La repentance, un passe-temps pour gosses de riches


Par Driss Ghali*.

Nous n’avons rien à ajouter à cette chronique de Driss Ghali tant elle suscite une immédiate adhésion. Et, comme on nous le signale, c’est d’autant plus à prendre en compte que ça émane d’un Marocain ! Nous avons déjà repris quelques textes de cet auteur à la pensée amie de la nôtre. Celui-ci est paru dans Causeur le 24 juin.   


Déboulonner les statues de personnages “controversés”, c’est le nouveau hobby de bobos qui voient dans la défense des “racisés” un combat indépassable. Alors que tout n’est pas à décrier dans l’héritage colonial. L’analyse de Driss Ghali.


La quintessence du snobisme

La dernière mode en date en France est de partir à l’assaut des statues des grands héros français.

Colbert, Faidherbe et Gallieni, entre autres. On les accuse d’avoir tué des Africains et d’avoir à rendre des comptes pour cela à titre posthume. Ceux qui pratiquent ce nouveau sport n’ont pas conscience du ridicule de leur situation, ni du danger qu’il y a ouvrir la boîte de Pandore des blessures coloniales.

Tout d’abord, l’Afrique et les Africains n’ont rien demandé à personne. Ils n’ont pas exigé que la France face acte de contrition car ils ne veulent pas traiter avec des partenaires qui sont à genoux. Si on avait daigné leur demander leur avis (mais qui se soucie de l’opinion des Africains ?), ils auraient répondu que l’avenir est le seul horizon qui en vaille la peine. L’Afrique joue gros, elle doit exprimer son immense potentiel au moment même où sa population explose et que la Chine l’incite à se spécialiser dans les activités extractives. En d’autres termes, l’Afrique n’a pas de temps pour la repentance.

Il y a colonisation et colonisation

Les Africains ont tourné la page de la colonisation dès les années 1960 en s’agrippant à la langue française comme un héritage inaliénable. Ils auraient pu défaire les frontières rectilignes et arbitraires tracées par les méchants colons, ils ne l’ont pas fait car il n’y avait peut-être pas mieux à faire pour épouser l’ultra-diversité ethnique et linguistique des populations. Cerise sur le gâteau : à peine la France partie que, par millions, Arabes et Africains ont pris le chemin de l’Hexagone pour s’y installer. Pourquoi personne ne s’est accroché aux basques des Ottomans lors de leur départ du monde arabe il y a exactement cent ans ? Il y a peut-être une raison : il y a colonialisme et colonialisme, même si le simple fait de coloniser est une idée absurde et un acte d’oppression.

Ensuite, pourquoi s’en prendre à Gallieni et ne pas faire le procès de ses soldats ? Tous ou presque étaient noirs (Sénégalais, Maliens) ou musulmans (Algérie notamment). La colonisation de Madagascar comme de l’Afrique entière est une autre histoire de la guerre du sud contre le sud. Réveiller ce souvenir ne serait pas rendre service à un continent en mal d’unité.

Les grandes figures de la colonisation française n’ont fait que servir la France, ils n’ont pas agi à compte propre. Gallieni n’est pas Gengis Khan. Il a reçu, plus d’une fois, ses ordres de gouvernements de gauche. Est-ce que Jules Ferry ou bien Georges Clémenceau ont décolonisé l’Afrique ? Non, ils ont donné les instructions nécessaires pour perpétuer l’oppression coloniale. Il serait bon que les bobos et militants racialistes à gauche de l’échiquier politique d’aujourd’hui s’en souviennent.

Or, ont-ils encore le temps de réfléchir ? Il y a de quoi en douter, eux qui sautent d’une hystérie à l’autre ou plutôt d’un hashtag à l’autre : #stayathome, #blacklivesmatter et maintenant #madagascar.

La génération qui a renoncé à ses libertés pour cause de corona, celle qui a fui Paris, non par peur des Panzer Divisions de 1940 mais parce qu’elle préfère se confiner au vert, cette génération moralement désarmée n’est pas vraiment en position de juger qui que ce soit. Je lui souhaite d’avoir ne serait-ce que le dixième du courage physique et de la prestance de ceux qu’elle fustige aujourd’hui.

Même à Madagascar, la colonisation a des aspects positifs

S’ils s’asseyaient pour lire un livre d’histoire entre deux crises de nerf, nos chers bobos pourraient peut-être se rendre compte de l’absurdité de ce qu’ils prêchent. Savent-ils que le Maghreb contemporain incarne une colonisation aboutie et sans appel : celle que les Arabes du Moyen-Orient ont infligée aux Berbères d’Afrique du Nord? Savent-ils aussi que tout ce qui brille au sud de l’Espagne porte les marques du projet colonial musulman ? Pendant plus de sept siècles, les conquérants islamiques ont tué, pillé et détruit autant qu’ils ont construit et civilisé. Un peu comme la colonisation française… Allons-nous taguer l’Alhambra de Grenade au nom du passé lourd passé colonial ? Ou bien faudra-t-il détruire l’Alcazar de Séville au motif de l’appropriation culturelle ? 

Il ne faut pas avoir peur d’aborder de front le bilan de la colonisation française, même à Madagascar. À l’évidence, les troupes coloniales (blanches, noires et arabes comme on l’a vu auparavant) ont massacré. Elles ont aussi amené la paix intérieure à des populations qui avaient rarement connu le goût simple d’un voyage paisible d’un point A à un point B. Madagascar était un univers à part avec des degrés de civilisations très éloignés entre le plateau central et les marges de l’ouest et du sud. Les peuples malgaches (car il n’y avait pas de peuple malgache unifié) ne vivaient pas en paix.

