Par Rémi Hugues.
Les troubles révolutionnaires s’intensifient en Occident. Les événements encore en cours à Paris, Dijon et autres villes françaises secouent notre pays et ébranlent ses fondements même. Cette étude de Rémi Hugues, reprise d’une partie de sa recension de l’ouvrage de Pierre de Meuse Idées et doctrines de la Contre-Révolution, analyse le parti de la Révolution à partir de la devise « Liberté, égalité, fraternité ». Dans le titre donné à cette étude, N.O.M. veut dire Nouvel Ordre Mondial, formule notamment utilisée par Geoge Bush père lors de son fameux discours du 11 septembre 1990. Rémi Hugues se réfère ici aux fondements idéologiques et historiques de la Révolution, jusqu’en leurs plus actuelles manifestations.
Du pouvoir contemporain qui règne sur le globe
Si lʼon veut actualiser pour notre temps la théorie maurrassienne des « quatre états confédérés », ou pour le dire autrement, sʼessayer à dévoiler la nature véritable du Pouvoir contemporain – lʼignoble coterie de la Révolution pour parler sans ambages – qui sʼexerce à présent sur une échelle planétaire, il faut se rappeler que Charles Baudelaire a été le traducteur dʼEdgar Poe, lequel, dans sa nouvelle La Lettre volée 1 soutient que cʼest dans ce qui est le plus visible, ce qui – littéralement – crève les yeux, que réside lʼeffectivité, cʼest-à-dire la manifestation de lʼétant, ou être en tant quʼêtre.
Le secret, dans lequel la vérité trouve son ineffable fondement, nʼest pas enfoui mais au contraire nous aveugle, comme lorsque lʼon regarde en face le soleil lʼon perd notre capacité de voir, comme le fit remarquer quelque part Grégoire de Nysse dans La création de lʼhomme.
La pleine luminosité ne signifie pas la visibilité totale mais lʼobscurité totale, conformément à cette loi centrale de la philosophie qui veut quʼil y ait une équivalence des contraires 2.
Les autorités républicaines nous « balancent » à travers leurs publications officielles ces trois vocables : « Liberté », « Égalité », « Fraternité », nous révélant ainsi quels sont trois ordres de la transgression. À chaque mot correspond une organisation politique précise, un moment révolutionnaire précis.
La Révolution est une succession ternaire, cumulative. Le nouveau terme ne remplace pas le précédent, il sʼy greffe, renforçant par là la machination, la subversion, quʼest lʼentreprise révolutionnaire.
Liberté, dʼabord : to be free en anglais. À rapprocher de franc, synonyme de libre. On retrouve ici la franc-maçonnerie, qui, dans sa version « spéculative » naquit en 1717 à Londres-Westminster. La révolution de 1789 a été son grand fait dʼarmes.
Page 136, Pierre de Meuse, dans Idées et doctrines de la Contre-révolution (Paris, DMM, 2019) écrit : « Dans ses Mémoires, important ouvrage en 5 volumes, lʼabbé Barruel, qui avait combattu les Lumières depuis plusieurs décennies, entend démontrer que la Révolution a été préparée et réalisée par un certain nombre dʼorganismes plus ou moins clandestins, notamment les illuminati, les loges maçonniques, les sociétés de lecture et de pensée, essentiellement antichrétiens et antimonarchistes. »
La franc-maçonnerie est une forme dégradée, une parodie, des ordres médiévaux de maçons et architectes, qui bénéficiaient dʼune liberté de circulation du fait de leurs compétences très recherchées. Les bâtisseurs de Notre-Dame de Paris, qui, bien évidemment, faisaient partie de cet ordre, ont laissé des messages gravés sur la pierre.
Notamment Cybèle, qui est une femme représentant la mère des initiés, lʼéquivalent romain de Gé-Déméter, dont le culte amenait, concernant ses prêtres, à lʼémasculation. Ce qui explique peut-être que lʼÉglise de Rome transforma cette pratique particulièrement atroce et barbare en castration symbolique – le célibat des prêtres –, alors que lʼÉglise orthodoxe est plus souple en la matière.
