Par Rémi Hugues.
Après la percée d’EELV aux dernières municipales, les édiles écolos enchaînent les énormités : sur le sapin, le Tour de France etc. C’est ce qui a suscité cette réflexion de Rémi Hugues qui vise juste en les traitant d’hurluberlus et d’illuminés !
Depuis lʼirruption de lʼère moderne pullulent ces -ismes qui sont autant de chimères pour lʼhumaine condition qui aspire sans vraiment savoir pourquoi à sʼaffranchir dʼun ordre quʼelle assimile à lʼoppression au nom dʼune Liberté sous laquelle se dissimule en réalité la licence, qui est à honnir en tant que facteur de chaos, de guerre permanente de chacun-contre-chacun et de tous contre-tous.
Sauf que jamais la violence ne peut être rédemptrice. En vogue de nos jours : le drapeau vert de lʼécologie ; le Système veut en effet se donner une nouvelle jeunesse, se reverdir, par le biais du greenwashing, si lʼon nous concède lʼusage de cet anglicisme.
Dans son essai Le fanatisme de lʼApocalypse1, Pascal Bruckner a dit lʼessentiel sur la nature profonde de lʼidéologie qui sous-tend le mouvement écologiste.
Lʼécologie politique nʼest pas seulement le produit dʼune logique de dépassement, au sens hégélien. Il sʼavère à cet égard que ce mouvement, apparu dans les années 1960 au sein des milieux de gauche et surtout dʼextrême-gauche, consiste dans une certaine mesure en une reviviscence du romantisme allemand pour qui le soin apporté à la nature fut lʼun des vivants piliers, pour citer le poème de Charles Baudelaire « Correspondances »2.
Il nʼest pas fortuit quʼen France la figure de proue du parti les Verts devenu Europe-Écologie soit lʼAllemand Daniel Cohn-Bendit ; lequel en Mai 68 pourfendait autant dans ses discours enflammés le capitalisme occidental que le communisme soviétique.
Lʼécologie vise précisément à opérer le dépassement de la dialectique constituée de la thèse libérale et de son antithèse socialiste, dialectique qui traversa pratiquement lʼensemble du XXème siècle idéologique et politique.
Réaliser une synthèse, cʼest au fond identifier un point commun entre deux substances situées en apparence aux antipodes, en opposition diamétrale lʼune vis-à-vis de lʼautre. Autrement dit, cʼest unifier les contraires, cʼest établir ce que les alchimistes appelaient la coniuctio, la « conjonction ».
États-Unis et Union Soviétique, par-delà leurs rapports antagoniques, se mirent à expliquer les tenants du discours écologiste, cultivent une même inclination à fonder leur projet de réalisation de puissance sur le productivisme, sur lʼidée selon laquelle le bonheur des peuples ne peut en ultime instance sʼobtenir que par la maximisation de la production de richesses matérielles, suivant le paradigme moderne par excellence dʼaprès lequel la logique quantitative prime, comme lʼa remarquablement souligné René Guénon dans Le Règne de la quantité et les Signes des temps3.
À lʼintérieur de la feue « Gauche plurielle » de Lionel Jospin, le « coco » clamait « croissance ! » quand lʼ « écolo » lui répliquait « décroissance ! », tandis que le « socialo », souvent formé dans les rangs de lʼune des groupusculaires mais influentes chapelles trotskistes, tirait les marrons du feu, au grand malheur du Pays réel.
Cependant, lʼécologisme ne peut pas seulement être défini comme lʼentreprise politique sʼefforçant de provoquer la sortie du productivisme au nom dʼune Nature sacralisée quʼil serait moralement juste de préserver.
Lʼécologie a ressuscité la déesse païenne Gaïa, mais elle lʼérige en déesse vulnérable, mortelle même, ce qui nʼest pas un attribut habituel pour une divinité, vous en conviendrez.
