Les réalités finissent un jour par être découvertes et, alors, les idées cheminent. Le vent tourne. Mais l’analyse du Parisien n’est pas une découverte. Un livre dont avait beaucoup parlé il y a quelques années, avait déjà soulevé, à sa manière, le problème central que pose ici David Doukhan, rédacteur en chef du service politique du Parisien, dans sa livraison d’hier, 30 septembre. Le titre du livre dont nous parlons est Poison présidentiel. (Albin Michel, 2015).
Son auteur ? Ghislaine Ottenheimer, rédactrice en chef à Challenges. Y étaient déjà posées des questions essentielles : « La France n’arrive pas à s’adapter ? On incrimine les syndicats, les corporatismes, un surmoi marxiste, des dirigeants politiques de plus en plus médiocres… Mais si c’était avant tout la faute de nos institutions ? » Le livre voyait « cette monarchie républicaine condamnée à terme car déconnectée des vrais enjeux, à la fois frivole et décadente. » Et nous y sommes, n’est-ce pas ? Cinq ans plus tard, David Doukhan est sur la même ligne et la France souffre, n’en peut plus…
« Un principe de ce gouvernement est de n’avoir pas beaucoup d’anticipation. […] On fait blanc ou noir. Ou on ferme tout, ou on ouvre tout. On est encore dans la théorie du cow-boy ».
Cette attaque en règle est signée Anne Souyris, adjointe écologiste à la maire de Paris, en charge de la santé publique. Qu’une responsable municipale étrille le gouvernement sur sa gestion de l’épidémie peut paraître anecdotique, tant les élus locaux et l’État se sont écharpés depuis le début de la crise du Covid-19.
C’est en réalité tout sauf banal. Au contraire, même : problématique.
D’abord, d’un côté comme de l’autre, cela ne renvoie pas l’image d’hommes et de femmes d’État en capacité de rassurer une population chaque jour plus anxieuse. Ensuite, c’est le symptôme d’un mal démocratique plus profond dont souffre notre pays. Celui de l’élection permanente. Combien de temps notre calendrier électoral laisse-t-il à un nouveau président de la République pour réformer le pays ? Deux ans grand maximum avant qu’un nouveau cycle électoral soit relancé !
Exit la bonne volonté, bienvenue aux arrière-pensées !
Emmanuel Macron arrive en mai 2017, les élections européennes tombent en mai 2019, et ensuite, ça enchaîne : municipales en mars 2020, régionales et départementales en mars 2021 et l’année suivante, le quinquennat est terminé ! Cette bousculade a un effet paralysant surtout lorsque le président en place (originalité depuis 2017) ne bénéficie pas d’un tissu d’élus de terrain bien installé.
Comment réformer le pays alors que les élus sont tous ou presque des adversaires politiques ?
Plus problématique encore, comment gérer une crise sanitaire et économique majeure quand plusieurs présidents de région ou grands maires veulent prendre la place de l’hôte de l’Élysée ? Le problème de cette campagne électorale permanente peut se résumer ainsi : exit la bonne volonté, bienvenue aux arrière-pensées ! ■
Merci à Michel Franceschetti de sa transmission.