Cette statue dispose de deux livres : lʼun ouvert, lʼautre fermé. Le premier renvoie à lʼexotérisme, le second à lʼésotérisme.
La Révolution dispose, à ce propos, deux « contre-Églises ». Lʼune est hermétique et lʼautre est ouverte. La première est la franc-maçonnerie, la seconde est de création plus récente : la League of Nations (fondée en 1920) puis lʼO.N.U. (créée en 1945). Ces deux organisations ont pour point commun de fonctionner sur une base universelle. La première est un réseau transnational ayant conduit de façon décisive à la naissance de la seconde.
Parmi les Pères fondateurs des Nations unies, on peut citer René Cassin, dont une loge porte le nom, celle-ci appartenant à Grande Loge de France (G.L.F.)3. Même sʼil y a une grande variété dʼobédiences, les coteries maçonniques sont les héritières, depuis quʼelles sont passées de lʼopération à la spéculation, des cultes à mystère de lʼAntiquité. Mais ses enseignements sont des résidus, cʼest-à-dire des connaissances dégradées, une tradition falsifiée en somme.
Le premier cycle de la révolution fut ainsi ouvert, se poursuivant en 1830, 1848 et 1871, avec, progressivement, une dimension de plus en plus socialisante, voire communisante.
Sans nul doute, Marx fit une excellente synthèse de ce cycle inaugural dans La guerre civile en France. En voici un abrégé :
« Le pouvoir centralisé de l’État, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan de division systématique et hiérarchique du travail, date de l’époque de la monarchie absolue, où il servait à la société bourgeoise naissante d’arme puissante dans ses luttes contre le féodalisme.
Cependant, son développement restait entravé par toutes sortes de décombres moyenâgeux, prérogatives des seigneurs et des nobles, privilèges locaux, monopoles municipaux et corporatifs et Constitutions provinciales.
Le gigantesque coup de balai de la Révolution française du XVIIIème siècle emporta tous ces restes des temps révolus, débarrassant ainsi, du même coup, le substrat social des derniers obstacles s’opposant à la superstructure de l’édifice de l’État moderne.
Celui-ci fut édifié sous le premier Empire, qui était lui-même le fruit des guerres de coalition de la vieille Europe semi-féodale contre la France moderne. Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, le caractère purement répressif du pouvoir d’État apparaît façon de plus en plus ouverte.
La Révolution de 1830 transféra le gouvernement des propriétaires terriens aux capitalistes, des adversaires les plus éloignés des ouvriers à leurs adversaires les plus directs.
Les républicains bourgeois qui, au nom de la Révolution de février, s’emparèrent du pouvoir d’État, s’en servirent pour provoquer les massacres de juin, afin de convaincre la classe ouvrière que la république « sociale », cela signifiait la république qui assurait la sujétion sociale, et afin de prouver à la masse royaliste des bourgeois et des propriétaires terriens qu’ils pouvaient en toute sécurité abandonner les soucis et les avantages financiers du gouvernement aux « républicains » bourgeois.
La forme adéquate de leur gouvernement en société par actions fut la « république parlementaire », avec Louis Bonaparte pour président, régime de terrorisme de classe avoué et d’outrage délibéré à la « vile multitude ». L’exécutif, en la personne de Louis Bonaparte, les chassa.
Le fruit naturel de la république du « parti de l’ordre » fut le Second Empire.
L’antithèse directe de lʼEmpire fut la Commune. Si le prolétariat de Paris avait fait la révolution de Février au cri de « Vive la République sociale », ce cri n’exprimait guère qu’une vague aspiration à une république qui ne devait pas seulement abolir la forme monarchique de la domination de classe, mais la domination de classe elle même.
