier, se doit (se devrait) de maintenir au mieux une politique étrangère indépendante.
Cependant, toujours dans le registre de la provocation, la toute dernière sortie de M. Trump est d’un autre ordre puisqu’elle remet en cause avec une brutalité certaine le concept même de supranationalité. Voici donc Mme Bensouda, juriste gambienne, devenue par on ne sait quelle grâce Procureur général de la Cour pénale internationale de La Haye, menacée (ainsi que ses collaborateurs) de sanctions économiques par l’administration américaine, au motif que ladite Cour envisage la possibilité d’enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par l’armée américaine en Afghanistan. Il est évident que des crimes, on en trouvera : peut-on imaginer qu’une vraie guerre, bien moderne, puisse en être exempte ? De même, on rappellera volontiers que les Américains ont su imposer une forme de « justice internationale » en 1945, mais c’était justement une justice (ponctuelle) et la justice des vainqueurs (…).
Aujourd’hui, il s’agit de la prétention de certains pays membres de l’Onu (dont la France, hélas) mais pas de tous (Chine, Etats-Unis, Russie, etc. n’ont pas signé le traité de 2002 instituant la Cour) de faire rendre à la demande une justice supranationale. « Les actes de la Cour pénale internationale […] menacent d’empiéter sur notre souveraineté nationale » dit la Maison Blanche. Et elle a raison. « Ces attaques constituent […] une tentative inacceptable de porter atteinte à l’État de droit et aux procédures judiciaires de la Cour » rétorque la Cour. Et elle a tort. Cet « Etat de droit » international n’est en effet qu’un fantasme de l’idéologie mondialiste, car un droit qu’aucun pouvoir ne garantit paraît bien aléatoire.
Il fut un temps où le pape de Rome avait la prétention et les moyens d’imposer sa justice. Ce temps est révolu et Mme Bensouda n’a rien d’un pape de Rome. Aucun pays souverain ne peut accepter d’être jugé par un « tribunal bidon » (l’expression est de M. Pompeo). Nous en convenons et trouvons pour le coup, et une fois n’est pas coutume, plutôt sympathique la réaction américaine. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
Retrouvez les Lundis précédents de Louis-Joseph Delanglade.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Moi aussi je donne raison à l’Amérique de Donald TRUMP, car dès qu’il sera parti, les progressistes ( démocrates, le parti de l’âne, ça ne s’invente pas) recommenceront leur politique anti nationale. La France, à part l’excellente réaction de Dominique de VILLEPIN à l’ONU en 2003, est toujours du côté du soi disant progrès qui ne vise qu’à abattre l’Homme Blanc. A quand en fin une politique de protection des intérêts nationaux??????
Basculement stratégique
Le Droit International n’est pas un Droit de type régalien appuyé sur le recours à la force, mais le résultat d’un consensus qui ne tient que par la volonté des participants d’en respecter les principes. On parle plus volontiers dans ce domaine, d’arbitrage, au demeurant fort utile dans bien des cas, que de décision de justice. Le Droit pénal, qui n’est autre que l’expression de la volonté politique des Etats, à un moment donné, en est le privilège, ajoutant au concept de la responsabilité celui de la culpabilité. Il est de toutes les forme de Droits celui le moins partageable avec d’autres. La CPI fut le résultat d’une volonté politique, principalement US, après la seconde guerre mondiale de mettre sur pied une forme organisationnelle pour juger les responsables nazis, afin de les faire condamner pour génocide. On remarquera avec intérêt la limitation géographique de sa compétence à l’époque, qui s’arrêta au front européen, avec le procès de Nuremberg, mettant ainsi en relief le caractère non-mondial de ses réelles attributions. Le nouvel élan pris après la victoire de 1945, par les Institutions internationales pour créer un ordre planétaire sous l’égide des Nations Unies devait conduire dans l’esprit de ses concepteurs sous le contrôle de l’OTAN, à remplacer la défunte SDN, en créant une forme de multilatéralisme américain, en fait un contrôle commercial de l’Europe par l’EU, et de la zone pacifique, avec un Japon sous tutelle. Le contrôle du pétrole était alors directement assumé par la puissance US, à travers ses relations bilatérales étables depuis 1943 avec la famille régnante d’Arabie saoudite. L’évolution de cet ordre a été logiquement modifiée par l’effondrement de l’URSS, l’émergence de la Chine, de l’Inde, et de la Russie, qui ont créé les conditions d’une recomposition du pouvoir international au détriment de la puissance et des intérêts US. La dérive naturelle des formes administratives institutionnelles tendant à favoriser leur survie plutôt que leurs objectifs, celles-ci tendent à être aujourd’hui redirigées par les compétiteurs des Etat Unis d’Amérique vers une réduction du pouvoir de ces derniers, afin de les contraindre aux règles établies à l’origine pour les servir. Elles sont donc devenue inutiles, voire nuisibles, aux yeux de leur créateurs, pour qui elles n’ont jamais été une fin en soi, mais un moyen de diffuser leurs idées, leurs conceptions à travers leur puissance commerciale et militaire. Pragmatiques, les USA ont privilégié une domination de plus de 75 ans sur le monde par le consensus et le Droit assis sur la puissance, quand dans la même période l’URSS n’a pu se maintenir par la contrainte politique, policière et militaire. Les évolutions géopolitiques qui président aujourd’hui au nouvel affrontement de blocs, les portent à tourner la page, en supprimant les scories d’un ordre défunt, pour ajuster leur dispositif mondial aux nouvelles contraintes internationales. La CPI, comme d’autres organismes, est entrée dans le déclin de sa raison d’être, jusqu’à l’insignifiance, pour le temps d’une recomposition stable de l’ordre mondial qui conduira les grands joueurs à la ressusciter, pour à nouveau les servir, et tout le monde paraitra ravi de faire semblant d’y croire.