PAR PIERRE BUILLY.
Si Versailles m’était conté, de Sacha Guitry (1953).
La gloire de la France.
La trilogie Si Versailles m’était conté, Si Paris nous était conté et Napoléon n’est pas tout à fait du même niveau que les deux bijoux de promenades historiques (ou pseudo-historiques, si l’on veut) genre que Sacha Guitry avait créé, avant-guerre, un peu avec Les perles de la Couronne et surtout Remontons les Champs-Élysées, miracles de légèreté, d’esprit et d’allure.
Pour autant ces trois films – et singulièrement « Versailles » – sont des films superbes qu’un amateur de Guitry ne peut pas ne pas avoir vu.
Je conçois parfaitement que le ton à la fois narquois et péremptoire du Maître puisse agacer, que puisse irriter aussi son parti-pris de regarder l’Histoire par le biais de l’historiette, de privilégier mots d’auteur et trognes d’acteurs, d’accorder à la galanterie toutes ses faveurs, de s’éblouir lui-même de sa faconde et de sa séduction.
Mais ce n’est pas là forcément un mauvais moyen de comprendre les choses, surtout, en l’occurrence, de comprendre Versailles, chef d’œuvre absolu du Patrimoine et si forte incarnation de la grandeur française : j’ai lu récemment une anecdote délicieuse : au général de Gaulle dont il était Ministre d’État en 45-46 et qui le questionnait sur la localisation de la future ENA, Maurice Thorez* aurait très sérieusement répondu : « Mettez la à Versailles : ça donnera aux futurs hauts fonctionnaires le sens de l’État ! »
Si effectivement artiste Guitry ne prétend pas à l’exactitude historique (ce n’est pas le genre à se poser des questions sur le nombre exact des paires de boutons sur l’habit des Gardes françaises à Fontenoy ou sur l’heure précise du déclenchement de telle attaque), s’il mêle, en un gracieux désordre, des éléments disparates, s’il est le maître des raccourcis et des ellipses, il atteint tout de même, grâce à son génie et à son profond amour de son pays une autre forme, plus haute et plus substantielle de vérité : l’essence même de la réalité des événements et, finalement, le « code mental » de la France.
Et quand, donc, Guitry conclut son film par un quatrain magnifique (une rime est fausse, mais ne chipotons pas !), il est tout à fait dans l’esprit du Palais inimitable voulu par Louis XIV ; qui prétendrait que les gens d’esprit sont des gens légers après cela ?
« On nous dit que nos Rois dépensaient sans compter,
Qu’ils prenaient notre argent sans prendre nos conseils,
Mais quand ils construisaient de semblables merveilles,
Ne nous mettaient-ils pas notre argent de côté ? » ■
* La jeunesse ignorantine devrait savoir que Maurice Thorez fut Secrétaire général, puis Président du Parti Communiste Français de 1930 à sa mort, en 1964 à une époque où le PCF (28% des voix aux Législatives de 1946) n’avait rien à voir avec le micro-groupement dirigé aujourd’hui par M. Fabien Roussel.
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