La Commune fut la forme positive de cette république. Paris, siège central de l’ancien pouvoir gouvernemental, et, en même temps, forteresse sociale de la classe ouvrière française, avait pris les armes contre la tentative faite par Thiers et ses ruraux pour restaurer et perpétuer cet ancien pouvoir gouvernemental que leur avait légué l’empire. »
Outre la France et lʼAngleterre, la « Liberté » a pour foyer les États-Unis, avec sa statue éponyme qui accueillit, après les Grandes Découvertes et depuis lʼUpper Bay de la « Grosse Pomme », les migrants venus tenter leur chance dans le Nouveau Monde. Les « States » ont été justement fondés par des franc-maçons, en premier chef le Père fondateur George Washington.
Si le foyer originel du parti de lʼÉgalité, lʼU.R.S.S., a aujourd’hui disparu, grâce à la ténacité exemplaire du peuple russe, qui, après de longues décennies de résilience, a su admirablement remettre aux devants de la scène son âme chrétienne orthodoxe, il nʼen reste pas moins que la deuxième puissance mondiale, la République populaire de Chine, est une république communiste, et à proximité dʼelle se trouvent le Vietnam et ses presque cent millions dʼhabitants, ainsi que la Corée du Nord, dont le régime, curieusement, a renoué avec sa tradition nationale – le juche – et pratique le principe dynastique, de Kim Il-sung à Kim Jong-un en passant par Kim Jong-il.
Enfin, la « Fraternité » : un mouvement politique transnational sʼest considérablement développé au XXIème siècle. On retrouve dans le nom de cette organisation quelque chose qui renvoie à la « fraternité ».
Les Frères musulmans ont été fondés en 1928 par Hassan al-Bannah. Après avoir végété durant de longues années, écrasés quʼils étaient par le baasisme et le panarabisme, ils ont pris une part active aux soi-disant « printemps arabes », qui affectèrent lʼAfrique du nord et le Proche-Orient à partir de 2011.
Et nous vivons aujourd’hui les effets de ce troisième cycle révolutionnaire, du Yémen au Liban en passant par lʼIrak. Tout a commencé en Tunisie, pour se poursuivre en Égypte, en Libye, au Bahreïn et en Syrie.
À chaque fois les Frères musulmans prennent une part décisive au renversement des dictateurs en place, que ce soit Ben Ali, Moubarak ou Khadafi. Le vaillant al-Assad est le rescapé miraculeux de cette curée à la sauce arabo-musulmane. En Tunisie et en Égypte des membres des Frères musulmans sortirent vainqueurs des scrutins de sortie de crise. Le parti Ennahda pour le premier pays, Morsi pour le second. Toutefois la gestion erratique des Frères musulmans égyptiens conduisit, à lʼété 2013, à une contestation majeure, qui amena al-Sissi, à prendre les rênes du pouvoir.
Le parti de la Fraternité, qui, potentiellement, pourrait sʼétendre des rives atlantiques du Maroc aux archipels dʼIndonésie et de Malaisie, voit, au sein du monde musulman, un ennemi de taille, lʼIran, dont la révolution islamique de 1979 ne relève en rien du processus révolutionnaire, mais contre-révolutionnaire, ou du moins partiellement.
À ce sujet, notre auteur note : « La Révolution islamique (chiite) se présente tout autant comme une contre-révolution que comme une révolution, puisque Khomeiny voulait rétablir – et lʼa dans une large mesure effectué – les fonctions données au clergé dans lʼancien régime : tribunaux, fondations, enseignement.
De même lʼidentification retrouvée dans la nation iranienne multi-millénaire avec lʼislam chiite dans sa complexité est une œuvre de la Révolution islamique de 1979. On peut même observer que la distinction établie par Marcel Gauchet entre lʼ « hétéronomie » des sociétés traditionnelles et lʼ « autonomie » de la modernité sʼapplique parfaitement à lʼIran actuel.
En effet, lʼidée que le monde nʼest pas totalement soumis à la volonté de lʼhomme, mais reste plus ou moins incontrôlable par lui et une notion commune à la Contre-révolution doctrinale et à la pensée des mollahs. Du reste, la conception du Velayat e faqih qui sous-tend le régime islamique actuel nʼest rien dʼautre que lʼancienne idéologie royale des souverains Qadjar, dans laquelle la fonction royale a été remplacée par le Guide religieux.
