Par Antoine de Lacoste.
Le Liban n’avait pas besoin de cela ! A la crise financière, économique et politique qui détruit le pays à petit feu, voilà que s’est ajoutée une explosion d’une violence folle qui a anéanti des quartiers entiers de Beyrouth, son port et toutes ses réserves de céréales.
Le bilan humain, qui devrait s’alourdir encore, est terrible : plus d’une centaine de morts et au moins 4000 blessés dont beaucoup gravement atteints. Les hôpitaux sont débordés alors que plusieurs ont eux-mêmes subi des dégâts importants.
L’enquête ne fait que commencer mais en l’état actuel des informations diffusées par les medias libanais, il semblerait que la cause soit accidentelle. Ce seraient 2700 tonnes de nitrates d’ammonium stockés dans des entrepôts qui ont explosé en deux temps : une première explosion suivie d’une seconde qui semble encore plus terrible. Les nombreuses vidéos amateurs visibles sur le net montrent cela très explicitement.
Selon le Premier Ministre Hassan Diab, qui a pris la parole à la télévision libanaise, cette matière hautement explosive est stockée depuis…2014. De nombreux responsables politiques et militaires se sont successivement exprimés, diffusant des informations parfois contradictoires sur l’origine de ces nitrates. Ainsi, le général Ibrahim, Directeur de la sûreté générale au Liban a indiqué que ces tonnes de matières explosives avaient été saisies sur un cargo plusieurs années auparavant. Mais plus rien n’a été dit ensuite sur ce cargo.
Une commission d’enquête a déjà été nommée et ses premières conclusions, qui seront rendues publiques d’ici quelques jours, sont attendues avec impatience.
Mais au-delà des causes et des responsabilités, c’est tout une ville qui est détruite. De très nombreux immeubles ne sont plus que des carcasses et plusieurs des derniers édifices historiques de Beyrouth se sont effondrés. La capitale, déjà ravagée par 15 ans de guerre civile (1975-1990) et reconstruite par des groupes saoudiens au mépris de la préservation du patrimoine, va encore devoir se relever, si cela est possible.
Les messages de solidarité affluent du monde entier, même d’Israël pourtant officiellement en guerre avec le Liban. L’armée israélienne, dont l’aviation passe son temps à violer l’espace aérien libanais a d’ailleurs fait savoir qu’elle n’était pour rien dans cette explosion, ce dont on se doutait tout de même un peu..
Emmanuel Macron a annoncé l’envoi de plusieurs tonnes de matériel sanitaire et de personnel de la sécurité civile. Lui-même devrait se rendre jeudi dans la capitale meurtrie.
Les premières réactions des Libanais oscillaient entre accablement et volonté de se redresser encore et toujours. Mais le vent de la colère pourrait souffler à nouveau si l’Etat (ou ce qu’il en reste) n’organise pas correctement la gestion de la catastrophe. Les grandes manifestations de l’automne dernier pourraient reprendre, attisées non plus seulement par les multiples pénuries et l’appauvrissement croissant du peuple libanais, mais aussi par l’incurie meurtrière de responsables massivement corrompus cherchant avant tout à sauver un système dont ils vivent.
En attendant Beyrouth doit, une nouvelle fois, panser ses plaies et c’est le moment pour tous les amis des chrétiens d’Orient de leur manifester leur solidarité. ■
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