Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
Dans l’après-midi du 8 septembre, pendant que les religieuses et les femmes viennent s’agenouiller devant l’autel de la Vierge souterraine, dont l’Église fête ce jour-là la Nativité, un avion lance sur la citadelle douze bombes de grande puissance.
Des Alijares, les 155 la bombardent également. La tour de la façade principale semble prête à s’écrouler. Des deux tours de la façade du Sud, il ne reste que l’armature de fer, tordue par, l’incendie. Vers le soir, comme l’action de l’artillerie semble se ralentir, les assiégés rouvrent le feu. On les voit, hors des remparts, qui courent, se bousculent, lancent des grenades à toute volée. Vont-ils tenter une sortie désespérée ? Non, ils se contentent d’occuper l’ancien couvent des Capucins, qu’ils avaient abandonné, et où ils fortifient leur position.
Devant un tel acharnement, les Rouges décident de leur adresser cet ultimatum
— Faites sortir les femmes et, les enfants d’abord. Sortez ensuite, sans armes, et nous vous promettons la vie sauve.
A une heure du matin, le Comité de guerre, sous la présidence du commandant Barcelo, se. réunit. On téléphone aux assiégés, pour leur demander de recevoir le commandant Rojo, un vieux républicain qui servit comme officier instructeur à l’Alcazar. [Photo]
– Nous acceptons de recevoir Rojo, répond le colonel Moscardo. Mais demain, quand il fera jour.
A 10 heures du matin, on cesse le feu de part et d’autre. Du chemin de ronde, on peut voir le commandant Rojo traverser Zocodover, monter la rampe de l’Alcazar. Les sentinelles ont averti le colonel Moscardo. Deux officiers paraissent sur les ruines de la forteresse, s’avancent vers le commandant, lui bandent les yeux, puis le mènent, dans les souterrains.
L’entretien dure deux heures. Et déjà l’on s’inquiète, quand on le voit enfin reparaître, entouré de ses gardes, qui lui enlèvent son bandeau, le saluent. Puis Rojo, silencieux et blême, regagne l’hôtel des Postes où siège le Comité de guerre.
— Ils refusent, dit-il avec une vraie douleur. Je les ai suppliés de sauver au moins les enfants et les femmes. « Elles ne veulent pas nous quitter », m’ont-ils répondu… Tout a été inutile. Ils m’ont déclaré que s’ils doivent mourir, ce sera les armes à 1a main. « Si vous voulez faire quelque chose pour nous, ont-ils ajouté, envoyez-nous un prêtre. » Ils ne m’ont rien demandé d’autre.
C’est un échec. Sur, l’heure, le commandant Barcelo reprend son téléphone pour alerter les batteries des Alijares, et le bombardement recommence. Le gouvernement de Madrid, aussitôt prévenu, commande de combattre sans merci et envoie plusieurs camions de gardes d’assaut, avec l’ordre de tirer jour et nuit, sous le feu des projecteurs.
Le général Asensio préfère attendre encore avant de donner l’assaut, puisque les assiégés ne peuvent jusqu’ici recevoir aucun secours des troupes rebelles.
Dans la nuit du 10 septembre, la colonne avancée du lieutenant-colonel Delgado, chef des troupes nationalistes de Talavera, voit monter vers le ciel, à vingt kilomètres de lui, les flammes de l’Alcazar qui n’est plus qu’à un geste de fierté en détresse ».
UN PRÊTRE
Le 10 septembre le gouvernement de Madrid donne l’ordre d’évacuer les femmes et les enfants qui restent dans Tolède : on les conduit dans la campagne, où des campements sont installés. D’ores et déjà, les Rouges ont décidé de faire sauter l’Alcazar.
Une dernière tentative cependant sera faite auprès des assiégés. N’ont-ils pas demandé qu’on leur envoie un prêtre, afin de pouvoir mourir chrétiennement ? Les marxistes croient habile de le leur accorder. Mais pour que les rebelles n’aient aucun soupçon sur l’identité de ce missionnaire, il faut leur déléguer un, homme qu’ils connaissent. Tous les Espagnols savent le nom de don Enrique Vasquez Camarasa, chanoine de la cathédrale de Madrid, prédicateur célèbre à qui, tout récemment encore, l’ambassade d’Angleterre a confié une intervention délicate. C’est à. lui que le gouvernement s’adresse.
