Par Rémi Hugues.
Il s’agit-là d’une réflexion en cinq parties dont voici la deuxième. Le titre en est, si l’on peut dire, auto-explicatif. Nous n’avons pas besoin d’en souligner l’actualité.
Cʼest lʼochlocratie qui a mis à mort ce dernier,* puissance barbare à laquelle Ponce Pilate en fut réduit à sʼaligner. Il dut en un sens abdiquer, sʼen laver les mains, faux-fort et vrai-faible quʼil était, aller à lʼencontre de son propre pressentiment, de lʼa priori favorable quʼil éprouvait vis-à-vis du Fils, face à un pouvoir qui le surpassait.
Du haut de son autorité, il nʼétait rien comparé au pouvoir de la plèbe, habilement orienté par les élites sacerdotales locales.
Cet épisode, le Sanhédrin éternel, héritier de lʼalliance de Barabas – le glaive – et de Caïphe – le fléau – qui sʼest cristallisé au mitan du XXème siècle en un État disposant de relais dans chacun des centres dʼimpulsion de la mondialisation, lʼa gardé en mémoire. Il a compris que lʼinstrumentalisation des masses est le meilleur moyen dʼobtenir la concrétisation de ses aspirations profondes. En atteste la campagne médiatique totalitaire que lʼon a vécue au moment du déconfinement, suite au décès de George Floyd, savamment orchestrée par un autre George, Soros.
De Pirké de Rabbi Éliézer au Discours de la servitude volontaire de La Boétie, est contenue implicitement lʼidée selon laquelle la « demande » subsume lʼ « offre ». Précisons bien : non en termes économiques mais en termes politiques[1]. Le fond du raisonnement consiste à établir que, de façon ontologique, cʼest le gouverné qui choisit son gouvernant.
On trouve là le fil dʼAriane du paradigme démocratique. À rebours, quand la tradition nationaliste héritière de lʼAction Française pose que les rois ont fait la France et quʼelle se défait sans roi, elle se situe dans lʼautre camp, celui qui place lʼoffre au-dessus de la demande, le gouvernant subsumant le gouverné.
Ce qui nʼest pas sans rappeler Thomas Hobbes et son notable Léviathan. Monstre des mers assimilable à la patrie de son auteur, lui qui était originaire des Îles britanniques, de cette grande puissance thalassocratique, il devient à lʼorée des temps modernes lʼallégorie inspirée de la Bible – du livre de Job plus précisément – du concept dʼÉtat, ce monstre froid atteint par cette pathologie que lʼon appelle la mythomanie.
Preuve en est, lʼÉtat démocratique se prétend lʼincarnation de la généralité du peuple, alors quʼil est un instrument monopolistique de coercition physique et psychologique détenu par une minorité très organisée qui sʼefforce de rendre légitime son entreprise de domination matérielle et symbolique. Sa force destructrice, il lʼappelle Loi. Ses administrateurs, essentiellement par le moyen de la cooptation, se fait passer – avec succès dʼailleurs – pour la patrie dans son ensemble.
Dʼoù lʼexpression formidable chère à Charles Maurras : lʼinfâme coterie, dont lʼÉtat est lʼémanation, et qui gouverne de façon tyrannique sous les apparences de la Démocratie est le Pays légal. Avant lui, dans Les luttes des classes en France (1848-1850), au tout début du texte, évoquant les capacités, cʼest-à-dire les professions libérales, Karl Marx se servit du syntagme « pays légal »[2]. ■ (À suivre, demain dimanche)
* Article précédent … [1]
[1] Cf. ce passage de cette étude portant sur les différentes théories anthropologiques : https://www.jesuisfrancais.blog/2020/06/08/philo-metapolitique-%e2%80%a2-adamisme-et-evolutionnisme-9/
[2] Karl Marx, Manifeste du Parti Communiste suivi de La Lutte des classes, Paris, Union générale dʼéditions, 1962, p. 69.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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