Nous vous proposons ici et les jours suivants la lecture intégrale de l’ouvrage publié sous ce titre par Henri Massis et Robert Brasillach, chez Plon, en 1936, après que le siège de l’Alcazar se soit achevé par l’héroïque victoire des troupes du général Franco. À l’heure où la République française est devenue coutumière d’hommages assez dérisoires rendus à presque n’importe qui, le récit de la résistance victorieuse des Cadets de l’Alcazar nous rendra l’exemple du pur et véritable héroïsme. C’est presque un reportage. Il émeut souvent, il peut aussi rendre confiance.
LA PRISE DE TOLÈDE
Dans la , nuit du samedi au dimanche, quelques éléments avancés des troupes nationales font une incursion à l’intérieur de Tolède, afin de se rendre compte des risques de résistance. Mais les Bouges ont déjà presque tous évacué la ville. Le général Varela fait couper, au nord, toutes les communications avec Madrid, et l’attaque a lieu dans la journée du 27.
Au matin, la colonne centrale attaque de face, pendant que la colonne du colonel Barron barre les routes du Nord, et qu’une troisième colonne, suivant le Tage, tient les ponts d’Alcantara et Saint-Martin.
A 10 heures et demie, la colonne centrale du colonel Carlos Asensio Cabavilles attaque, ayant en tête le premier tabor des regulares de Tetouan et la cinquième bandera du Tercio, commandés l’un par le commandant de Oro, l’autre par le capitaine Tieden. Les troupes chargent à la baïonnette, sous une violente fusillade. Maison par maison, la lutte continue, acharnée.
Le commandant Barcelo voulait abandonner la ville dès la veille, mais ses hommes, qui se sont défendus avec un beau courage, ont refusé de laisser la place aux nationalistes. La porte de Visagra est forcée à une heure de l’après-midi, à l’instant même où la colonne Barron atteint le Christ de la Vega. Dès que les Cadets de l’Alcazar voient entrer les soldats du commandant Muzzin (le premier qui ait franchi ses remparts), ils commencent à mitrailler les miliciens qui se trouvent pris entre deux feux.
A 8 heures du soir, on se bat encore dans les rues de Tolède. Les Rouges ont perdu près de mille hommes au cours de la journée ; les autres se sont enfuis par le pont Saint-Martin, où ils se sont ouvert un passage à coups de fusils.
L’Hôtel de Ville tombe à 9 heures ; puis, à 9 heures et quart, l’événement merveilleux, inouï, à quoi le monde n’osait plus croire, le fait indicible arrive, avec la simplicité surprenante, l’humilité magnifique de toutes les choses vraiment grandes. Dans la nuit noire, les Cadets de Tolède, les gardes civils, les phalangistes, les femmes, les enfants et jusqu’aux bêtes, tous sortent en désordre des ruines encore fumantes de l’Alcazar et se jettent dans les bras de leurs libérateurs !
Les femmes s’agenouillent, se signent, les hommes s’étreignent, se congratulent, battent des mains, en criant : Viva España ! Puis ils guident leurs sauveurs vers ces souterrains, témoins de tant de misère et de patience ! On leur montre les deux enfants nés pendant le siège, et dont l’un, fils d’un sergent de la garde civile, joint à son prénom chrétien de Ramon le prénom espagnol d’Alcazar-Restituto.
On voudrait que ces malheureux sortissent tout de suite de leurs tragiques catacombes, mais ils y reviennent malgré eux : ils semblent ne plus pouvoir les quitter ! Habitués à vivre là depuis des jours et des jours, sous les bombardements qui brisent les nerfs, annihilent la pensée, ce calme subit, inattendu, les étourdit, les affole ! II ne leur semble pas possible que ce soit vraiment fini ! Parmi tous ces êtres hirsutes, loqueteux, comme hébétés par ce qui leur arrive, on voit soudain surgir le cheval de course du capitaine Silio. Efflanqué, squelettique, le pauvre animal qui fut jadis un splendide pur-sang, ne sait où poser ses pattes : il n’avance qu’en titubant, tourne en rond, l’air hagard, au milieu des décombres… Lui non plus ne veut pas quitter l’Alcazar !