Le Velayat e faqih, que lʼon traduit généralement par la « Régence du Vicaire », est une forme politique destinée à sacraliser le pouvoir temporel, celui-ci nʼétant que lʼexpression du pouvoir spirituel. Lʼélaboration de ce concept par les Shahs Qadjârs remonte à lʼétablissement de cette dynastie à lʼextrême fin du XVIIIème siècle, pour en finir avec une période de vingt ans de désordres après la dépossession de la dynastie séfévide, qui avait fait du chiisme la religion de la Perse. Bien entendu la dynastie des Reza, après le renversement des Qadjârs, renversa également cette idéologie de pouvoir, avec un régime laïque à la Mustapha Kemal. » (p. 199)
Quant au kémalisme, qui trouve son origine dans la révolte des Jeunes-Turcs, appartient au premier cycle de la Révolution – celui de 1789, de la Liberté – tandis que la Turquie dʼErdogan est très liée aux Frères musulmans. Cʼest même la première puissance, le foyer en somme, du parti de la Fraternité.
Contrairement à ce que lʼon pourrait croire, les Frères musulmans forment lʼaile « libérale » de lʼislam politique, non son aile « radicale ».
« Le réformisme islamique est né dans la même période que le réformisme politique, et ses acteurs principaux sont liés, eux aussi, la maçonnerie. Ce que lʼon verra en Occident à lʼidentique où le messianisme social diffusé par les Loges se divisent entre socialistes révolutionnaires, sociaux-démocrates et communistes, soit entre réformistes et partisans de la Terreur comme instrument politique. Terreur que mirent en œuvre à large échelle les Jeunes Turcs à partir de 1915 », explique Youssef Hindi.4
Les grandes figures du réformisme sont Malkun Khan (1833-1908), Jamal Eddine al-Afghani (1838-1897), Mohamed Abdub (1849-1905) et Rachid Ridha (1865-1935).
Le chef suprême des Frères Musulmans est donc Recipe Erdogan, qui est favorable à lʼintégration dans lʼUnion européenne, même si aujourd’hui celle-ci semble totalement impossible. Son parti « musulman-démocrate » (A.K.P.) est à lʼimage de la démocratie-chrétienne des de Gasperi ou Giscard dʼEstaing, c’en est le versant islamique.
Lʼislamisme participe du processus révolutionnaire, aussi incroyable que cela puisse paraître, plus précisément cet islamisme dit « réformiste ». Or cela ne concerne quʼun islamisme parmi dʼautres : la révolution iranienne chiite de 1979 est diamétralement opposée au réformisme islamiste des Frères musulmans.
La première est orientale, le second est occidental. Les Frères musulmans sont des alliés de lʼOuest. Nʼa-t-on pas vu une association basée à Londres soutenir le « Printemps syrien », à savoir lʼO.S.D.H. (organisation syrienne des droits de lʼhomme). LʼArabie Saoudite nʼest-elle pas à la direction de la commission des droits de lʼhomme de lʼO.N.U. ? Les « sacro-saints » principes des droits de lʼhomme nʼont pourtant absolument rien dʼislamique.
Quel rapport en effet entre la civilisation du Coran et lʼévangile du capitalisme moderne ? Lʼune prohibe lʼusure (riba dans lʼislam) quand lʼautre lʼidolâtre : « Le crédit public, voilà le credo du capital. Aussi le manque de foi en la dette publique vient-il, dès l’incubation de celle-ci, prendre la place du péché contre le Saint-Esprit, jadis le seul impardonnables », écrivait Karl Marx5.
