Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
SOUS LES BOMBES
Aussi — et quelle que soit l’importance de la partie qui se joue alors en d’autres régions de l’Espagne, — c’est vers Tolède que toutes les imaginations se tendent : rien ne peut les en détacher.
Le sort tragique des emmurés de l’Alcazar fait battre, dans tous les pays, des millions de cœurs humains qui se demandent : « Que deviennent-ils, que font-ils ? Comment parviennent-ils à subsister ? » L’intrépidité des Cadets émerveille, mais on tremble pour les enfants et pour les femmes qui vivent avec eux. Combien de temps pourront-ils tenir encore ? — car voilà près de vingt-cinq jours qu’ils endurent les affres de ce terrible siège.
Une telle résistance, d’ailleurs, étonne les assaillants. Serait-ce qu’ils n’ont pas les moyens matériels de les réduire ? Leur artillerie semble manifestement, insuffisante. Le 14 août, le capitaine José Garcia de Dueñas reçoit enfin deux pièces de 105 et décide de commencer un tir de destruction systématique, pour, démanteler la partie supérieure de l’Alcazar et raser complétèrent ce qui l’entoure ; car les assiégés y dissimulent toujours des mitrailleuses qui brisent, en les prenant d’enfilade, toutes les attaques des miliciens. Et, la veille du 15 août, les obus recommencent à tomber sur les murs de la forteresse.
Ce nouveau bombardement fait venir, chaque jour, des visiteurs de Madrid : Azaña, Caballero [Photo] , et aussi quelques belles étrangères en vacances… Tandis qu’un mégaphone hurle les chants du Frente popular, on fait ripaille dans ce cigarral où les miliciens ont installé leur batterie, et — pour le dessert —l’on tire sur l’Alcazar
Du haut de ses remparts blessés, les Cadets peuvent apercevoir des, bandes joyeuses qui, là-bas gesticulent, en regardant flamboyer comme des torches les dernières maisons voisines de, la citadelle que les Rouges ont arrosées avec du pétrole.
Afin de démoraliser ses défenseurs et de troubler leur confiance, des haut-parleurs ont été installés qui ne cessent de lancer vers l’Alcazar les nouvelles de Radio-Madrid. L’hymne de Riego retentit soudain, puis ce sont les informations madrilènes et cela cinq fois, dix fois dans une seule journée. Mais les assiégés ne sont pas en reste de courtoisie. Leur poste de T. S. F. peut désormais capter les émissions portugaises et nationalistes : à leur tour de les lâcher sur Zocodover, où s’élèvent — ô surprise t — les hymnes des Phalanges et du Tercio. Cette guerre des ondes les met en belle humeur.
Il leur est, par contre, plus difficile d’émettre des messages et de communiquer avec Burgos.
Mais, depuis la prise de. Badajoz, ils savent que les armées nationales les délivreront. Ils suivent — avec quelle passion ! — les progrès et les manœuvres de Franco. Chaque jour les leur précise, et sur les cartes de l’état-major, ils voient se dessiner ce vaste mouvement convergent, d’une progression trop lente à leur gré, mais impitoyable et sûre, qui se dirige vers Madrid. L’avance se poursuit, méthodique, tandis que l’armée réduit au fur et à mesure les foyers hostiles.
Deux ou trois fois par jour, la voix monotone du speaker confirme l’espérance de la victoire ; et, sur l’heure, la petite feuille polycopiée El Alcazar porte les nouvelles parmi le peuple souterrain.
18 août. — A Majorque, les milices catalanes sont repoussées et doivent regagner Barcelone.
20 août. — Le_Tercio et les Carlistes [Photo] marchent sur Irun.
27 août. — La bataille du Guipuzcoa a redoublé d’intensité.
