Par Jean-Christophe Buisson*.
Le comédien franco-britannique aux 150 films portait sa foi en bandoulière. Il est mort lundi, à 89 ans.
C’était il y a dix ans. Le Festival de Cannes ronronnait, bercé par les cris de pâmoison à la sortie de films coréens à peine sous-titrés et les quêtes effrénées de soirées baroques et décadentes.
Jusqu’à ce matin où un souffle venu d’ailleurs plongea la Croisette dans la sidération. Venait d’être projeté le sublime film de Xavier Beauvois, Des hommes et des dieux, et chacun venait de comprendre que le cinéma pouvait parfois ressembler à une révélation.
Deux acteurs portaient ce film en forme d’hommage aux moines de Tibhirine sauvagement assassinés en Algérie : Lambert Wilson et Michael Lonsdale.
Quelques semaines plus tard, nous avions rencontré le comédien octogénaire et pris à l’occasion une leçon d’humilité. Se revendiquant catholique, il ne se trouvait aucun mérite à incarner frère Luc avec justesse (« c’est vous qui le dites »). C’était là tout sauf de la fausse modestie chez cet
homme dont la voix si douce, si affectueuse, si enveloppante contrastait avec un physique gaillard que l’on pouvait croiser régulièrement près des Invalides, où il vivait dans un appartement aux allures de capharnaüm et de librairie.
Acteur exceptionnel ayant servi le cinéma et le théâtre du plus exigeant (Marguerite Duras) au plus populaire (James Bond), il avait été converti à 22 ans par les dominicains. Dans un milieu volontiers anticlérical, il portait sa foi en étendard * : avec lui, c’était tous les jours la Faith Pride. Au point d’avoir interprété tous les rôles de religieux (« même celui de Dieu, dont je faisais la voix dans un film que j’ai oublié ! »). De vénérer Monsieur Vincent, La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer et L’Évangile selon saint Matthieu de Pasolini. D’avoir monté Le Pèlerin russe en France. D’avoir refusé un rôle dans Amen de Costa-Gavras (« un mauvais procès contre Pie XII »). Et de
ne penser, en jouant, qu’à « réchauffer les cœurs abîmés et fatigués ».
Le voilà auprès de son maître. Loin des caméras. Cela ne devrait pas lui déplaire. À nous, si. ■
* Il avait ainsi enregistré la lecture de textes de 40 « Grandes figures de la spiritualité chrétienne ». Disponible sur Le Figaro store.
* Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Ses derniers livres, 1917, l’année qui a changé le monde, et Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, (2019) sont parus aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.
D’accord avec ce qu’écrit Jean-Christophe BUISSON
Peu amateur de théâtre je ne peux témoigner des interprétations paraît-il extraordinaires qu’il donnait dans des pièces de Samuel Beckett ou de Marguerite Duras et ses plus remarquables rôles au cinéma sont innombrables. On peut avec sympathie noter qu’il avait incarné un très intéressant Louis XVI dans un film de James Ivory, en 1995, qui n’a eu aucun succès et s’appelait « Jefferson à Paris ».
Mais je peux apporter un témoignage assez surprenant sur sa foi catholique ; un matin de 15 août, je me suis retrouvé tout à fait par hasard pour la célébration de l’Assomption à l’église Saint Martin des Champs, rue Saint Martin, dans le 3ème. J’ignorais alors que cette église avait été confiée à la Communauté charismatique de l’Emmanuel. Je ne suis pas particulièrement féru de ces communautés (L’Emmanuel, le Chemin neuf, etc.) et j’étais alors plutôt réservé sur les effusions mystiques, l’expression très démonstrative et très joyeuse de la Foi. Toujours est-il que je me suis retrouvé à quelques mètres de Lonsdale qui, lui, vivait véritablement très fortement sa conviction et participait presque physiquement au culte. À la fin de la messe, je n’ai pas osé aller le voir et lui dire mon admiration… C’est idiot, non ?
Si cela intéresse quelques uns de lire ou relire ce que j’ai écrit dans JSF sur « Des hommes et des dieux », voici le lien : https://www.jesuisfrancais.blog/2018/10/14/patrimoine-cinematographique-•-des-hommes-et-des-dieux/