La Gauche, ce nʼest pas seulement le libéralisme (XIXème siècle), le socialisme (XXème siècle), cʼest aussi ce prétendu reliquat de lʼordre traditionnel quʼest lʼislamisme des Frères musulmans (au XXIème siècle). Ramadan et al-Qaradâwî, lequel est le plus important prédicateur au sein du monde sunnite, lié à lʼuniversité al-Azhar, qui officie notamment sur Al Jazeera, aussi paradoxal que cela puisse paraître, se situe dans le droit fil de la pensée des Rousseau, Voltaire, Diderot, dʼAlembert, Fontenelle et Mandeville, mais aussi de Marx, de Engels, Trotsky, Staline et Mao.
Ils appartiennent tous au paradigme des Lumières, de la Révolution, des « droits de lʼhomme », de la démocratie, de la gauche…
Pour récapituler, ils sont la « Fraternité », quand les premiers sont la « Liberté » et les deuxièmes lʼ« Égalité ».
Elle est un allié très proche des États-Unis, et regarde avec bienveillance une destruction de lʼIran par ceux-là. Face à Jean-Jacques Bourdin, Tariq Ramadan, qui est le porte-parole des Frères musulmans dans la sphère occidentale, affirma être un homme de gauche. Tout est dit…6
La devise républicaine « Liberté, égalité, fraternité » nʼest pas seulement la devise de la République française. Elle est universelle. Elle est aussi la devise de lʼÉtat haïtien. Cʼest, au fond, la devise de la modernité. Par un rythme ternaire le projet moderne est révélé. Ce projet doit, pour se développer, sʼappuyer sur certaines structures. Celles-ci sont révélées par cette devise, par ce slogan. À chaque vocable correspond une organisation réticulaire qui imprime sa marque sur les sociétés de la planète.
Créée en 1717, la franc-maçonnerie a été la structure par excellence de déploiement des Lumières, dont les idées ont triomphé en 1789 dans ce pays la France qui est au Nouveau Testament ce que fut la Judée à lʼAncien, ce qui conduisit à la fin de la royauté de droit divin au profit de la Ière République.
Lʼexpérience révolutionnaire qui affecta la France, faisant dʼelle le pays des droits de lʼhomme, fut sans aucun doute dʼune complexité sans pareille, mais il est sûr quʼelle favorisa lʼémergence dʼun parti de lʼégalité. Il eut pour figure tutélaire Gracchus Babeuf et son groupe appelé « conjuration des égaux ».
Le XIXème siècle a vu progresser ceux qui avaient une conception radicale des principes de 1789. En France, les « trois glorieuses » de 1830, le « Printemps des peuples » de 1848, ainsi que la commune de 1871, tentèrent peu ou prou dʼétablir hic et nunc le « royaume de la liberté »7 promis par les prophètes de lʼÉgalité, divinisant cette notion, créant ainsi une nouvelle religion sans Dieu.
Il fallut attendre 1917 pour observer le triomphe du communisme. Après 1789, révolution de la Liberté, advint 1917, révolution de lʼégalité. Après Paris, Moscou : de la défense des droits « formels » de lʼhomme on passait à la défense des droits « réels » de lʼhomme.
Lénine, Trotsky et Staline se prétendaient les authentiques épigones de Babeuf, mais aussi Robespierre et Saint-Just, qui, eux, à la différence du premier, jouèrent un vrai rôle politique, dans la mesure où ils exercèrent le pouvoir.
En outre, ils firent du XXème siècle un combat entre la « Liberté » et lʼ « Égalité », excepté la parenthèse de la Seconde Guerre mondiale, où les deux premières occurrences de la devise républicaine étaient coalisées contre lʼAllemagne hitlérienne.
Puisque lʼÉgalité, dont la puissance sʼarticulait autour du komintern (IIIème Internationale), devenu kominform après 1945, entendait vaincre la « Liberté », il lui fallait attaquer sa structure de puissance à partir sʼarticulait sa puissance.
Cʼest pourquoi Trotsky fut si virulent contre la franc-maçonnerie :
« Nous avons prononcé le mot : franc-maçonnerie. La franc-maçonnerie joue dans la vie politique française un rôle qui n’est pas mince. Elle n’est en somme qu’une contrefaçon petite bourgeoise du catholicisme féodal par ses racines historiques.
