Comme il y a des gens qui ont coutume – ou réflexe – de s’opposer à tout systématiquement, il y en aura sûrement pour s’indigner plus qu’à leur tour que le Chef de l’État ne se soit pas rendu aujourd’hui à Orly pour y présider l’ « hommage national » rendu aux six malheureux jeunes « humanitaires » français tués au Niger. Il y a déjà eu des indignés de ce type ce matin sur certains médias – sur France Inter, c’était couru – reprochant à Emmanuel Macron de n’avoir même pas daigné interrompre ses vacances à Brégançon et quitter les bords de la mer latine pour remplir ce devoir désormais obligé.
À franchement parler, nous ne serons décidément pas de ceux-là. Indignés pour indignés, nous préférons que ce soit pour autre chose. Pour quelque chose !
En l’occurrence, c’est de la banalisation, du galvaudage, de la dévalorisation, et tout simplement de la manie de l’hommage que nous nous indignons. Pareillement pour ce qui est de l’héroïsme et des héros… On les fait, on les ramasse, à la pèle.
Macron a bien fait de ne pas se rendre à Orly. D’ailleurs, un « hommage national » ne s’imposait pas. Ni la présence d’un Premier Ministre. Un haut-fonctionnaire aurait suffi. Les morts se pleurent, les condoléances de qui voudra les présenter sont dues aux familles. Et ensuite, comme De Gaulle l’a écrit dans des circonstances autrement graves, « que la terre prenne tous les corps, que Dieu accueille toutes les âmes ».
Les jeunes-gens que la France peut bien pleurer aujourd’hui comme tous ses morts, mais non pas célébrer, ces jeunes-gens-là ne sont pas des héros. Que l’on nous pardonne, mais c’est bien plutôt le contraire. En famille, on dirait trivialement qu’ils ont fait une bêtise. Ils n’ont sauvé personne, ils n’ont tué aucun ennemi au péril de leur vie. Disons-le : ils n’ont rien à voir avec l’héroïsme, ni même avec l’exemplarité. Alors à quel titre leur rend-t-on hommage ? Hommage national ! Ils sont morts parce qu’ils ont voulu d’un grand désir, en l’espèce plutôt stupide, voir des girafes à col blanc dans une zone à risque… Comme Taor, ce prince des Côtes de Malabar du beau roman de Michel Tournier*, qui dut passer trente-trois ans de sa vie dans les mines de sel de Sodome pour avoir trop aimé les loukoums à la pistache. Mais ce long et terrible séjour devait transformer Taor en héros chrétien. Ce ne sera pas le cas de nos six malheureux jeunes compatriotes mal inspirés, malchanceux et sans-doute aussi fort mal dirigés. La mort a fauchés en un éclair.
Plutôt que des hommages immérités, qui ne font que flatter l’ignorance, l’inconscience et la légèreté, mieux vaudrait offrir à notre jeunesse des exemples de héros véritables. Notre Histoire en regorge. Et même l’époque actuelle a les siens. Aucun n’est mort pour l’amour des girafes à col blanc. Que la France soit triste à cause de la mort de six de ses enfants imprudents est normal. Mais cela suffit.
* Gaspard, Melchior & Balthazar, Michel Tournier, Gallimard, 1980, 271 p.
Ces humanitaires ne méritent pas plus un hommage national que les imbéciles qui vont faire du ski hors-piste et sont emportés par une avalanche ou tombent dans une crevasse. Ce ne sont pas des héros mais des inconscients.
Être une victime ne fait pas de vous un héros ! Mille fois d’accord avec vos commentaires ….