Par Gérard Leclerc.
On apprenait, jeudi 24 juin, la mort de Marc Fumaroli, qui, parmi ses multiples titres, appartenait à l’Académie française où il avait succédé à Eugène Ionesco.
Tout de suite, m’est revenu à la mémoire ce beau moment passé avec lui à Saint Malo et au château de Combourg, où l’on honorait son magnifique livre sur Chateaubriand, Poésie et Terreur. Si quelqu’un méritait le prix Combourg, c’était bien lui à cause de sa connaissance précise de l’œuvre de l’enchanteur, avec une puissance de pénétration qui lui permettait de voir très loin. Pour Marc Fumaroli, l’auteur des Mémoires d’Outre-tombe avait aussi compris la charge de terreur que comportait la rupture révolutionnaire pour l’avenir et notre XXe siècle. Mais son exploration de notre littérature était sans limite, et le beau nom d’humaniste, dans sa véritable acception, lui convenait à merveille. L’humaniste, c’est celui qui s’est approprié l’essence même de la culture humaine et qui est capable d’en rendre compte.
La mort de Marc Fumaroli correspond à un très étrange moment, et elle le dispensera peut-être des fâcheux développements d’une hystérie dont on peine à discerner les limites. Car c’est bien notre culture qui est en danger, dans cette entreprise de démolition du passé à laquelle nous assistons. Si seulement il s’agissait de faire preuve de discernement, de contextualisation, de toutes les fonctions intellectuelles qui permettent de mieux percevoir les différentes strates de notre histoire ! Il serait d’ailleurs d’un précieux secours pour nous y aider. Mais tout se passe comme s’il s’agissait de procéder à un travail de table rase. Lorsque Marc Fumaroli s’opposait aux réformes imposées par Mme Vallaud-Belkacem dont il dénonçait « le fanatisme égalitariste », c’était à cette entreprise d’éradication de la culture qu’il s’opposait.
Or, la fièvre iconoclaste, à laquelle nous assistons en ce moment, s’inscrit dans la même logique, ne serait-ce qu’à cause de l’anachronisme furieux qui constitue son premier moteur, mais aussi cette volonté d’effacer ce qui ne convient pas à l’idéologie du moment et qui risque de toucher, malgré elles, toutes les familles intellectuelles et politiques. Comme le fait remarquer Michel Onfray, il n’y a plus de raison de ne pas aussi débaptiser les rues ou les lycées Aragon et Éluard, puisque nos deux poètes épousèrent la cause stalinienne en leur temps. Il reste à souhaiter que l’œuvre et l’exemple de Marc Fumaroli nous gardent de tout crime contre l’intelligence. ■
Jean Raspail, puis Marc Fumaroli, les grands noms nous quittent, hélas. Heureusement il reste à l’admiration des progressistes Booba, Camélia Jordana et Cyril Hanouna. Ouf, rien n’est perdu et la culture démocratique continuera à bien se porter.