Cet éditorial de Vincent Trémolet de Villers est paru à la une du Figaro du 25 septembre. Qui a raison de la colère des Français – des Marseillais, entre autres – ou de l’autoritarisme sanitaire de l’exécutif ? En tout cas, la méfiance réciproque est installée. Elle l’est, à bien y regarder, depuis bien longtemps. Bien avant que le virus malin ne vienne frapper la planète. Et elle l’est sur de nombreux sujets comme le montrent les sondages. Sur la peine de mort, par exemple, le divorce est consommé et ce n’est pas la pérennisation des attentats terroristes qui y remédiera. Sur la présence massive d’étrangers en France. Même remarque. Sur l’Europe encore depuis le traité de Lisbonne. Deux siècles de démocratie à la française, cela se paye. Pour la lutte anti Covid, comme pour le reste.
« l’exécutif a basculé en zone d’alerte politique. »
Ah, ces pauvres Français! Ils sont dans le « déni » (Agnès Buzyn), ils souffrent d’un « défaut d’acculturation scientifique » (Sibeth Ndiaye), on ne leur a jamais menti sur les masques (Olivier Véran) et, s’ils avaient écouté leurs gouvernants, nous n’en serions pas là ! Voyez l’exposé du ministre de la Santé, tout est réglé comme papier à musique : taux d’incidence finement élaborés, modélisations au jour près, carte différenciée pour chaque département – vérité en deçà des Deux-Sèvres, erreur au-delà -, horaires changeants selon que vous serez bistrot ou restaurant… Un chef-d’œuvre technocratique ! Las, la réalité, ce sont des queues interminables pour des tests sans résultats avant la fin de la septaine, une application StopCovid inutile et coûteuse, des agences régionales de santé qui avancent au rythme de l’escargot, des nouveaux lits d’hôpital promis et pourtant introuvables…
Alors, oui, les Français ne sont pas champions du monde des gestes barrières, ils ne sont pas sérieux quand ils ont 17 ans, mais ils vivent masqués toute la sainte journée et acceptent jusqu’ici, avec une docilité fascinante, le sacrifice des libertés les plus élémentaires. Simplement, ils ont une petite exigence : la cohérence de la parole publique. Il y a quinze jours, un premier ministre rassurant leur faisait quelques recommandations d’usage ; mercredi, Olivier Véran les ramenait quelques mois en arrière, au temps de l’effrayante froideur des comptabilités sanitaires. Épidémie hors de contrôle, traitement de cheval. Les esprits n’étaient pas préparés, les élus à peine consultés.
Ce gouvernement devait être celui de la concertation, du nouveau pacte girondin, de la vie qui continue « avec le virus » : du déconfinement. Le voici en butte à la colère des Marseillais, la crainte des bistrotiers, l’incompréhension des citoyens. Olivier Véran a rompu le fragile équilibre entre nécessités sanitaires, économiques, sociales et culturelles qu’Emmanuel Macron jusqu’ici parvenait à tenir. Depuis, l’exécutif a basculé en zone d’alerte politique. ■