En mettant en péril son environnement, lʼhumanité risquerait ainsi de remettre en cause sa vie elle-même : telle est la dimension eschatologique du discours écologiste. Car poser une représentation du monde comme celle-ci, cʼest pointer du doigt la question du terme, de la fin ; et cʼest lʼobjet même de ce domaine de la pensée quʼest lʼeschatologie, vocable apparu au XIXème siècle4.
Se préoccuper de la mort de la Terre – Gaïa étant notre planète haussée au rang dʼêtre divin –, cela consiste à tenir un discours apocalyptique, selon lʼacception populaire du vocable, qui oublie qu’en grec « apocalypse » signifie lever le voile, dévoiler, révéler.
Les idéologies modernes sont en définitive des théologies politiques sécularisées, affirmait Carl Schmitt. Ainsi voit-on aujourd’hui advenir en haut de lʼestrade électorale un mouvement politique faisant rejaillir dʼantiques croyances qui semblaient rester endormies depuis des lustres dans les textes apocalyptiques de groupes mystiques tels que les Esséniens, communauté du Proche-Orient décrite dans le chapitre VI du livre des Nombres5.
Mais ces Esséniens-là sont sans Dieu – cʼest dans ce sens quʼon considère que lʼécologie est une laïcisation de quelque chose –, à moins que lʼun dʼentre eux ne vienne un jour à exprimer l’idée saugrenue que Dieu est en fait vivant parmi nous, que ce serait – pourquoi pas ? – Greta Thunberg, ou lʼenfant qui apparaît entouré de dessins de ces magnifiques productions de la nature que sont les arcs-en-ciel dans le discours de la reine dʼAngleterre sur le covid-19, en somme une sorte d’avatar du Messie-Pantocrator tant attendu par les fidèles des religions abrahamiques6.
Il y eut bien des gens assez fous pour vouer un véritable culte à Lénine ou Staline, comme sʼils eussent été des divinités à forme humaine, en dépit de l’égalitarisme professé par la doctrine marxiste.
Ne craignons donc pas de qualifier sans ambages les écolos triomphants. Traitons-les tels quʼils sont : des hurluberlus, des illuminés. Qui, on l’espère, ne transformeront pas les métropoles dont ils ont la charge en champs de ruine, comme jadis la secte anabaptiste en la ville de Münster. ■
1 Essai au sous-titre éloquent : « Sauver la Terre, punir lʼHomme ». Il a été publié par Grasset en 2011.
2 Ce nʼest pas une simple poésie parmi dʼautres dans la pléthorique œuvre de Charles Baudelaire. Cʼest un manifeste. Celui de lʼécole symboliste, sous-genre du romantisme français tourné essentiellement vers la poésie. Maurice Barrès défendit cette thèse dans un article intitulé « La sensation en littérature. La folie de Charles Baudelaire » paru dans Les Taches dʼencre. Il y soutient que Baudelaire « procède par sensations associées, par correspondances […], cʼest-à-dire quʼil a lʼintuition secrète de rapports invisibles à dʼautres. Il rapproche ainsi par des analogies inattendues des sensations déjà étranges. », LʼŒuvre de Maurice Barrès, t. I, Paris, Club de lʼHonnête Homme, 1965, p. 396.
3 « Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne, nous prendrons ici tout dʼabord, comme point central de notre étude, la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif, tendance si marquée dans les conceptions ʽʽscientifiquesʼʼ de ces derniers siècles, […] on pourrait presque définir notre époque comme étant essentiellement et avant tout le ʽʽrègne de la quantitéʼʼ. », Paris, Gallimard, 1972, p. 9.
4 Cf. Patrick de Laubier, Lʼeschatologie, Paris, P.U.F., 1998.
5 Les Esséniens entendaient suivre scrupuleusement la loi sur le naziréat décrite dans ce passage de la Bible.
6 Conformément aux vœux dʼAlice Bailey, qui fonda la société théosophique appelée « Bonne volonté mondiale ».
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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