Par Rémi Hugues.
Il s’agit-là d’une réflexion en deux parties dont voici la première. Nous n’avons pas besoin d’en souligner l’actualité.
Depuis lʼirruption de lʼère moderne pullulent ces –ismes qui sont autant de chimères pour lʼhumaine condition qui aspire sans vraiment savoir pourquoi à sʼaffranchir dʼun ordre quʼelle assimile à lʼoppression au nom dʼune Liberté sous laquelle se dissimule en réalité la licence, qui est à honnir en tant que facteur de chaos, de guerre permanente de chacun-contre-chacun et de tous contre-tous.
Sauf que jamais la violence ne peut être rédemptrice. En vogue de nos jours : le drapeau vert de lʼécologie ; le Système veut en effet se donner une nouvelle jeunesse, se reverdir, par le biais du greenwashing, si lʼon nous concède lʼusage de cet anglicisme.
Dans son essai Le fanatisme de lʼApocalypse[1], Pascal Bruckner a dit lʼessentiel sur la nature profonde de lʼidéologie qui sous-tend le mouvement écologiste.
Lʼécologie politique nʼest pas seulement le produit dʼune logique de dépassement, au sens hégélien. Il sʼavère à cet égard que ce mouvement, apparu dans les années 1960 au sein des milieux de gauche et surtout dʼextrême-gauche, consiste dans une certaine mesure en une reviviscence du romantisme allemand pour qui le soin apporté à la nature fut lʼun des vivants piliers, pour citer le poème de Charles Baudelaire « Correspondances »[2].
Il nʼest pas fortuit quʼen France la figure de proue du parti les Verts devenu Europe-Écologie soit lʼAllemand Daniel Cohn-Bendit ; lequel en Mai 68 pourfendait autant dans ses discours enflammés le capitalisme occidental que le communisme soviétique.
Lʼécologie vise précisément à opérer le dépassement de la dialectique constituée de la thèse libérale et de son antithèse socialiste, dialectique qui traversa pratiquement lʼensemble du XXème siècle idéologique et politique.
Réaliser une synthèse, cʼest au fond identifier un point commun entre deux substances situées en apparence aux antipodes, en opposition diamétrale lʼune vis-à-vis de lʼautre. Autrement dit, cʼest unifier les contraires, cʼest établir ce que les alchimistes appelaient la coniuctio, la « conjonction ».
États-Unis et Union Soviétique, par-delà leurs rapports antagoniques, se mirent à expliquer les tenants du discours écologiste, cultivent une même inclination à fonder leur projet de réalisation de puissance sur le productivisme, sur lʼidée selon laquelle le bonheur des peuples ne peut en ultime instance sʼobtenir que par la maximisation de la production de richesses matérielles, suivant le paradigme moderne par excellence dʼaprès lequel la logique quantitative prime, comme lʼa remarquablement souligné René Guénon dans Le Règne de la quantité et les Signes des temps[3]. ■ (À suivre, demain mardi)
[1] Essai au sous-titre éloquent : « Sauver la Terre, punir lʼHomme ». Il a été publié par Grasset en 2011.
[2] Ce nʼest pas une simple poésie parmi dʼautres dans la pléthorique œuvre de Charles Baudelaire. Cʼest un manifeste. Celui de lʼécole symboliste, sous-genre du romantisme français tourné essentiellement vers la poésie. Maurice Barrès défendit cette thèse dans un article intitulé « La sensation en littérature. La folie de Charles Baudelaire » paru dans Les Taches dʼencre. Il y soutient que Baudelaire « procède par sensations associées, par correspondances […], cʼest-à-dire quʼil a lʼintuition secrète de rapports invisibles à dʼautres. Il rapproche ainsi par des analogies inattendues des sensations déjà étranges. », LʼŒuvre de Maurice Barrès, t. I, Paris, Club de lʼHonnête Homme, 1965, p. 396.
[3] « Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne, nous prendrons ici tout dʼabord, comme point central de notre étude, la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif, tendance si marquée dans les conceptions ʽʽscientifiquesʼʼ de ces derniers siècles, […] on pourrait presque définir notre époque comme étant essentiellement et avant tout le ʽʽrègne de la quantitéʼʼ. », Paris, Gallimard, 1972, p. 9
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source