Le 11. septembre, dans la soirée, la chanoine Camarasa arrive en automobile à Tolède. Vêtu d’un habit laïc, un complet bleu foncé, il est aussitôt introduit auprès du Comité de guerre, qui décide de le faire monter le lendemain matin, vers 9 heures, à l’Alcazar.
Pour en avertir les assiégés, on s’est servi du haut-parleur, installé dans une des rares maisons qui restent encore debout devant la citadelle.
— Alto, alto, Alcazar !
Tout se tait ; puis les assiégés sont informés, par le microphone, que l’abbé Camarasa est à Tolède.
Les derniers habitants de la ville regardent avec curiosité cet homme de haute stature, tête nue, les cheveux gris, qui s’avance en compagnie du commandant Barcelo et des officiers Almagro et Quintanilla.
Ils montent ensuite vers l’Alcazar, avec un drapeau blanc. Le feu cesse. Un silence solennel emplit Tolède.
Un officier de la citadelle, le capitaine Varela, s’avance vers les parlementaires, puis s’arrête à dix mètres d’eux.
— Donnez-nous votre parole, dit le commandant Barcelo, que vous respecterez la vie de don Enrique Camarasa, et que vous n’essaierez pas de le retenir parmi vous.
Le capitaine Varela se tourne vers l’Alcazar, et une voix répond
— Le colonel commandant en chef vous donne sa parole.
Don Enrique s’incline alors vers le commandant Barcelo, et marche seul vers la forteresse. Dans sa main droite, il tient un grand crucifix de bronze. Quand il arrive auprès du capitaine Varela, celui-ci lui bande les yeux avec un mouchoir, le prend par la main et le guide vers les profondeurs obscures des souterrains. Le feu va cesser durant trois heures.
Tandis que le prêtre est dans l’Alcazar, plusieurs miliciens, sans armes, s’approchent des remparts et tendent des cigarettes à quelques assiégés qui viennent leur parler. Cette fraternisation dans la guerre civile est une des images les plus singulièrement émouvantes de tette lutte atroce !
Vers midi, le père Camarasa reparaît, tenant le crucifix et le mouchoir qui a servi à lui bander les yeux — ce que, cette fois, l’on néglige de faire. L’air abattu, le visage décomposé, de la terreur dans les yeux, il rejoint le commandant Barcelo et les autres officiers, puis, en hâte, il les entraîne pour leur dire quelles heures il vient de vivre dans ces horribles souterrains dont il respire encore l’odeur de cadavres…
Quant au reste, le prêtre ne peut s’en ouvrir davantage. On sait seulement qu’il a administré les sacrements aux grands blessés et aux mourants, fait communier des centaines d’hommes et de femmes, baptisé deux nouveau-nés, et célébré la messe sur l’autel de la Vierge souterraine.
En montant à la citadelle, don Enrique Camarasa a été chargé d’une autre mission. A son tour, il a demandé au colonel Moscardo de laisser sortir les enfants et les femmes, bien que celles-ci lui aient toutes déclaré qu’elles étaient là de leur plein gré et qu’elles ne quitteraient pas l’Alcazar. Par respect pour son caractère sacerdotal, le colonel lui a néanmoins promis de tenir conseil, 1e soir même, avec les assiégés, pour prendre une ultime décision.
A la nuit tombée, comme on attend encore la réponse, un porte-voix fait tout à coup retentir dans le silence ces simples mots :
— Personne ne sort d’ici.
Quelques instants plus tard, le colonel Moscardo appelle le commandant Barcelo au téléphone pour lui confirmer sa décision. Qui pourrait-elle surprendre ? Lorsque, le matin, il a demandé au Père Camarasa quelles garanties lui seraient données pour la sécurité des femmes, le prêtre lui a uniquement répondu : « J’espère une conduite humaine. » Le père du jeune homme fusillé par les Rouges sait d’expérience jusqu’où peut aller cette « humanité ».
Mais seule la volonté unanime des femmes, encore une fois, a décidé. Ainsi, jadis, dans l’histoire héroïque de l’Espagne – où, de Sagonte [Image] à Saragosse, les sièges abondent – les femmes de Numance, devant les légions romaines, se firent tuer par leurs maris plutôt que de se rendre. ■ (À suivre, demain mardi).
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