Par Antoine de Lacoste.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre, l’armée azerbaïdjanaise a relancé les hostilités contre l’enclave autonome arménienne du Haut-Karabakh située sur le territoire de l’Azerbaïdjan.
C’est une vieille histoire. Dès 1918, l’assemblée arménienne du Haut-Karabakh (appelé alors le Nagorno-Karabakh) proclamait son autonomie. Après des années de péripéties auxquelles furent mêlés les Turcs et les Britanniques, les Soviétiques mirent tout le monde d’accord non sans avoir envahi les deux pays en conflit : le Nagorno-Karabakh serait azéri mais avec un statut d’autonomie compte tenu d’une population presque exclusivement arménienne.
Le problème restait entier. Les Azéris n’étaient guère satisfaits de devoir tolérer une enclave autonome chez-eux et les Arméniens ne voulaient pas dépendre de l’Azerbaïdjan.
Le conflit reprit donc tout naturellement avec la chute de l’Union soviétique. De grandes manifestations se déroulèrent à Erevan, capitale de l’Arménie et Stepanakert, capitale du Haut-Karabakh pour exiger le rattachement de ce dernier à l’Arménie. A partir de 1991 et de l’indépendance des deux pays, plus rien ne les retenait sur la voie de la guerre. Elle dura jusqu’en 1994, fit près de 30 000 morts et se solda par une nette victoire de l’armée arménienne. Le Haut-Karabakh conserva son autonomie sous bonne garde militaire arménienne.
On peut noter que de nombreux volontaires ou mercenaires étrangers vinrent renforcer les deux camps : Russes et Ossètes pour l’Arménie (plus une notable aide logistique de la Grèce), Turcs, Tchétchènes et Afghans côté azéri. De vieilles connaissance comme l’on voit. Car au-delà des différences ethniques (les Azéris sont turkmènes) il y a deux religions fort différentes : chrétiens contre musulmans chiites.
Depuis une semaine, les combats font donc rage et les deux camps rivalisent de bilans invérifiables. Il semble toutefois que les morts commencent à être nombreux des deux côtés. Les Azéris affirment avoir conquis plusieurs villages du Haut-Karabakh mais ces gains semblent marginaux et l’offensive paraît piétiner. L’armée de Bakou (capitale de l’Azerbaïdjan) a, innovation par rapport au précédent conflit, attaqué directement la frontière arménienne dans le nord. Elle est contenue mais cela oblige l’Arménie à y laisser des forces substantielles qui manquent au Haut-Karabakh. C’était bien sûr le but de cette agression.
En tout état de cause, les Arméniens souffrent militairement bien d’avantage que lors de la guerre de 1991-1994. La responsabilité en revient à la Turquie.
Décidemment très actif ces temps-ci, notre ambitieux sultan a fourni du matériel performant aux Azéris, notamment des drones qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité en Syrie, contre l’armée syrienne et en Libye contre les forces du Maréchal Haftar. Israël, principal vendeur d’armes à l’Azerbaïdjan, pourrait se voir supplanter.
Mais au-delà des armes, il y a les hommes. La présence d’islamistes syriens ne fait aucun doute aux côtés de l’armée de Bakou. Plusieurs centaines ont été envoyés depuis la Syrie : le Président Macron, décidemment très en verve contre Erdogan en ce moment, parle de 300 mercenaires dans sa déclaration du 2 octobre, tandis que l’Arménie en dénombre plusieurs milliers (4000, voire plus).
L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (le grand désinformateur de la guerre en Syrie) parle lui de 850 islamistes turkmènes prélevés du front d’Idleb dont 28 auraient déjà trouvé la mort : l’armée arménienne sera plus coriace que les troupes d’Haftar.
Poutine a également dénoncé cette présence et nul doute que c’est lui qui détient les clés de la résolution de ce conflit, dont l’issue est totalement incertaine. ■
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