Marseille : la nouvelle municipalité compte transformer la ville en centre de migrants à ciel ouvert. C’est le quotidien régional La Provence qui nous l’apprend [31.08] et ça n’a rien de drôle. Faut-il y ajouter un quelconque commentaire ? Il suffit de lire. Indécrottables journalistes et élus… Qu’en pensent les Marseillais ? On s’en moque bien ! Démocratie ? Words dirait Shakespeare !
Réagissant à des navires de sauvetage appelant à l’aide en Méditerranée, la Ville a déclaré être prête à les accueillir
Par Laurence Mildonian (avec A.Mt)
Des déclarations qui rompent avec la réserve de la précédente mandature. Silencieux en juin 2018, quand L’Aquarius de l’association SOS Méditerranée cherchait un lieu sûr pour débarquer 600 migrants, Jean-Claude Gaudin avait déclaré en septembre de la même année que « cela ne le gênerait pas d’accueillir » le navire, évoquant la tradition d’ouverture de la cité phocéenne. Un an plus tard, le maire LR écrivait au préfet pour lui faire part de son hostilité au projet faisant de Marseille un port d’accueil pour les migrants étrangers, hostilité partagée par la candidate LR à la mairie, Martine Vassal.
« Nous sommes très heureux que les collectivités remettent ce sujet à l’ordre du jour, comme des élus corses l’ont fait en 2018« , se réjouit Fabienne Lassalle, directrice adjointe de SOS Méditerranée, association dont le navire, l’Ocean Viking, est actuellement bloqué en Sicile (lire ci-dessous). « En réalité, seul un État, à travers son autorité maritime nationale, a le pouvoir de désigner l’une de ses villes comme port d’accueil, et Marseille est très éloignée des deux navires, bien plus que l’Italie et ce ne serait sans doute pas la meilleure des solutions de repli pour eux. Cependant, cela reste extrêmement positif que la Ville se positionne ainsi et interpelle l’État en l’appelant à prendre ses responsabilités en la matière, poursuit la directrice adjointe. Nous devons venir en appui à l’Italie, seule en première ligne dans l’accueil de ces populations migrantes, c’est une question de solidarité envers ces femmes et ces hommesmais aussi entre États européens. »
À l’automne dernier, l’accord de Malte avait commencé à prévoir une répartition des rescapés entre six pays, incluant la France, l’Allemagne ou le Portugal. « Il fonctionnait jusqu’à ce que la crise du Covid fasse voler cet accord en éclats« , poursuit Fabienne Lassalle. Or, malgré la crise sanitaire, les traversées n’ont pas cessé, au contraire. Et alors que du côté du Rassemblement national, le sénateur Stéphane Ravier réagissait hier à la déclaration de Michèle Rubirola en pointant une « déferlante migratoire« , la directrice adjointe de SOS Méditerranée rappelait le rôle des navires de sauvetage en mer : « On est loin de l’appel d’air qu’on nous suspecte de créer, nous ne sommes que des citoyens qui avons armé des bateaux pour assister des personnes en danger parce que les États sont défaillants. Que des navires viennent à leur secours ou pas, il faut bien comprendre que si ces personnes se jettent à l’eau, c’est parce qu’elles fuient des tortures et sévices qu’elles subissent dans leurs pays, notamment en Libye. » La question de l’accueil et de la répartition de ces réfugiés, « c’est un vrai sujet dont les États doivent se saisir. J’espère que personne n’a en tête que la meilleure façon d’y répondre, c’est de laisser des gens mourir en mer« , glisse la responsable. Contactée, la préfecture n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Benoît Payan, premier adjoint à la maire de Marseille : « Quand quelqu’un se noie, on ne lui demande pas ses papiers, on le sort de l’eau »
Vous avez déclaré, samedi soir sur Twitter, que le port de Marseille serait ouvert au bateau « Louise-Michel » s’il en faisait la demande. Saluée par une partie de la population, l’annonce soulève le débat sur la place de Marseille dans l’accueil des migrants…
Benoît Payan : C’est une confusion légitime et c’est à nous d’être extrêmement pédagogiques à ce sujet. Il ne s’agit ni de réfugiés, ni de migrants, mais de naufragés à qui on doit porter secours. Nous ne sommes pas Paris, Bourg-en-Bresse ou Grenoble, mais Marseille, capitale de la Méditerranée. Par notre histoire, la ville a le devoir et la responsabilité d’ouvrir son port à toutes les femmes et les hommes qui sont en danger de mort. Quand quelqu’un se noie, on ne lui demande pas ses papiers, on le sort de l’eau. Cela fait fantasmer une partie de la droite et de l’extrême-droite de confondre allègrement porter secours et accueillir les migrants et les immigrés. Et c’est parce qu’ils sont noirs et arabes qu’on veut faire peur à la population. Si ces femmes et ces hommes étaient blancs, on dirait qu’ils se noient et qu’on doit les aider.
