Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
« Cette loi de notre ciel moral qui veut que l’héroïsme aille d’accord avec la joie ».
C’est un capitaine de cavalerie qui a’ assumé la charge des enterrements. Naguère encore il passait pour le plus joyeux des compagnons, et c’était l’animateur des fêtes les plus folles mais les heures qu’il vient de vivre l’ont profondément bouleversé.
Comme, en l’absence du prêtre, le .Commandant du navire récite, en mer, les prières des morts, c’est ici le capitaine ou le colonel Moscardo qui, en présence des religieuses, appellent la miséricorde de Dieu sur leurs camarades tombés au service de la patrie pour le maintien de leur foi.
Lorsqu’on demanda aux assiégés pourquoi ils n’avaient pas essayé de brûler les cadavres, ils répondirent
— Nous sommes catholiques.
Ainsi, de la vie à la mort, le siège de l’Alcazar s’organise, sans que jamais diminue l’espérance. Comme « une flamme impossible à éteindre », fût-ce « au souffle de la mort », elle brille à travers ces ténèbres, elle perce l’épaisseur de la nuit incessante où sourit la Vierge souterraine. Et ce n’est pas la moindre vertu des officiers et des Cadets de l’Alcazar, que d’avoir su entretenir l’espérance, et d’avoir introduit la joie.
Car il y a eu de la joie dans l’Alcazar de Tolède : il y a même eu des fêtes, des chansons. Le moral a été à la hauteur de la résistance physique. Pour l’entretenir, l’on a rédigé, composé à la machine à écrire, polycopié, un petit journal, El Alcazar, – aujourd’hui rarissime – où l’on annonçait les nouvelles transmises par T. S. F., car l’appareil de diffusion était trop faible pour que tous pussent les entendre. La rédaction se tenait dans la salle du musée Romero Ortiz. L’entête d’El Alcazar s’ornait, chaque jour, d’un dessin différent . Pour mieux suivre la marche de l’armée de Franco, ses communiqués étaient accompagnés de cartes et de graphiques. L’on y reproduisait aussi les informations de Madrid, surtout celles où les gouvernementaux prétendaient que la résistance de l’Alcazar n’était plus qu’une question d’heures, et « autres commentaires risibles ». A la dernière page, près du « visa de la censure », on trouvait toutes sortes de jeux récréatifs, charades, mots croisés ; on pouvait même y lire des annonces comme celle-ci : « On a ramassé un porte-monnaie contenant vingt-cinq pesetas. Le réclamer au bureau du journal. » Ou bien encore : « On demande des comédiens-amateurs pour la représentation de samedi soir. »
Oui, l’on a joué la comédie, on a chanté pour la fête de la Vierge le 15 août, on a célébré chacune des victoires, apprise par radio. Et ces moments de bonheur faisaient oublier les fatigues du siège ; car pour tenir, la nuit, les postes de vigie, les hommes devaient parfois monter la garde pendait plusieurs heures de suite, et. dans les pires conditions. Mais il y avait l’espérance. Il y avait aussi l’admirable dévouement des femmes qui les encourageaient, les soignaient, préparaient leurs aliments, et qui entendaient être traitées sur le même pied que leurs maris, leurs frères ou leurs fils. Ainsi se maintenaient humblement et magnifiquement les vertus essentielles, et cette loi de notre ciel moral qui veut que l’héroïsme aille d’accord avec la joie.
LES DEUX ESPAGNES
Le 14 août, au soir, une dépêche annonce que Badajoz est tombé entre les mains des insurgés. La jonction des armées Franco et Mola est accomplie. La véritable bataille de Madrid va commencer, et, sur le chemin de Madrid, la bataille pour Tolède, vers qui la résistance des Cadets fait tourner les regards du monde entier.
Le gouvernement de Largo Caballero le sent si bien qu’à défaut de la Pasionaria, en mission à Paris, il a envoyé Margarita Nelken pour exalter l’ardeur des assiégeants, leur faire prendre conscience du rôle exceptionnel réservé à Tolède. Quelle étrange destinée que celle de cette aventurière cosmopolite, dont le Frente popular a fait, en 1936, une députée aux Cortès !