Les assiégés vont, ce soir, y faire le plus beau festin de leur vie. Pour ce banquet de la libération, on tue les dernières mules (il en restait quatre, qui eussent permis de tenir six jours encore, à raison de deux cents grammes de viande par personne) ; on met en perce un tonneau de cerveza, et l’on débouche la bouteille de Xérès qu’on a gardée pour l’offrir à celui qui entrerait le premier dans l’Alcazar.
Puis tous s’endorment, pour la première fois sans angoisse, sous la protection de leurs frères d’armes.
Quand le colonel Moscardo a dû tout à l’heure rassembler ses officiers et ses soldats dans la cour de l’Alcazar, pour recevoir le général Varela, il s’est avancé vers lui, puis, au garde à vous, il l’a salué par ces mots — Ici, rien à signaler, mon général.
LES FÊTES DE LA VICTOIRE
Le 28 septembre, l’exaltation règne à Tolède. Les Rouges ont évacué la ville qu’ils ont tenue pendant soixante-dix jours avec cinq mille miliciens et six mille soldats, venus de Madrid en renfort. La plupart se sont enfuis vers Ciudad Real, abandonnant les pièces d’artillerie lourde, des canons anti-aériens .et des mitrailleuses.
A l’aube, quatre-vingts miliciens, réfugiés dans l’hôpital Saint-Jean, ont été pris et fusillés… Puis Tolède s’est livrée toute à la joie d’acclamer ses libérateurs. La foule, ivre d’allégresse, applaudit inlassablement les régiments qui franchissent la place Zocodover ; et son transport devient délire quand le général Franco arrive en automobile, avec le général Millan Astray, le vieux bledard, le fondateur de la Légion. [Photo] Entourés par cet immense cortège, et sous d’enthousiastes clameurs, ils montent aussitôt vers l’Alcazar, où les attend la garnison en armes.
Jeune, allègre, le général Franco traverse le grand patio dévasté. Il passe devant le front des défenseurs, puis s’avance vers le colonel Moscardo qui se tient immobile, face à la statue de Charles-Quint ; il lui prend les mains en pleurant, l’embrasse et le décore de la croix laurée de Saint Ferdinand, la plus haute dignité espagnole. Tous, d’ailleurs, collectivement la reçoivent. On fait ensuite l’appel des vivants et des morts.
Présent !
Mort à l’ennemi !
Blessé !
Mort à l’ennemi !
Disparu !
Suicidé !
Déserteur !
Présent!… Présent!… Présent !
La parole nette, les yeux lucides, le général Franco, face aux Cadets, prononce alors ces paroles :
— Défenseurs de l’Alcazar, vous êtes l’honneur de l’Espagne. Le vieil Alcazar, qui a formé des générations d’officiers, est détruit. Nous le reconstruirons. Et vous servirez d’exemple à l’Espagne qui, elle, va reconstruire un empire. Arriba España !
Et le cri, répété par des milliers de voix unanimes, montent vers la Citadelle meurtrie… Comme un mât sur une épave, l’une de ses tours dresse encore une arête de pierre, au-dessus de sa masse écroulée, de ses façades déchiquetées. Un monceau de ruines, voilà ce qui reste de cet invincible Alcazar, après soixante-dix jours d’un siège où il a reçu plus de quinze cents obus de 155, dix mille de 105 et. de 75, sans compter les 240. En une seule journée, quatre cent cinquante bombes d’avion de 50 kilos sont tombées sur son aire. Qui disait donc que les gouvernementaux n’avaient ni canons, ni avions, ni munitions ? L’Alcazar a subi l’avalanche sans fléchir. L’Alcazar a tenu, et, dans ses souterrains, il a senti battre le cœur de l’Espagne, éternel… ■ (À suivre, demain samedi).
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