La concorde intérieure instaurée par la force, s’en est suivie un immense réveil de l’île qui, pour la première fois et les yeux ébahis, a vu comment l’action ordonnée de l’homme peut rompre la malédiction de la misère et des maladies. La colonisation a été un viol certes mais aussi un électrochoc salutaire pour que des peuples aliénés de la modernité s’en emparent une bonne fois pour toutes.  

Parole de Marocain

Il s’est passé la même chose au Maroc où un disciple de Gallieni, un certain Lyautey a pris en main un pays qui était en voie de se dissoudre dans les sables arides du séparatisme et du sous-développement. En un peu plus de dix ans, Lyautey a donné au Maroc une colonne vertébrale urbaine, légale et administrative qui est encore la sienne aujourd’hui en 2020. Tout au Maroc porte encore la marque sublime de grand marocain qu’a été Lyautey, un protecteur de l’Islam et des traditions féodales. Telle est la vérité et il faut l’admettre car on ne peut pas effacer l’œuvre de Lyautey au Maroc même en dynamitant tous les monuments qui portent sa marque. Lyautey est passé dans le sang marocain comme celui qui nous a rendu l’estime de nous-mêmes. Grâce à lui, nous avons compris que nous sommes un peuple pauvre certes, mais capable de mobiliser sa diversité ethnique et religieuse pour fleurir le désert et fabriquer des avions. Ce n’est pas mal quand même.

Tout cela n’intéresse pas les « déboulonneurs »… Ils n’ont que faire des anciens colonisés. Ils s’amusent comme des gosses de riches qui s’ennuient au point d’aller poser une boule puante dans un temple. Le monde leur doit tout car ils sont blasés. 

S’agenouiller comme ils font alors que personne ne leur demande représente la quintessence du snobisme. L’ultime frontière du luxe. Leur message subliminal à la Terre entière est : « personne au monde ne s’excusera plus que nous, personne n’ira aussi loin dans la destruction de son histoire nationale, personne n’osera associer son sang à celui des génocidaires, nous les Français bien-pensants en sommes capables, admirez-nous pour cela mais n’essayez-pas de nous imiter car nous sommes parfaitement indépassables. »

La bonne nouvelle est que les gosses de riches se lassent vite de leurs jouets faits sur-mesure.  ■

Driss Ghali 

* Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier ‘Mon père, le Maroc et moi » aux Editions de l’Artilleur ainsi que « David Galula et la théorie de la contre-insurrection » aux Editions Complicités.

Français malgré eux: racialistes, décolonialistes, indigénistes : ceux qui veulent déconstruire la France   20,00 €

Cette publication sera reprise sous peu – en moche et bâclé – par un blog indigent.

4 commentaires pour “La repentance, un passe-temps pour gosses de riches

  1. Magnifiques propos et cet article mérite une grande reconnaissance de notre part. La repentance en France vient de franchir une nouvelle étape, un lycée du nord-est du pays, qui s’appelait le lycée Colbert vient d’être rebaptisé Rosa Parks, du nom d’une activiste des droits civiques des années 60 aux USA. Le combat de cette dernière mérite notre respect mais il est grave de vouloir à tout prix importer les conflits raciaux américains en France, ce qui ne peut être qu’un facteur de division et de conflit. Pourquoi ne pas donner à ce lycée le nom de Victor Schoelcher, qui a aboli l’esclavage en 1848 ? Mais non, parce que cela aurait pu rappeler que c’était un blanc, donc raciste et colonialiste par essence, n’est-ce pas, les indigénistes, qui avait pris l’initiative de cette abolition à une date où l’esclavagisme arabo-musulman se portait comme un charme, merci pour lui, et ne manifestait aucune velléité d’abolition. Cette volonté indigéniste d’effacer les symboles de notre histoire ressemble à l’attitude des pays communistes où il était habituel de réécrire le passé en fonction des rapports de force du présent, ce qui explique que des dirigeants tombés en disgrâce disparaissaient miraculeusement des photographies officielles. Être adulte c’est être capable d’assumer tout son passé, y compris ses épisodes les plus sombres et ne rougir de rien. Le fait d’avoir débaptisé le lycée Colbert de Thionville n’est qu’un nouvel épisode de cette dictature de l’émotion louée jusqu’au plus haut sommet de l’État. Je ne résiste pas au plaisir de citer ces beaux propos de Milan Kundera :  » Et d’où prenait-il la certitude que le cœur est éthiquement supérieur au cerveau ? Les bassesses ne sont-elles pas commises aussi bien avec la participation du cœur que sans elle ? Les fanatiques, aux mains tachées de sang, ne peuvent-ils pas se vanter d’une grande activité affective ? Va-t-on un jour en finir enfin avec cette imbécile inquisition sentimentale, avec cette Terreur du cœur ?  »

  2. Comme vous, je déplore la colonisation qui a amené la maçonnerie outre-mer, a fait perdre l’authenticité des peuples, bref préfigurait ce tourisme de masse que regrettait Jean Raspail. Mais Gallieni a aboli l’esclavage à Madagascar. Je ne juge pas, mais ceux qui crachent sur la colonisation auraient ils voulu conserver l’esclavage? Bien sûr, leur ignorance ou leur mauvaise foi risque de les conduire à affirmer que l’esclavage fut une création des Français !!!!!

  3. Sans doute faut-il aller plus loin dans la repentance et je suis choqué qu’il existe encore à Paris un lycée Henri IV, lequel roi convenons-en n’a rien fait pour dénoncer le racisme en son temps. Ce lycée mériterait de s’appeler Moussa Traore et quant à Louis le Grand, pourquoi pas lycée Georges Floyd ? Et à chaque rentrée scolaire, professeurs et élèves pourraient s’agenouiller pendant quelques minutes pour demander pardon en choeur. Voilà un vaste chantier qui n’en est qu’à ses débuts.

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