Par Bernard Lugan.
L’attaque qui s’est produite le dimanche 9 août au Niger, à l’est de Niamey, dans le cercle de Kouré, et qui a coûté la vie à huit personnes, dont six Français de l’organisation humanitaire ACTED, appelle les réflexions suivantes :
– La zone de l’embuscade est située au Niger, hors périmètre opérationnel actuel de Barkhane, dans une zone connue de repos et de transit des groupes terroristes. Il est donc pour le moins inconcevable que des irresponsables locaux aient autorisé des ONG à s’y aventurer…pour y observer des girafes…
– Cette zone est située à l’est de la région dite des « Trois frontières », actuel épicentre du terrorisme où Barkhane vient de remporter de puissantes victoires. La vie leur y étant rendue de plus en plus difficile, les GAT (Groupes armés terroristes) étendent donc leur champ opérationnel plus à l’est.
– Nous sommes face à une réorganisation des groupes terroristes qui se traduit par une surenchère. Depuis plusieurs semaines, les groupes jihadistes se combattent en effet dans la BSS (Bande sahélo-saharienne) où un conflit ouvert a éclaté entre l’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara), rattaché à Daech, et les groupes se réclamant de la mouvance Al-Qaïda, l’EIGS accusant ces derniers de trahison.
En réalité, les deux principaux chefs ethno-régionaux de la nébuleuse Al-Qaïda, à savoir le Touareg ifora Iyad Ag Ghali et le Peul Ahmadou Koufa, chef de la Katiba Macina, négocient actuellement avec Bamako ce qui provoque la fureur de l’EIGS qui cherche par des actions spectaculaires, à attirer à lui les déçus d’Aqmi.
Si elle était couronnée de succès, la stratégie du saucissonnage des groupes terroristes verrait le retour dans le jeu politique des Touareg ralliés au leadership d’Iyad ag Ghali, et des Peul suivant Ahmadou Koufa. Cela permettrait donc de concentrer tous les moyens sur l’EIGS dans la « Région des trois frontières ». Voilà pourquoi ce dernier cherche de nouveaux terrains d’action…et notamment dans la zone de Kouré. Tous ceux qui connaissent un minimum le terrain le savent. Pas les ONG…
Pour ne pas s’en tenir à l’écume journalistique des événements qui ensanglantent la BSS, mais pour, tout au contraire, en connaître les causes profondes ainsi que leur évolution sur la longue durée, il est essentiel de se reporter à mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours. ■
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