Par Jean-Christophe Buisson*.
Des femmes de soldats britanniques en mission montent une chorale. Un joli et efficace « feel-good movie ».
On connaît la chanson : prendre un groupe de gens (des enfants français sous l’Occupation, des mineurs anglais, des vieillards dans un hospice, les ouailles d’une paroisse suédoise, etc.), les faire jouer ou chanter ensemble et régler ainsi une volée de problèmes psychologiques, sociaux, moraux, voire politiques.
Depuis vingt ans, la formule fait recette au cinéma. Au point que la
lassitude pourrait poindre à l’horizon comme le soleil à Strasbourg à 8 h 02 en ce moment. D’où l’audace de Peter Cattaneo, qui remet une pièce dans le juke-box avec cette comédie dramatique qui sent le « déjà-vu » : The Singing Club (en salles le 4 novembre).
Une base militaire britannique du Yorkshire délaissée par ses hommes (et quelques femmes), envoyés en mission en Afghanistan. Leurs épouses non moins délaissées qui montent une chorale pour s’occuper et chasser leurs angoisses. Deux femmes qui s’en disputent le leadership – l’une, rigide, classique et austère, est mariée au colonel de la base ; l’autre, extravagante, dispersée voire bordélique, a convolé avec un sergent-chef noir, avec qui elle a eu une fille dont l’adolescence est évidemment agitée.
On a beau voir s’ébrouer des archétypes plus que des personnages, supputer la fin de l’histoire (forcément heureuse après quelques drames inévitables), déceler des cordes en guise de ficelles narratives, rien n’y fait : on marche (au pas), on court, on exulte. Sans doute le réalisateur de Full
Monty ne filme-t-il pas gratuitement. En faisant donner de la voix à des femmes souvent confinées à un rôle de grandes muettes, il suit une démarche qui n’est pas seulement esthétique – il s’appuie d’ailleurs sur une histoire vraie. Mais jamais il ne perd de vue qu’un film au sujet sérieux est
d’autant plus efficace qu’il est divertissant, émouvant. Et Cattaneo s’y connaît en climax d’émotions : toute la gamme y passe, de la peine incontrôlable à la joie intense. Or, y a-t-il une bonne raison à s’interdire d’être remués voire secoués par un film en ce moment ? Et surtout :
comment refuser de passer deux heures devant Kristin Scott Thomas ? ■
* Source : Figaro magazine, dernière livraison.
Jean Christophe Buisson est écrivain et directeur adjoint du Figaro Magazine. Il présente l’émission hebdomadaire Historiquement show4 et l’émission bimestrielle L’Histoire immédiate où il reçoit pendant plus d’une heure une grande figure intellectuelle française (Régis Debray, Pierre Manent, Jean-Pierre Le Goff, Marcel Gauchet, etc.). Il est également chroniqueur dans l’émission AcTualiTy sur France 2. Ses derniers livres, 1917, l’année qui a changé le monde, et Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, (2019) sont parus aux éditions Perrin.
1917, l’année qui a changé le monde de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 320 p. et une centaine d’illustrations, 24,90 €.
Le Siècle rouge. Les mondes communistes, 1919-1989, de Jean-Christophe Buisson, Perrin, 420 p. avec illustrations, 27 €.
Publié dans JSF à 6h45