Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
Pour célébrer la chute de Talavera, les Cadets proposent au colonel Moscardo d’organiser une fête.
Ils réussissent à en prévenir Burgos, et le soir même, les jeunes filles de la fière cité, où repose Chimène, adressent aux Cadets de l’Alcazar, où commanda le Cid, un fraternel message qu’un avion jette du ciel. Ils y répondent en confiant aux ondes leur serment de mourir pour la grandeur de l’Espagne.
Dans ces souterrains où les femmes se pressent, avec leurs visages tirés, leurs pauvres robes défraîchies, commence un spectacle inoubliable. Sur des tréteaux de fortune, ceux qui savent chanter chantent, ceux qui savent des poèmes les disent ; d’autres dansent les vieilles danses d’Espagne qu’accompagnent des guitares. Les cadets de l’École de gymnastique ont réussi à se procurer des cordes, des barres fixes, des cerceaux, un trapèze. Sous la lumière jaunâtre qui projette sur la paroi des voûtes leurs ombres démesurées, fantastiques, on applaudit les petits trapézistes, en maillot de fortune, qui s’élancent, bondissent, font leurs tours ! Quelle extraordinaire cérémonie, cette fête de l’espérance dans -la nuit !…
Et voici que de jeunes et chaudes voix s’élèvent qui chantent les chansons du Tercio. L’un des Cadets commence :
Soy un novio de la muerte…
« Je suis le fiancé de la mort… »
L’assistance demande ensuite : Légionnaire ! Et, comme à cette heure même, sur les places de Burgos ou de Pampelune les jeunes gens et les jeunes filles de leur pays, ils entonnent le chant de la Bandera :
Je suis soldat de l’héroïque légion,
Sur mon âme pèse un douloureux calvaire,
Qui dans le feu cherche sa rédemption.
Nous sommes tous des héros inconnus,
Personne ne cherche à savoir qui nous sommes.
Mille et mille tragédies
Forment le cycle de notre vie.
Chacun est ce qu’il est : qu’importe!
La vie d’avant ne compte plus.
Ensemble nous farinons un drapeau
Qui fait gloire à la Religion.
Et le refrain rapide, rythmé sur un air de marche, par tous est repris en chœur
Légionnaire, légionnaire,
Toi cherches à lutter
Au hasard tu remets ton sort,
Car ta vie même est un hasard.
Légionnaire, légionnaire,
Sans rival dans le courage,
Tu rencontreras la mort à la guerre,
Tu auras toujours pour suaire,
Légionnaire, le drapeau national.
En l’honneur des vainqueurs, d’autres enfin réclament l’hymne des requetes carlistes, d’autres le chant royal, et les plus jeunes l’admirable marche de la Phalange.
Les lueurs fumeuses des lampes vacillent dans l’étrange caverne, où les voix résonnent avec des sonorités étranges, et parmi tous ces hommes assis à leurs pieds, sur le sol de terre battue, les femmes chantent maintenant les strophes de Debout l’Espagne.
Face au soleil avec la chemise neuve
Qu’hier tu me brodas de rouge,
La mort me trouvera si elle vient.
Et je ne te reverrai plus.
Auprès des compagnons
Qui montent la garde sous les armes
Et sont à mes côtés dans notre ahan,
Je ferai le geste impassible.
Si l’on te dit que je suis tombé,
C’est que je m’en serai allé
Au poste qui m’attend dans l’au-delà.
Ils reviendront victorieux, les drapeaux,
Au pas allègre de la paix
Et porteront cinq roses nouées :
Les cinq flèches de mon faisceau.
Il reviendra le printemps béni
Que les cieux, la terre et la mer espèrent
Debout, légions, courez à la victoire,
Une aube nouvelle se lève sur l’Espagne.
Longtemps dans la nuit, en attendant cette aube, leurs cris emplissent le souterrain, et, au dehors, sous le ciel de septembre, les miliciens surpris peuvent entendre les saluts prophétiques
España… una !
España… grande!
España… libre!
Arriba España !
Au cours de la fête, un obus est tombé sur la statue de Charles-Quint, a brisé sa lance, fait choir son armure, le laissant debout et nu, au centre de l’irréductible Citadelle.
ON PARLEMENTE.
Cependant Madrid annonce, .à défaut d’autres victoires, la chute prochaine de l’Alcazar.
Zocodover n’est plus qu’un amoncellement de décombres. Face à la ville, la tour gauche de la forteresse a disparu, celle de droite est démolie. Des sections d’assaut parviennent, malgré la vigilance des Cadets, à lancer des bombes à main dans les ruines d’alentour, où elles provoquent des incendies et suffoquent les rebelles. Le 6 septembre, on annonce qu’il est impossible que l’Alcazar tienne plus de vingt-quatre heures. A l’aube, un avion nationaliste a essayé de lancer des vivres à l’intérieur de ses remparts. Ce n’est pas la première tentative, et lorsque des boites de sardines ou de conserves viennent se briser au sol, on ne croit plus, comme la première fois, que ce soient des bombes ennemies ! Mais le tir des miliciens force les avions à voler trop haut, et les paquets tombent presque toujours hors de l’enceinte.
Ce matin-là pourtant, les assiégés ont réussi à s’en saisir : ce sont des boites de lait condensé qu’aussitôt l’on partage entre les enfants et les femmes. Ce lait a peut-être sauvé la vie des nouveau-nés que leurs mères épuisées ne pouvaient plus nourrir.
Le service spécial de la Sûreté aurait appris que les insurgés sont tenus au courant des attaques des miliciens, ce qui donne à penser qu’ils ont des intelligences dans la ville. Les Rouges ordonnent des perquisitions immédiates, au cours desquelles l’on arrête quarante suspects qui sont traduits devant un conseil de guerre et fusillés.
La longueur de ce siège commence à irriter Madrid. On a hâte d’en finir, bien que le général Asensio, [Photo] chef des forces gouvernementales, déclare qu’une telle résistance ne permet pas de prévoir quand cette forteresse infernale, pourra vraiment être réduite. ■ (À suivre, demain lundi).
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