Mais le matin du 29 août, vers 8 heures, tandis que déjà, au dehors, les mitrailleuses recommencent à crépiter, voilà que la voix nasillarde pénètre au fond des galeries ténébreuses, d’où elle fait aussitôt surgir une foule de fantômes… Tous se ruent vers la brèche qui s’ouvre béante sur l’horrible piscine aux relents de cadavre et, là, soudain rassemblé, le peuple des ombres écoute ces mots qui montent comme une incantation et comme en songe :
29 août. — Une colonne nationale, la colonne Yague [Photo], marche sur Tolède. Les marxistes ont subi un véritable désastre, ils ont laissé deux cents morts et mille blessés sur le terrain, abandonné un tank, cinq canons, trois mitrailleuses, de nombreux fusils.
La délivrance de Tolède, est, proche.
Un même cri jaillit dans la nuit souterraine : Arriba España ! Vive le Christ-Roi ! – et tous les hommes, les femmes, s’avancent en longue file pour aller rendre grâces à la Vierge des Ténèbres, sous la lueur grise des flambeaux de suif de cheval qui la nimbe…
Après cela, les gouvernementaux peuvent bien prétendre que l’Alcazar est à la veille de tomber ! Ils peuvent installer, sur les hauteurs des Alijares, un canon de 240 qui va s’acharner sur des ruines et des décombres ! Ils peuvent affirmer aussi que les assiégés se battent entre eux, que la garnison se mutine ! Comment l’espoir ne serait-il pas plus fort que tout ? La résistance se fait, au contraire, plus farouche encore. Le jour même, par le porte-voix qu’ils ont braqué vers la ville, les Cadets défient l’adversaire, en lui annonçant qu’ils ont contre-miné tous les accès de la citadelle : c’est la mort certaine pour qui en approchera. Derrière la porte principale de l’Alcazar, n’ont-ils pas déjà préparé une mine qu’ils feraient éclater dès qu’un tank en forcerait le seuil ?…
Non, au bout de quarante jours de siège, le moral des combattants de l’Alcazar n’a pas faibli. Et pourtant les conditions de vie deviennent de plus en plus dures. En prévision du pire, on a dû rationner l’eau, dont on fait chaque jour deux distributions, l’une à 10 heures du matin, l’autre à 5 heures de l’après-midi. Malgré le manque d’hygiène que ces restrictions imposent, aucune épidémie ne s’est déclarée dans la citadelle. Seules deux vieilles femmes sont mortes ; et, par une sorte de compensation mystérieuse, le médecin a aidé à venir au jour deux petits enfants qui semblent bien décidés à vivre. L’état sanitaire reste bon. La résistance physique n’est pas entamée, Sans doute y a-t-il eu quelques désertions et même trois suicides (comment la folie n’eût-elle pas hanté ces souterrains tragiques ?). Mais les survivants sont désormais à l’épreuve du pire. Ni le pain, ni la viande ne manquent, et si l’on ne tue plus qu’un cheval ou un mulet chaque jour, alors qu’au début on en abattait quatre, c’est qu’il s’agit de durer. L’intendance a de l’avoine en réserve pour nourrir les chevaux vivants, dont le nombre, d’ailleurs, diminue sans cesse ; et l’on grille les grains qui servaient de ration aux chevaux abattus pour en faire un bien médiocre « café », que les combattants et les veilleurs, la nuit, accueillent avec joie.
Ainsi commence le deuxième mois de l’interminable siège, dont l’univers anxieux suit les tribulations. Mais, dans le ciel de cette tragique Espagne, un chant de. confiance monte de l’Alcazar et s’élève plus fort que toute la lassitude.
LA FÊTE DANS LE SOUTERRAIN
Au début de septembre, c’est toute une suite de nouvelles exaltantes que la T. S. F. transmet aux Cadets de Tolède. Le front ennemi vient d’être rompu au Guipuzcoa. Le 1er septembre, le général Mola commence de bombarder Irun ; le 5, le drapeau rouge et or flotte sur les ruines de la ville, incendiée par les anarchistes et les antifascistes de tous pays, venus au secours du Frente popular. Mais — nouvelle plus émouvante encore — la colonne Yague confirme la prise de Talavera de la Reina, petit village qui se trouve à cent kilomètres de Madrid, à trente kilomètres de Tolède. Serait-ce la délivrance ? ■ (À suivre, demain dimanche).
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