Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Voici donc l’Union européenne – donc la France – liée par un accord rien de moins que léonin avec la Turquie de M. Erdogan. Incapable de se protéger elle-même, l’Union sous-traite en effet la surveillance des migrants en provenance de Syrie.
Coût de l’opération, sans garantie de réussite : trois milliards d’euros et relance du processus d’adhésion de la Turquie à l’U.E. Passons sur cette adhésion à laquelle plus personne ne semble croire vraiment et qui manifestement n’est rappelée que pour complaire à un pouvoir turc dont elle sert grandement la communication intérieure. Restent ces trois milliards, somme bien importante tout de même pour obtenir d’un prétendu « allié » de l’OTAN qu’il veuille bien respecter les conventions internationales (comme la France le fait à Calais) et dont M. Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman, fait remarquer qu’elle s’ajoute au milliard annuel versé au titre d’aide à la pré-adhésion.
Concernant notre pays, il faut bien voir dans cet épisode la manifestation d’une diplomatie tantôt erratique tantôt idéologique, bref impuissante. Certes, il n’aurait fallu participer à rien de ce qui a contribué à plonger dans le chaos le monde arabo-musulman, région déjà fortement traumatisée par la création de l’Etat d’Israël en 1948 : ni se battre contre Saddam Hussein en 1991, ni faire tomber le régime de Kadhafi en 2011, etc. Un certain interventionnisme, qui peut nous paraître légitime dans le « pré carré » africain, tourne vite au fiasco dans cette région si compliquée. Et MM. Onfray et de Benoist peuvent à juste titre se retrouver, chacun a sa façon, dans la formulation lapidaire de M. Jamet : « nous ne pouvons faire la guerre au loin et avoir la paix chez nous ».
Cependant, malgré les répercussions trop prévisibles sur le territoire national, il paraît désormais difficile de ne rien faire contre l’Etat islamique. Mais il semble quelque peu incohérent de se rapprocher un peu plus d’une Turquie dont le pouvoir baigne dans l’idéologie des Frères musulmans et dont l’intérêt est, plutôt que d’y remédier, de profiter de la situation qui prévaut en Syrie. On ne saurait bien sûr reprocher à la Turquie de M. Erdogan sa nostalgie ottomane et son auto-promotion régionale : la Turquie joue son jeu, et c’est bien naturel. On peut en revanche s’étonner de la naïveté des Européens, des Français en l’occurrence, à l’égard de celui qu’on nous a successivement présenté comme un « islamo-conservateur » puis comme un « islamiste modéré ». Il faut comprendre que ce qui obsède le pouvoir nationaliste d’Ankara, c’est le problème kurde. Cela seul suffit à expliquer sa stratégie dans un conflit syrien qui constitue pour lui une belle opportunité, l’Etat islamique étant pour l’instant un allié objectif avec lequel il collabore sans vergogne dans le domaine pétrolier et auquel il est fortement suspecté de faire passer des armes sous couvert d’aide humanitaire.
« La Turquie est un allié incontournable et en même temps c’est un allié toxique » (M. Servent, France 5). Incontournable sans doute du fait que la France reste inféodée à l’OTAN; toxique certainement du fait que la Turquie sait ce qu’elle veut contrairement à nous. ■
Publié le 7 décembre 2015 – Actualisé le 17 septembre 2020
* Agrégé de Lettres Modernes.
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Il fut un temps ou un crétin, dont le nom n’a plus d’importance, paix à ses cendres, avait déclaré bêtement « Il est gentil monsieur Hitler ». Sa cécité couta la vie à des dizaines de millions d’hommes et de femmes entre 1939 et 1945. Les politiciens européens semblent n’avoir toujours rien appris. L’esprit SDN qui habite les cervelles des progressistes est une forme de peste mentale toujours non éradiquée.