Et comment ne pas songer ici à une autre fille de sa race, à cette Rachel la Juive, la fameuse Formosa, dont les annales de Tolède racontent que les nobles l’assassinèrent parce qu’elle tenait le roi sous ses dangereux enchantements ! Les enchantements de Doña Margarita Nelken, la nouvelle Rachel, ont conquis à la religion judéo-marxiste les pauvres paysans d’Estrémadure, qu’elle représente au Parlement d’Espagne. Pourtant rien de moins Espagnole que cette émigrée, allemande, naturalisée par un éphémère mariage, et qui se vantait, un jour, d’avoir mis au monde quatre enfants sans savoir quels étaient leurs pères. Voilà celle qui, le 18 août, est venue au quartier général des Milices inspecter les troupes et haranguer la compagnie « Castillo » :
« Camarades, miliciens, combattants, s’est-elle écriée devant ces hommes, vous avez une tâche magnifique : devant le monde vous allez reconquérir Tolède, qui a été le berceau de la civilisation espagnole. L’Espagne est un exemple pour le monde entier, parce qu’elle lutte non seulement pour sa liberté, mais pour libérer l’Espagne du cauchemar fasciste. Il faut que vous sachiez que les fascistes sont en train de fusiller des milliers de nos frères. Nous ne devons pas oublier qu’en écrasant les fascistes, nous tuons une bête malfaisante.
« Il faut lutter implacablement. Nous devons garder les reliques d’art, mais devant une vie humaine, aucune relique d’art n’a de valeur : un Alcazar ne compte plus. Si, par la faute des fascistes, ces monuments disparaissent, ce seront nos camarades qui construiront un monument plus beau, celui de la civilisation. Vous avez une mission historique à remplir. Vous luttez pour l’amélioration du sort du prolétariat, vous luttez pour la liberté.
Lorsque l’Alcazar sera pris, sur Tolède et sur le monde flottera un drapeau rouge qui dira : Vive la justice sociale ! »
Pour cette Margarita l’Étrangère que brûlent les vieilles passions de sa race, Tolède, avec ses synagogues désaffectées, n’est-elle pas la ville qui a, pendant des siècles, persécuté les siens, en les contraignant au parjure ? Et l’Alcazar, c’est le symbole d’une telle oppression, le symbole de ce qu’il faut abattre.
C’est, au contraire, l’image exaltante et glorieuse de tout ce qu’ils veulent sauver que l’Alcazar dresse, sur l’horizon, pour les soldats de la nouvelle Reconquête en marche vers Tolède. Il y a bien, d’autres chemins, et de plus courts, qui mènent à Madrid. Mais ils doivent délivrer d’abord ce sanctuaire de la Résistance, car c’est dans les souterrains où les Cadets et leurs compagnons, hommes et femmes, préfèrent mourir que se rendre, c’est là qu’est désormais le dépôt de leur foi. Aussi bien est-ce à ceux de l’Alcazar que songe le général Franco quand il dit de cette croisade :
— Le soulèvement national espagnol n’est pas un mouvement de classe ou de partisans… C’est le soulèvement d’un peuple qui ne veut pas mourir étranglé par cette barbarie moscovite, que de criminels gouvernants eussent laissé détruire les assises de notre civilisation et préparer l’assaut des hordes rouges !
Et qui mieux que les Cadets-Chevaliers méritent d’avoir inspiré à l’écrivain Gimenez Caballero ce magnifique appel aux « nouveaux Seigneurs » ? Son message: s’adresse à toutes les forces nobles de la patrie, à ceux qui travaillent comme à ceux qui contemplent, aux soldats comme aux ouvriers, aux humbles, comme aux grands — à tous, sauf aux « petits messieurs »
– Je parle, dit-il, je parle à ceux qui veulent devenir les nouveaux Señors, fiers, les ducs qui conduiront de nouveau leurs hommes, les marquis qui détendront les nouvelles marches de la nation. Vous, les vrais, les authentiques, les fidèles, les bien-nés, écoutez-moi, écoutez l’Évangile espagnol qui parle à nos coeurs avec une clarté totale : « Au Roi les biens et la vie on doit donner ; mais l’honneur est le patrimoine de l’âme, et l’âme n’appartient qu’à Dieu. »
Cet Évangile, c’est celui des nouveaux Seigneurs de l’Alcazar : ils sont en train d’en réapprendre au monde la grandeur. ■ (À suivre, demain samedi).
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