La République bourgeoise de France avançant tantôt son aile gauche, tantôt son aile droite, tantôt les deux à la fois, emploie dans un seul et même but soit le catholicisme authentique, ecclésiastique, déclaré, soit sa contrefaçon petite-bourgeoise, la franc-maçonnerie, où le rôle des cardinaux et des abbés est joué par des avocats, par des tripoteurs parlementaires, par des journalistes véreux, par des financiers juifs déjà bedonnants ou en passe de le devenir.
La franc-maçonnerie, ayant baptisé le vin fort du catholicisme, et réduit, par économie petite-bourgeoise, la hiérarchie céleste au seul «Grand Architecte de l’Univers», a adapté en même temps à ses besoins quotidiens la terminologie démocratique : Fraternité, Humanité, Vérité, Équité, Vertu.
La franc-maçonnerie est une partie non officielle, mais extrêmement importante, du régime bourgeois. Extérieurement, elle est apolitique, comme l’Église ; au fond, elle est contre-révolutionnaire comme elle. […] La franc-maçonnerie est une plaie mauvaise sur le corps du communisme français. Il faut la brûler au fer rouge. »
Et pourtant il appartenait à cette « secte »8. Mais il fut vaincu par le national-bolchévisme stalinien. Puis ce fut au tour du soviétisme dʼêtre vaincu par le système capitaliste dominé par les États-Unis. Le 25 décembre 1991 – un véritable Noël pour lʼhumanité ! – fut fermée la parenthèse ouverte en 1917.
La Liberté triomphait, en témoigne lʼessai La fin de lʼhistoire et le dernier homme de Fukuyama, aux dépens de cette antithèse que représentait le projet communiste, qui estimait pouvoir applique à la lettre le programme du 26 août 1789, appelée Déclaration des droits de lʼhomme et du citoyen (D.D.H.C.), dont les principes ont été réaffirmées le 10 décembre 1948 par les Nations unies nouvellement créées, à savoir le « socialisme scientifique » de Marx qui nʼa jamais eu pour intention de dépasser lʼesprit de ce texte sacré de la modernité. Son projet politique consistait à transformer les droits formels en droits réels.
Pile dix ans après un discours devenu célèbre où le président des États-Unis George Bush annonçait lʼirruption dʼun nouvel ordre mondial fondé sur le principe de lʼétat de droit, la ville de New-York était frappée par une attaque terroriste sans précédent.
Le 11 septembre 2001 lʼHistoire, en sommeil depuis une décennie, se réveilla. La « Liberté » sʼétait trouvée de nouveaux ennemis. Ceux-là même quʼelle avait soutenus au moment de lʼinvasion de lʼAfghanistan par lʼArmée rouge, en 1979. Unis contre lʼhydre athée du communisme, « chrétiens » et « musulmans » étaient désormais en guerre les contre les autres.
À lʼappel au Jihad lancé depuis lʼHindi-Kush par Oussama Ben Laden en 1996, George W. Bush, issu comme son père de la ténébreuse coterie occulte Skulls & Bones – qui nʼa rien de chrétien, mais relève plus de lʼantinomisme le plus sale –, répliquait par une « croisade » nouvelle mouture – en réalité une parodie de « croisade », qui à partir dʼAmérique avec des pays membres de lʼO.T.A.N., vers lʼAfghanistan en 2001 puis vers lʼIrak en 2003 (France exceptée pour la seconde).
Bien que la figure du Christ était utilisée afin dʼappâter lʼélectorat évangéliste, ces croisades nʼavaient rien de chrétiennes, elles se faisaient au nom de la démocratie libérale, modèle dont la prétendue supériorité justifiait quʼil fusse appliqué partout où la « Providence » le décidait…
Bientôt les Américains nʼeurent plus besoin dʼintervenir. Dʼeux-mêmes les peuples musulmans se mirent à se révolter pour obtenir le pouvoir, au détriment de leurs dictateurs. La décennie 2010 fut le théâtre des « Printemps arabes ».