Si le navire venait accoster à Marseille, qu’adviendrait-il de ses occupants ?
Benoît Payan : On commencerait par soigner ceux qui sont entre la vie et la mort. Ensuite, c’est un autre sujet, qui relève de la politique d’accueil des pays les plus riches de la Méditerranée. Concrètement, c’est le droit commun qui s’appliquerait. Ceux qui n’ont pas de droits, ceux qui seraient en situation irrégulière seraient appelés à repartir chez eux. Mais cette situation convoque avant tout notre histoire et notre humanité : qui sommes-nous pour faire des débats sur les structures d’accueil quand quelqu’un se noie ?
La maire Michèle Rubirola ne se contente pas pourtant d’annoncer l’ouverture du port de Marseille, elle demande au président Emmanuel Macron d’accompagner la Ville et à l’État « de prendre ses responsabilités »…
Benoît Payan : La politique doit être globale, et on doit arrêter de détourner le regard sur ce qui se passe. Jusqu’à quand fera-t-on la part belle aux passeurs en fermant les yeux sur la situation ? Quand cherchera-t-on des réponses ? Quand aidera-t-on l’Italie qui paie un lourd tribut à organiser l’accueil de ces populations dans l’indifférence générale ? Il y a des milliers de morts par an dans la Méditerranée, il appartient à Emmanuel Macron de prendre le leadership sur cette question. La France est le plus grand pays de la Méditerranée et l’un des pays les plus riches du monde, il est temps de prendre nos responsabilités pour travailler à une politique globale sous peine de laisser la Méditerranée devenir un immense cimetière.
Mobilisation autour du navire de SOS Méditerranée bloqué en Sicile
Le sauvetage en mer est un devoir, La mer ne doit pas devenir un cimetière. S’ils n’étaient qu’une trentaine samedi soir à manifester sous l’Ombrière du Vieux-Port, les pancartes derrière lesquelles les militants de SOS Méditerranée se sont couchés sur des gilets de sauvetage durant 45 minutes, pour un symbolique die-in, rappelaient les drames qui continuent à se dérouler au large de nos plages, et l’urgence à libérer l’Ocean Viking.
112 000 signatures
Le navire de l’ONG née à Marseille est bloqué depuis fin juillet par les autorités italiennes, à Porto Empedocle, en Sicile, en raison de « plusieurs irrégularités techniques et opérationnelles« . « On lui reproche de transporter plus de passagers que ce qu’il est autorisé à recevoir, or le droit maritime distingue bien la notion de passagers et celle de rescapés, mais à force de se retrouver seule en première ligne pour gérer l’accueil des migrants, l’Italie finit par trouver des prétextes fallacieux pour bloquer les navires de sauvetage comme le nôtre« , se désole Fabienne Lassalle, la directrice adjointe de SOS Méditerranée. Des manifestations du même type avaient été organisées à Toulouse, Lyon et Paris samedi, après Bordeaux, Lorient ou Frontignan les jours précédents.
Une pétition lancée il y a un mois sur change.org avait déjà recueilli hier soir près de 112 000 signatures. Selon SOS Méditerranée, qui revendique avoir sauvé plus de 31 000 hommes, femmes et enfants depuis 2016 avec L’Aquarius puis l’Ocean Viking, au moins 22 000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée en six ans. ■