Dʼabord la Tunisie, puis la Libye, la Syrie et lʼÉgypte. La pression de la « rue arabe » eut raison des « despotes » Ben Bella, Khadafi et Moubarak. Abattre le « tyran », la Révolution aime cela. Sa victime archétypale étant notre bon roi Louis XVI. Seul le chef dʼÉtat syrien Assad reste encore en place.
Et lʼon en arrive ainsi au troisième terme de la devise républicaine. Derrière le Printemps arabe, il y a le dynamisme, lʼaction, lʼintervention, de la « Fraternité », cʼest-à-dire cette organisation connue de chacun qui sʼintéresse à la politique mondiale, la « Fraternité musulmane », « Frères musulmans ».
Ce réseau mondial de prédication et de solidarité agissait en dépit de la répression des dictateurs arabes. Ils soutinrent le soulèvement de la foule contre le pouvoir. En Tunisie le parti affilié aux Frères musulmans, Ennahda, sortir vainqueur des premières élections législatives de lʼère post-Ben Ali (2011). En Égypte Mohamed Morsi, lui aussi « F.M. », remporta lʼélection présidentielle de 2012.
Les « démocrates-musulmans » avaient su avancer leurs pions. Aujourd’hui ils représentent la démocratie libérale, qui a comme fondement les principes de 1789, au sein du monde musulman. Ils sont la force « occidentale » à lʼintérieur de celui-ci.
La Liberté est ainsi suivie par lʼÉgalité. Parmi les nombreux groupuscules qui essaimèrent en France dans le sillage de la révolution de 1789, lʼun, qui représentait la frange la plus radicale, avait pour chef Gracchus Babeuf et sʼappelait « la conjuration des égaux ». Cʼétait le premier parti authentiquement communiste de lʼhistoire. Lʼembryon du « Parti », qui apparut après la révolution bolchevique de 1917, par exemple en France en 1920 lors du Congrès de Tours, et qui prit une dimension internationale avec la naissance du Komintern, comme on lʼa vu, ou IIIème Internationale.
Et donc la Fraternité clôt le triptyque révolutionnaire, avec pour force les Frères musulmans. ■
1 Pour se la procurer : https://www.editions-altitude.fr/produit/les-aventures-de-dupin-edgar-allan-poe/
2 Cʼest ce que signala à un moment donné Alain de Benoist lors dʼun débat avec Gustave Thibon à Marseille dans les années 1980 : https://www.youtube.com/watch?v=dPsMg89sJBk&t=1s ; https://www.youtube.com/watch?v=CzF7N_6WdqA&t=3781s
3https://www.lexpress.fr/informations/le-vrai-pouvoir-des-francs-macons_628486.html
4Youssef Hindi, Occident et Islam. Sources et genèse messianiques du sionisme de lʼEurope médiévale au choc des civilisations, t. I, Alfortville, Sigest, 2015, p. 107.
5Le Capital, Livre I, section VIII, chapitre 31.
6Cf. Rémi Hugues, Lʼessence de la modernité, Paris, Edilivre, pp. 60-64.
7Karl Marx, Le Capital, 1867, livre III, chapitre 48.
8“The two principal agents of Communism Lenin and Trotsky were members of the […] B’nai B’rith. […] In fact Winston Churchill in 1920 confirmed that both Lenin and Trotsky belonged to these Masonic, illuminist circles, according to the Illustrated Sunday Herlad” [Les deux principaux agents du communisme, Lénine et Trotsky, furent membres du B’nai B’rith. En fait Winston Churchill in 1920 confirma qu’à la fois Lénine et Trotsky appartenaient à ces deux maçonniques, illuministes, cercles, d’après le Illustrated Sunday Herlad], Reverend Simon Downing, World Empire and The Return of Jesus Christ, Maitland [Florida] : Xulon Press, p. 145.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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